Les géostructures consistent à incorporer les boucles d’eau glycolée dans les fondations des bâtiments en construction neuve. L’idée est simple : au lieu de forer, profitons des ouvrages obligatoirement présents sur un chantier en collectif et en tertiaire neuf. Voici l'avis sur le sujet de Jean-Loup Lacroix, président-directeur général du BE spécialisé StratéGéo http://www.strategeo-conseil.fr/.
Rencontré à Artibat 2021, l’entreprise Lemasson, conçoit et fabrique des systèmes thermodynamiques géothermiques sur-mesure depuis 1975. ©Lemasson
« Concernant les solutions de fondations thermoactives, dit-il, je vous confirme qu'il est tout à fait possible de valoriser les fondations profondes d'un bâtiment (pieux, paroi moulée, radier) par un dispositif de géothermique. La première condition repose sur le type de fondations du bâtiment qui sera réalisé. Au-delà de 10 m de profondeur, le sous-sol reste à température quasi-constante toute l'année, environ 15°C. On peut donc facilement profiter de l'inertie du sol pour chauffer et rafraichir un bâtiment ».
Si un bâtiment est fondé sur pieux de 15 à 20, voire 30 m de profondeur, il sera tout à fait possible de profiter de ces ouvrages pour les équiper de capteurs géothermiques. « Comme pour les sondes verticales qu'on réalise dans des forages spécifiques de 100-150 ou 200 m de profondeur, poursuit-il, qui sont très répandues chez nos voisins européens et de plus en plus en France, les pieux énergétiques captent l'énergie du sous-sol en faisant circuler de l'eau froide (3-5°C) ou chaude (20-25°C) dans ces circuits en PEHD accrochés à la cage d'acier du pieux de fondation ».
L'eau froide ou chaude se réchauffe ou se refroidit au contact du sol et puise ainsi l'énergie qui sera transmise à la pompe à chaleur pour y être valorisée dans le bâtiment. L'été, il est également possible de rafraichir directement le bâtiment grâce à la fraicheur du sous-sol en début de saison, le géocooling. Ce qui permet de produire près de 30 KWh de rafraichissement en ne consommant uniquement 1 kWH d'électricité.
Lemasson propose plusieurs gammes de pompes à chaleur géothermiques, dont la gamme Indus qui comporte 5 pac de 26,5 kW à 48,8 kW de puissance en version eau/eau avec un départ d’eau à 55°C, ou de 21,94 à 42,93 kW en eau glycolée, toujours pour un départ à 55°C. Elles sont naturellement cascadables et peuvent être livrées prémontées sur skid. ©Lemasson
« L'avantage premier de ce type de captage, c'est que le circuit est fermé et donc il n'y a aucun échange avec l'extérieur hormis de l'énergie. Aussi, l'entretien de ce genre de solution est très limité, à savoir quelques centaines d'euros par an pour la maintenance et un changement du fluide caloporteur (eau ou eau glycolée) tous les 10 ans et un changement de circulateur en fin de vie ».
« La contrainte importante d'une solution sur pieux énergétiques se situe au niveau de la quantité d'énergie que le dispositif devra fournir et la complémentarité entre besoins de chauffage et besoins de rafraichissement pour équilibrer le système d'année en année, et éviter l’épuisement du captage thermique.
Aussi, pour une solution de pieux pour des logements neufs, la performance du système sera optimale dans trois cas :
- un sous-sol très performant, avec écoulement de nappe de nappe, par exemple,
- l’alternance dans l’année de chauffage et de rafraîchissement fournis par les pac géothermiques raccordées aux sondes,
- un bâtiment à usage différencié, rassemblant des logements, des commerces, etc. dont les besoins sont différents.
En tertiaire, pour les EHPAD ou les commerces, la géostructure peut être très pertinente, car la rafraichissement/climatisation l'été est une nécessité incontournable. Ce qui conduit à équilibrer thermiquement le sous-sol d'année en année, même pour un sol peu conducteur thermiquement.
Et si le bâtiment ne possède pas de fondations spéciales profondes, on peut facilement opter pour une solution sur sondes verticales qui depuis 2015 présentent un intérêt important avec une profondeur pouvant atteindre 200 m de profondeur.
« Aujourd'hui, indique Jean-Loup Lacroix, StrataGéo intervient sur des bâtiments tertiaires bas carbone, de 10 à 15 000 m², pour lesquels une pompe à chaleur géothermique sur 23 sondes verticales de 150 m de profondeur satisfait plus de 90% des besoins annuels de chauffage et de climatisation/rafraichissement avec le même dispositif »
« Ces champs de sondes se situent sous le bâtiment entre les fondations et occupent environs 1500 m² d'emprise au sol. Avec une durée de vie bien supérieur à celle bâtiment, la solution des géostructures ne présente finalement que des intérêts en divisant par 4 ou 5 les consommations d'énergie et donc les émissions de CO2 ».
Si le projet ne prévoit pas de rafraichissement aujourd'hui, si le Maitre d'Ouvrage fait le choix des émetteurs à eau réversible, il suffira d'ajouter quelques vannes pour profiter de l'installation de géothermie en freecooling pour rafraichissement le bâtiment. » La géothermie, conclut Jean-Loup Lacroix, est la solution pour rendre nos bâtiments résilient face au réchauffement climatique ».
Attention cependant, la géostructure n’est pas réglementée. Elle n’est pas soumise au Code Minier qui régit notamment les sondes verticales depuis 2015 avec la réglementation GMI (Géothermie de Minime Importance) qui impose des prescriptions importantes, notamment de qualification et d’assurance des entreprises de forages, qui contraignent assez fortement le développement de la GMI.
Echapper à cette réglementation est donc un clair avantage. Mais voilà, nous sommes en France et comme il n'existe aucune norme, aucune recommandation, aucun guide qui définit précisément la conception, la mise en œuvre et l’usage en œuvre de géostructures, les Bureaux de Contrôle peuvent être réticents face à l’inconnu, tout comme les assureurs. Pourtant, il existe de nombreuses opérations utilisant cette technologie, dont la Tour Odéon à Monaco qui a noyé 17 km de sondes géothermiques bouclées dans ses fondations.