On sait que le système de réparation en matière d’accident et de maladie professionnels repose sur la réparation forfaitaire qui ne couvre pas l’intégralité du salaire. Ce système, qui est favorable aux employeurs se révèle en revanche défavorable aux salariés puisque ces derniers ne bénéficient pas d’une réparation intégrale.
Or, on notera, ainsi, que certains systèmes de responsabilité accordent une réparation intégrale (comme les accidents de la circulation : loi du 5 juillet 1985). On constate même, au sein des accidents du travail et des maladies professionnelles, que se sont développées des « niches » de réparation intégrale (ex : le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et posant le principe de la réparation intégrale).
On comprend donc mieux que les salariés, dans le but d’obtenir une majoration de leur rente pouvant aller jusqu’au dernier salaire (CSS, art L 452-2), n’hésitent pas à demander la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur dans l’accident ou la maladie professionnels.
Et il est clair que la Cour de cassation a facilité le recours au salarié en décidant qu’ « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu, envers celui-ci, d’une obligation de sécurité de résultat, notamment, en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits utilisés par l’entreprise » (Cass. soc. 28 février 2002).
Selon l’article L 452-3 du Code de la sécurité sociale, « indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ». Mais, c’est tout.
Or, dans une décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel a décidé, qu’en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l’article L 452-3 ne sauraient, « faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ».
En résumé, le Conseil reconnaît à la victime le droit de ne pas se contenter de l'énumération de l'article L.452-3 mais de demander la réparation intégrale du préjudice qu'elle a subi. Et la Cour de cassation vient de faire une application directe de ce principe dans plusieurs arrêts du 4 avril 2012. Elle admet ainsi l'indemnisation des préjudices complémentaires suivants:
En revanche, elle a refusé l’indemnisation complémentaire au titre des pertes de gains professionnels, déficit fonctionnel permanent, ou des frais médicaux et autre frais transport (ces indemnisations étant prises en compte au travers de la rente notamment).
Enfin, il incombe désormais à la caisse primaire d’assurance maladie de faire l’avance à la victime de l’ensemble des réparations qui lui sont allouées.
Ces décisions ne sont pas sans graves conséquences pour l’employeur.Certes la caisse de sécurité sociale paiera. Mais, elle se retournera ensuite contre l’employeur. Il ne faut guère oublier que suivant l’article L 452-4 du Code de la sécurité sociale "l'auteur de la faute inexcusable est responsable sur son patrimoine personnel des conséquences de celle-ci".
Certes, l'employeur peut s'assurer contre les conséquences financières de sa propre faute inexcusable. Encore faut-il bien regarder qu’il le soit. Et même le serait il, il est primordial de vérifier les conditions de mise en œuvre de cette assurance. En effet, maints contrats se contentent de faire référence aux dispositions légales alors que la jurisprudence reconnaît le droit à l’assuré de demander une réparation intégrale.
Un rapide coup d’œil sur les contrats signés est donc indispensable. Deux précautions valent mieux qu’une !
Source : batirama.com/ François Taquet