Quel est le véritable impact environnemental des matériaux biosourcés?

Quel est le véritable impact environnemental des matériaux biosourcés?

Lors d'une conférence de presse, Bruno Peuportier, directeur de recherche à l'école des Mines et Henri Cuny ingénieur chargé d'études forestières à l'IGN ont partagé leurs études, notamment sur le bois.




Le Lab recherche environnement (Vinci / Paristech), a réuni Bruno Peuportier, directeur de recherche à l'école des Mines à Paris et au Lab recherche environnement, et Henri Cuny ingénieur chargé d'études forestières à l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) lors d'une conférence de presse le 27 janvier, afin d'évoquer la question du véritable impact environnemental des matériaux biosourcés.

 

 

Bruno Peuportier a travaillé sur l'analyse du cycle de vie, appliqué au bâtiment pour tenter de répondre à cette question complexe. En effet l'analyse d'un bâtiment à partir de sa construction jusqu'à sa démolition en passant bien entendu par son usage, nous donne beaucoup d'indications. Il faut tenir compte des impacts environnementaux à la construction, bien sur, mais aussi àpendant toute la durée de sa vie et envisager sa fin.

 

 

Stockage du carbone : l'exemple du bois

 

 

Bien que l'utilisation des matériaux biosourcés soit mis en avant par le ministère de la transition écologique en raison de leur capacité à stocker le carbone, Bruno Peuportier s'est demandé si l'impact environnemental de ce bilan carbone était aussi simple que cela. En effet, si le bois n'avait pas été coupé, il aurait continué à stocker le carbone au sein de la forêt... De plus les procédés de fin de vie (incinération, recyclage...) devraient également être pris en compte dans l'étude de ce bilan.

 

 

Différentes méthodes existent afin de calculer l'impact carbone de l'utilisation du bois et ont été utilisées dans le cadre du réseau thématique européen Presco (Practical recommendations for sustainable construction). La méthode 0/0  note que le bois utilisé stocke du carbone, mais va le réémettre dans l'atmosphère lors de sa destruction, résultant en un bilan nul. La méthode -1/+1 quant à elle, prend également en compte l'impact environnemental négatif de la fabrication du bois (-1) mais aussi son impact positif en fin de vie (+1) en partant du principe qu'une incinération permettrait de valoriser l'énergie produite. Mais que la méthode 0/0 ou -1/+1 soit utilisée, le résultat est un bilan nul.

 

 

Cependant le model EQUER (un outil français)  va plus loin : le lieu d'où provient le bois est pris en compte. En effet, si le bois vient d'une forêt certifiée donc gérée durablement, on sait qu'un nouvel arbre sera planté et donc que davantage de CO2 sera stocké pendant la durée de vie du bâtiment. Ce ne sera pas une chose certaine si le bois vient d'une forêt non certifiée. 

 

© Bruno Peuportier - lab recherche environnement VINCI ParisTech

En ce qui concerne la fin de vie, et en espérant que la durée de vie d'un bâtiment en bois  bien entretenu soit aussi long que possible (plusieurs centaines d'années), l'incinération n'est heureusement pas la seule option. Le recyclage, le réemploi ou la réutilisation sont des alternatives à étudier et qui permettent d'éviter un bilan carbone négatif, indique le chercheur.

 

Les impacts environnementaux peuvent être évités si le bois est issu d'une forêt gérée durablement, que l'on fasse en sorte que le bois soit recyclable ou réutilisable en fin de vie, ou encore que l'incinération, si elle a lieu, puisse être valorisée pour des besoins énergétiques (bois énergie). Il en va de même pour tout autre matériel biosourcé (paille, chanvre...)

 

 

Bruno Peuportier explique cependant qu'il faudrait également tenir compte de nombre d'autres aspects environnementaux que le seul bilan carbone: l'usage du bois-énergie est source de polluants toxiques, et certaines pratiques de plantation intensive en monoculture régulière mettent à mal la préservation des ressources et la biodiversité. "Il serait utile de progresser vers une méthodologie d'évaluation tenant compte de ces impacts et différenciant les pratiques plus ou moins vertueuses (certification, essences utilisées, labels etc.)" indique le directeur. 

 

 

Isolation, inertie thermique et résilience face aux canicules

 

"Ce n'est pas en réduisant les épaisseurs d'isolants qu'on va sauver le climat" rappelle le Bruno Peuportier. En effet l'impact environnemental d'un bâtiment passe nécessairement par sa capacité à maintenir une température confortable  à l'intérieur, notamment en cas de canicule. Une mauvaise isolation se traduira immanquablement par un usage excessif de la climatisation et du chauffage. Tandis que les matériaux biosourcés sont actuellement mises en avant en raison de leur déphasage thermique (c'est à dire leur capacité à conserver la température intérieur par rapport à la température extérieur) et leurs propriétés respirantes, Bruno Peuportier s'interroge "Jusqu'à quel point le déphasage d'un isolant est-il suffisant pour obtenir un confort satisfaisant, faut-il prévoir également des matériaux constituant une inertie thermique plus importante?"

 

 

Bruno Peuportier a donc effectué des simulation thermiques dynamiques afin de comparer différentes composition de parois et différents isolants, en utilisant des données issues de la canicule 2003 en Ile de France.

 

© Logiciel Pleiades / Bruno Peuportier - lab recherche environnement VINCI ParisTech .

En comparant avec des maison exclusivement en bois, une isolation en laine de verre, en laine de bois (avec un déphasage supérieur), et en laine de verre en ajoutant 5 cm de terre crue à l'intérieur, on constate que le choix d’un isolant à déphasage supérieur ne suffit pas à assurer un niveau de confort satisfaisant. L’ajout de terre crue s’avère plus efficace. Associer la laine de bois et la terre crue est encore plus performant.

 

 

 

© Logiciel Pleiades / Bruno Peuportier - lab recherche environnement VINCI ParisTech .

Lorsque l'on considère une construction à forte inertie (planchers et murs en béton sur l'exemple, mais cela pourrait être de la pierre) et que l'on compare avec le précédent exemple en bois, on voit une différence nette : béton isolée en laine de verre ou en laine de bois, ou terre crue à la place du béton dans les murs, la résistance à la chaleur est flagrante (environ 4°C de différence sur certains pics de chaleur)

 

 

La forte inertie thermique réduit la surchauffe de manière très significative alors que le changement d'isolant n'a que très peu d'effet dans le cas d'un bâtiment inerte. Le directeur de recherche précise également que contrairement à une idée répandue, la forte inertie n'empêche pas la température opérative de redescendre la nuit.

 

© Logiciel Pleiades / Bruno Peuportier - lab recherche environnement VINCI ParisTech .

Certains produits sont proposés dans lesquels des matériaux biosourcés sont intégrés à du béton ou de la terre : béton de chanvre, béton de bois. Les résultats, selon le professeur, sont plus significatifs que l'isolant à déphasage plus important, mais reste moins efficace que le seul béton ou la pierre. Les températures maximum restent alors supérieures à celles de la variante béton. Pour un meilleur résultat, il est nécessaire de séparer les couches de matériaux isolants et de matériaux inertes (à placer du côté intérieur par rapport à l'isolant).

 

L'inertie thermique aura une influence sur le dimensionnement des équipements de chauffage et de climatisation. Ces besoins seront 25% plus élevés avec la variante bois qu'avec les variantes plus inertes en terre et en béton. L'impact du choix des matériaux en fonction du climat et de l'usage du bâtiment influencera non seulement les consommations mais aussi la fabrication des équipements.

 

Enfin il ne faut pas oublier que la conception d'un bâtiment doit également se faire en tenant compte de son intégration dans le paysage urbain. La végétalisation des espaces autour du bâtiment peut également contribuer à réduire les surchauffes.

 

En conclusion, pour choisir ses matériaux, il ne faut pas se baser uniquement sur un bilan carbone en ignorant les effets sur les consommations énergétiques, le confort, et les impacts environnementaux en termes de santé, de biodiversité et de ressources. L'écoconception consiste plutôt à comparer différentes solutions en intégrant des critères appropriés au site et à l'usage du projet étudié.

 

Vous pouvez consulter les recherches de Bruno Peuportier plus en détail sur sa note :  "Note sur l'analyse du cycle de vie des matériaux biosourcés"

 

Les forêts Françaises, en croissance

 

Outre son impact environnemental,  pourrons nous encore compter sur la ressource bois dans un futur lointain? Grâce à leur enquête menée sur la forêt mais aussi les bosquets, peupleraies et haies en France métropolitaine depuis 1960, les chercheurs de l'IGN dressent un portrait de la disponibilité de cette ressource maintenant, et sont en mesure de faire des projections dans le temps. Henri Cuny, ingénieur chargé d'études forestières à l'IGN, a présenté le fruit de leurs recherches.

 

La forêt est elle en croissance aujourd'hui? Avec plus de 10 milliards d'arbres en métropole, il est impossible de faire une étude exhaustive. L'IGN analyse donc l'évolution de divers échantillons représentatifs à travers le territoire afin de se faire une idée de l'évolution globale de la forêt.

 

Après avoir calculé le diamètre de tous les arbres d'une zone à hauteur de 1,30m, il est possible d'en déduire, à l'aide d'équations, les volumes de bois d'oeuvre et de bois d'industrie bois énergie potentiels.

 

Henry Cuny a souligné l'importance, pour développer la bio économie, d'analyser les besoins des entreprises utilisatrices de bois à l'endroit où elles s'installent afin de pouvoir  garantir l'utilisation des ressources locales et le développement du circuit court.

 

Des projections pour le futur

Le bilan est plutôt positif selon Henri Cuny qui indique que le volume sur pied augmente depuis les années 60, et plus particulièrement depuis 40 ans avec aujourd'hui plus de 2,7 milliards de m3.

 

Cependant il ne suffit pas de constater que la forêt est en progression à l'heure actuelle. Il est nécessaire de mettre en place différentes projections pour évaluer la durabilité du stock. Les disponibilités en bois dépendent en effet des récoltes potentielles selon des hypothèses de dynamique et de gestion forestière.

 

l’IGN mobilise ses données et son expertise pour établir des diagnostics détaillés des ressources forestières, et réalise des études prospectives sur les volumes de bois d’œuvre, bois industrie et bois énergie disponibles (c’est-à-dire potentiellement récoltables) à l’horizon des 20-30 prochaines années, en fonction de différents scénarios de développement de l’activité forestière. Les entreprises intéressées peuvent y commander une étude spécifique.

 

Plus d'information est disponible sur le site de l'IGN.


Source : batirama.com / Emilie Wood / Photo © lifeforstock

L'auteur de cet article

photo auteur Emilie Wood
Journaliste, photographe, vidéaste, Emilie Wood travaille depuis 2010 pour la presse, qu’elle soit professionnelle dans les domaines du BTP et de l’agriculture, ou généraliste. Pour Batirama, elle écrit sur des sujets aussi variés que la conjoncture BTP, l’évolution de la réglementation, la rénovation énergétique, les réformes, les innovations, ou encore l’actualité de l’immobilier. Elle apprécie particulièrement réaliser des portraits d’entreprises et révéler les femmes et les hommes qui, chacun à leur manière, font une différence, qu’ils soient entrepreneurs ou collaborateurs d’entreprise.
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