Icade finalise ainsi un très long programme de vingt ans de reconversion avec une touche écologique, car plus que dans le cadre des réhabilitations des autres entrepôts de ce secteur, le bâtiment conserve, sinon ses planchers en bois, du moins la majeure partie de sa structure porteuse interne en poteau-poutre.
Aspect actuel de la façade fin février 2022
Au Forum Bois Construction, le 7 avril 2022 à Nancy, au cœur d’un atelier thématique parallèle dédié à la Réhabilitation, Jean-Philippe Le Bœuf, président de l’agence CALQ, présentera cette opération qui est l’une de ses préférées.
La réhabilitation des entrepôts de l’EMGP a déjà fait couler beaucoup d’encre. Déjà, il y a une vingtaine d’année, Icade éditait un ouvrage sur la question. Tomas Netusil, l’architecte de CALQ en charge de cette opération en conception et en suivi architectural en binôme avec Camille Bracciani, relève que les différents entrepôts témoignent d’une optimisation progressive, à l’époque, des méthodes constructives, et bien sûr aussi de l’évolution des moyens disponibles.
Poteaux en chêne au Campus Icade mitoyen
Pour ce qui est de la réhabilitation, conserver la structure bois n’est pas une nouveauté, simplement, comme le suggère Tomas Netusil, les choses se faisaient sans doute d’une autre façon au début du 21e siècle : on adoptait la réglementation française et pas encore les eurocodes, les bureaux installés dans les autres entrepôts ne demandaient pas les mêmes exigences acoustiques.
« On présupposait que le plancher en bois était dimensionné pour porter une tonne au mètre carré, et comme les bureaux demandaient 350 kg, la chose était « vite vue » », dit Tomas Netusil. Demain, on parlera de même de cette période actuelle sans mise en application de la doctrine des sapeurs-pompiers, puisque le permis de construire remonte à 2019.
Cas typique de renforcement
Icade et CALQ n’en ont pas moins relevé ensemble le défi de préserver autant que possible la structure en bois de ce dernier entrepôt à réhabiliter. Longtemps, Icade s’est demandé ce qu’il pourrait en faire : logements étudiants, bureaux, hôtel ? Finalement, l’option hôtel a été retenue, avec son cahier des charges acoustique et la difficulté de faire avec une flèche des poutres bois de 12 à 16 cm.
Par ailleurs, l’espace de dalle à dalle n’est que de 2,85 cm, avec des solives de 22 cm supportés par poutres de 36cm, plus les sommiers et bracons, de sorte qu’il est difficile de procéder aux aménagements techniques nécessaires pour les plenums et cheminement horizontal de réseaux.
Raison de plus de développer la conception en BIM, comme le souhaitait Icade et CALQ et à la livraison remettre « modèle TQC » (tel que construit) issu de la démarche BIM en exécution qui permettra d’obtenir un dossier de récolement complet, dont les données structurées serviront pour la gestion technique de l’immeuble et au management du patrimoine. Les corps d’état pas tous équipés devaient passer alors en 2D et se débrouiller pour rebasculer ensuite en maquette numérique pour alimenter au mieux la synthèse BIM EXE.
Le site des EMGP est situé en contrebas du carrefour formé par le quai de la Gironde et la rue de Cambrai. A la différence des autres entrepôts accessibles depuis le niveau du site situé en contrebas de la rue, l’hôtel sera accessible de plain-pied depuis l’espace public grâce à la création d’une passerelle posé sur l’extension au RDJ qui permettra de franchir le retrait au RDC et se raccorder au lobby de l’hôtel (zone décaissée de 1.5m et doté d’une nouvelle structure métallique de reprise). Un escalier monumental et ascenseur PMR raccorderont également la passerelle avec le reste du site EMGP.
Prescilla Ransay, ingénieur structure de CBS
Mitoyen, le campus Icade présente dans son hall d’entrée, lui aussi, des poteaux en chêne qui se dressent sur un socle en pierre. Des poteaux sablés de belle section, qui, en principe, assurent la descente de charge de quatre niveaux. Le poids des planchers en bois chargés de sucre, d’alcools ou autres marchandises étaient repris des poutres moisées en résineux massif, puis par des bracons en liaison bois/bois par tenon et mortaise et rapportés sur ces poteaux.
Malgré la pratique de réhabilitation des nombreux autres entrepôts de la zone, le mode opérationnel de la sauvegarde reste pionnier. Ainsi, il a fallu caractériser les performances mécaniques de tous les poteaux et poutres, afin de s’assurer qu’elles seront en mesure de porter une dalle de béton d’épaisseur courante, rajoutée en fonction des normes notamment acoustique des hôtels Hilton, afin de garantir de bonnes performances d’isolement entre les étages. Plusieurs techniques se conjuguent, le sablage, le recours à l’analyse par ultrason, mais aussi le large recours aux goujons collés et aux renforcements par l’aide de résines.
CBS-Lifteam s’est chargé non seulement de l’analyse non destructive des éléments en bois par recours au Sylvatest portable (analyse par ultrasons), mais aussi du renforcement des assemblages, notamment par goujons collés, et au remplacement de plusieurs pieds de poteaux pourris par des segments récupérés lors du démontage d’une partie de la structure, associés par goujons collés. Enfin, les fissures notables constatés sur les poteaux ont fait l’objet de d’un bouchage à la résine avec également des goujons collés.
La première partie du travail a consisté à appliquer le Sylvatest pour relever par segments de 3 mètres les caractéristiques mécaniques de l’existant, afin de calculer si la structure sera en mesure d’encaisser la charge supplémentaire et constante des dalles en béton des quatre étages.
Le procédé mis au point par Jean-Luc Sandoz depuis plusieurs décennies a été employé sur des sites prestigieux comme la Cité Interdite de Pékin. C’est l’entité CBT du groupe CBS-Lifteam qui le manie et contrôle notamment la stabilité de millions de poteaux téléphoniques de par le monde.
Adrien Etchegaray et Marc Laracine ont suivi la phase d'expertise. Prescilla Ransay, ingénieur structure de CBS, est intervenue à partir de la phase de construction, depuis 2019 et jusqu’en décembre 2021.
Transformer un entrepôt du 19e siècle en hôtel de luxe tout en conservant l’essentiel de sa structure bois est une gageure à cause de l’impressionnant changement de destination. Mais conserver les structures en bois par une analyse non destructive des performances mécaniques a un intérêt général. Dans le cas du réemploi, l’analyse ultrason, mobile, est d’un intérêt certain face aux tests destructeurs qui conduisent à déplacer des éléments vers des centres de test.