Rewood, la start-up lilloise qui permet aux entreprises de revaloriser le bois en facilitant les échanges entre celles qui souhaitent s’en débarrasser et celles qui souhaitent le réutiliser, a remporté le prix création startup du Canopée Challenge des Hauts de France. Elle se qualifie ainsi pour la grande finale à Paris au mois de mai. Le challenge est un tremplin de notoriété et aussi de financement pour l’innovation dans le domaine des matériaux biosourcés.
Parallèlement, Morgane Croquelois, fondatrice de Rewood, interviendra dans la table ronde finale de l’atelier C2 du Forum Bois Construction, le 7 avril vers 15 heures au centre Prouvé de Nancy. L’atelier, animé par Louis Destombes de Bellastock, vise à stimuler l’intégration du réemploi dans la construction biosourcée. Au même titre que le réemploi, la Responsabilité élargie des producteurs, la REP, est dans l'air.
En principe, la REP Bâtiment va conduire à ce que le matériau bois soit récupéré gratuitement sur les chantiers. Donc, plus de prorata. Par contre, il faudra sans doute bien trier. Et ensuite ? Les organismes agréés veulent développer le réemploi, travailler notamment avec l’économie solidaire.
En fait, on se demande un peu à quoi ces organismes agréés vont servir, notamment dans le domaine du bois. Dans le plâtre, c’est déjà engagé, et grâce à la sélection plus précise sur le chantier, le plâtre est réinjecté dans de nouvelles plaques de plâtre notamment.
Tout ce système a démarré il y a 20 ans par le recyclage des déchets de l’usine. Ensuite, malgré la grande concentration entre l’industrie et le négoce, il a été très difficile de mettre en place des bacs de récupération de matière chez les négoces. Petit à petit, la récupération gratuite de plâtre sur les chantiers s’est mise en place.
Les chantiers comme grand gisement de bois demandent une organisation conséquente.
Pour le bois, la situation est différente. Il y a sur les chantiers du bois dont le producteur est un scieur (les planches), le bois des portes, des fenêtres, des parquets, des planchers techniques, des bardages etc. Et chaque fois, la présence de multiples types de produits à base de bois se retrouve à la fois dans le neuf et en déconstruction, ainsi qu’en rénovation.
Le bois ancien du bâtiment est le talon d’Achille émissif de la filière bois et ses concurrents le savent. On a beau stocker du carbone, quand on ne sait sortir du statut de déchets que par incinération…
Même bien trié, le bois des chantier n'est pas trié.
La REP bâtiment devrait conduire à disposer pour le bois en général d’un lieu de collecte pour chaque chantier quel qu’il soit. C’est certes un peu illusoire quand l’espace manque, mais le principe est là. La collecte se fera gratuitement même si les produits mis sur le marché seront un peu plus chers.
Les Valobat, Valdelia, Ecomobilier et Ecominéraux, s’ils sont agréés, vont se retrouver avec toutes sortes de produits ou restes à base de bois et en principe l’injonction d’en faire quelque chose. Mais ce ne sont pas des fabricants de plaques de plâtre. Qu’est-ce que le fabricant de lamellé-collé ferait avec un pied de poteau pourri ?
La récupération chantier permet souvent de récupérer des sciages de bonne qualité.
Il est utile de capter les ressources en bois de récupération, pas seulement sur les chantiers, dans les ateliers, les curages, mais aussi ailleurs. Les futurs organismes agréés ne vont pas faire de l’ombre à l’économie solidaire, au contraire, ils vont la conforter.
A Lille et pour les Hauts-de-France, Rewood est une start up qui propose actuellement de mettre en relation les chantiers avec des solutions de réemploi dans le bois via une plateforme en ligne. Dans l’attente de la systématisation du REP bâtiment, et de la nomination d’éco-organismes agréés, elle fait leur travail mais définit son rôle au-delà de la collecte sur site de construction.
La vente qui fera vivre Rewood se situe du côté du ré-usage et il est clair que plus la valeur ajoutée est importante, mieux c’est. En principe, si les Valdelia, Valobat et autres déposent demain leurs bennes pour la collecte gratuite et bien séparée sur chantier, Rewood pourra leur tirer l’épine du pied pour tout ce qui concerne le bois, si la start-up maîtrise bien les circuits de ré-usage. Pour l’heure, la filière bois et Rewood ne se connaissent à peine, et d’autres initiatives vont naître, notamment, justement, dans le domaine de l’économie solidaire.
Morgane Croquelois, fondatrice de Rewood avec François Goujon, s’interroge sur le périmètre d’activité de la REP : « L'éco-organisme va avoir la main sur le déploiement opérationnel, comme on peut le voir sur RE-fashion dans le textile. Finalement, comment va-t-il choisir ses partenaires et clients et que va-t-il financer ? »
Rewood se pose aussi des questions sur les conséquences directes de la REP par rapport au cycle existant de collecte des déchets : « Suez se rémunère en partie sur la collecte auprès des constructeurs comme Vinci ou Bouygues. Pour la REP, on parle pourtant de collecte gratuite. Est-ce que Suez facturera zéro euro et sera remboursé par l'éco-organisme ? »
Pour la REP Bâtiment comme pour la spécificité du bois, la start-up identifie encore beaucoup d'obstacles à court et moyen terme : « Le cahier des charges n'est pas bouclé, la mise en place de la taxation ne démarrera qu'à partir de 2023 (et donc pas la taxation elle-même), de sorte que les retombées concrètes et économiques n’arriveront pas avant 2024, voire 2025. Ceci dit, cela nous donne aussi une vision prospective de ce futur écosystème à long terme dans lequel des entreprises de services pour le réemploi comme nous souhaitons nous inscrire. »