Saint-Gobain avance, pas à pas, vers la production de verre plat zéro carbone

Saint-Gobain avance, pas à pas, vers la production de verre plat zéro carbone

Saint-Gobain Glass a annoncé sa première expérience réussie de production de verre plat zéro carbone. Puis, l’entreprise s’est engagée dans la réduction de la consommation d’énergie du float d’Aniche.




Le 16 mai dernier, Saint-Gobain Glass a annoncé sa première production d’un verre plat zéro carbone d’excellente qualité. Cette expérience repose sur trois éléments : utilisation exclusivement de calcin comme matière première, électricité verte, gaz vert.

 

 

100% de calcin

 

 

Le seul élément qui ait changé au sein de l’usine d’Aniche où s’est déroulé cette première mondiale est le fait que la matière première, utilisée dans la production de ce verre plat décarboné, était exclusivement composée de calcin. L’exploit se trouve là. ©PP

 

 

L’expérience, on ne craint pas de le dire, s’est déroulée sans un seul grain de sable. Les études ont commencé fin mai 2021. Utiliser exclusivement du calcin requiert un autre réglage du four de float, puisque le calcin fond à 1300°C environ au lieu de 1600°C pour le cocktail habituel de matières premières – sable + soude + calcin – qui entrent d’habitude dans la fabrication du verre.

 

C’est une première, personne n’avait jamais fabriqué dans le monde un verre plat de qualité exclusivement à partir de calcin. Un four de float, comme celui d’Anniche, dans le Nord, comporte environ 2000 paramètres de réglage. Toute la difficulté de cette expérience a consisté à mettre au point le bon réglage.

 

 

Récolter le calcin

 

 

Le calcin utilisé provient de trois sources. La première, exploitée à 100% de longue date, est la récupération des chutes de verre durant la production de verre plat dans l’usine. La seconde, également exploitée en totalité, consiste en la récupération des chutes chez les clients de Saint-Gobain transformateurs de verre.

 

La troisième source est la récolte du verre plat issu de la dépose des fenêtres. Saint-Gobain estime que le potentiel récoltable, le gisement annuel de verre déposé, atteint 200 000 tonnes.

 

Saint-Gobain Glass fabrique annuellement 300 000 tonnes de verre plat. Même la totalité du gisement, également convoité par d’autres verriers comme Riou Glass, ne suffira pas. Mais Saint-Gobain Glass estime que la mise en place de la REP (Responsabilité Elargie du Producteur) à partir du 1er janvier 2023 conduira à un élargissement de l’offre de verre plat déposé.

 

 

Le tri après la récolte

 

 

Les artisans et les entreprises ne pourront plus mettre le verre en décharge et devront privilégier son recyclage. Pour l’instant, la matière première calcin présente encore un surcoût, de plusieurs dizaines de pourcents selon Saint-Gobain Glass, par rapport au cocktail classique soude + sable, …

 

De plus, malgré l’augmentation du prix du gaz naturel, le biogaz demeure plus onéreux. Pour rendre économiquement attractive la fabrication d’un verre plat décarboné, il faudrait un prix européen du carbone de 300 à 400 €/t.

 

Il faut en effet organiser la collecte, puis le transport et enfin le tri du verre plat, pour éviter que du verre coloré et d’autres matières, comme de l’aluminium, de la céramique, des matières plastiques ne se glissent dans le calcin qui sera introduit dans le four.

 

 

L’usine d’Aniche sera équipée courant 2022-23 d’un centre de tri automatique pour parvenir à un parfait calcin. ©Eurofloat

 

 

Pour l’instant, Saint-Gobain Glass utilise couramment 20 à 30% de calcin dans la fabrication du verre plat. Son but, et celui de tous les floats de Saint-Gobain Glass, est de parvenir de manière routinière à 50% de calcin dans la fabrication de verre plat en 2030.

 

 

Biogaz et électricité verte

 

 

Comme le calcin fond à 1200°C, utiliser 100% de calcin conduit à une économie d’énergie de l’ordre de 30% par rapport aux matières premières classiques. Côté énergie, les flux physiques de gaz et d’électricité alimentant l’usine d’Aniche n’ont pas changé. ©PP

 

 

Simplement, a conclu des contrats d’approvisionnement d’électricité vert et de biogaz compensant exactement les quantités respectives de ces deux énergies utilisées dans l’expérience 100% calcin.

 

Le biogaz est, par convention, considéré comme contenant une charge de carbone très faible, mais pas nulle, alors même que sa combustion dégage quasiment les mêmes polluants que celle du gaz naturel.

 

Selon GrDF, le bilan carbone du biométhane injecté s’établit entre 23,4 et 44 gCO2eq/kWh PCI (Pouvoir Calorifique Inférieur), soit 5 à 10 fois moins que le gaz naturel.

 

La production de biogaz – issu de déchets biologiques - a connu en France une très forte croissance, passant d’environ 1 à près de 7 térawattheures (TWh) entre 2007 et 2019. Ses usages sont la production de chaleur pour 62 %, dont 16 % directement injectés dans les réseaux de gaz, et 38 % pour l’électricité.

 

Le biométhane injecté – du CH4 pratiquement pur - a connu un dynamisme le plus récent et encore plus rapide entre 2012 et 2019, en partant d’un niveau de l’ordre de zéro pour atteindre plus de 1,2 TWh.

 

Fin 2020, 1075 installations de production de biogaz sont en fonction :

 

  • 214 injectent du biométhane dans les réseaux de gaz naturel, avec une production effective de 2,2 térawattheures (TWh) en 2020 – soit 0,5 % de la consommation de gaz naturel – et une capacité de production maximale de 3,91 TWh/an ;

 

  • 861 produisent de l’électricité avec du biogaz, pour une production effective de 2,6 TWh – soit 0,6 % de la consommation d’électricité – et une capacité totale installée de 523 mégawatts (MW).

 

Ces installations sont de petites unités : 52 % de celles liées à l’injection ont une capacité de moins de 15 GWh/an et 71 % de celles liées à l’électricité ont une capacité de moins de 0,5 MW. Elles sont aussi largement agricoles, à hauteur de 86 % pour l’injection et de 79 % pour celles produisant de l’électricité. Les trois premières régions en termes de densité de production de biogaz sont, pour les installations liées à l’injection, le Grand Est, les Hauts-de-France et la Bretagne.

 

 

Vers un label Verre Bas Carbone

 

 

Comme pour le biogaz, la production d’électricité verte renouvelable est, par convention, considérée comme décarbonée. Par conséquent, proclamer une première expérience de production de verre plat décarboné est physiquement inexact, mais conventionnellement juste.

 

Le verre plat produit lors de cette première expérimentation n’a pas encore été transformé. Saint-Gobain Glass envisage la création d’un label portant sur du verre bas carbone, en réduisant de 30 à 40% la charge carbone du verre classique.

 

Les FDES sont déjà à l’étude. Il faut dire que l’enjeu est important en tertiaire neuf à court terme. La charge carbone du verre plat classique rend la construction de touts de bureaux neuves toutes vitrées, comme les architectes en ont l’habitude, particulièrement délicate avec la RE2020.

 

 

Economiser encore plus d’énergie

 

 

Le passage au 100% calcin permettrait d’économiser 30% d’énergie. Ce but est encore inatteignable, mais les 50% de calcin sont programmés pour 2030.

 

De plus, grâce à l’aide du Fonds d’innovation européen, Saint-Gobain Glass va enfin mettre en œuvre son projet BCP (Batch and Cullet Preheating) dans son usine d’Aniche, dans le Nord.

 

A l’étude depuis 10 ans chez Saint-Gobain, le BCP consiste à préchauffer les matières premières avant leur introduction dans le four, grâce à la récupération de chaleur sur les fumées du four du float.

 

Cette récupération de chaleur élèvera la température des matières premières de 30 à 200°C en moyenne avant enfournement et aboutira à une économie d’énergie de 10% environ.

 

Ce projet fait partie des 30 dossiers retenus, sur 200 candidatures, par le Fonds d’innovation européen qui apportera 4,3 millions d’Euros sur un investissement total de 7 M€. Trois modules de préchauffage seront installés, le premier sera installé dès début 2023.

 

Une fois les trois modules installés, l’usine enregistrera une réduction de consommation de gaz de 8 à 12% par an, soit environ 35 GWh. Elle émettra également 5 600 tCOeq/an par rapport à une ligne de float traditionnelle. Ce qui correspond à une réduction d’environ 7% des émissions de CO2eq dans la fabrication de verre plat.

 

Cette technologie de préchauffage des matières premières requiert peu de modification des usines et pourra être progressivement étendue aux 27 floats de Saint-Gobain Glass dans le monde, en commençant par les 13 flots que le groupe possède en Europe.

 

 

Pour aller plus loin dans la réduction de ses émissions de GES, Saint-Gobain Glass expérimente déjà l’utilisation de l’hydrogène, mélangé au gaz dans des proportions variables, dans l’alimentation en combustible de ses fours de floats. ©PP

 

Pour l’instant, nous n’avons pas d’autre détail sur ces expérimentations, mais notre impatience grandit.



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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