Quelle sera la place du biofioul dans le mix énergétique français ?

Quelle sera la place du biofioul dans le mix énergétique français ?

Le biofioul F30 (70% de fioul domestique, 30% d’EMAG) sera bientôt en vente en France. Les quantités initialement mises sur le marché seront modestes. Plusieurs fabricants proposent déjà des chaudières compatibles.©Bayer




Pour commencer, campons le contexte. Depuis le 1er juillet, "les équipements neufs installés pour le chauffage ou la production d’eau chaude sanitaire dans les bâtiments d’habitation ou à usage professionnel, neufs ou existants, devront respecter un plafond d’émissions de gaz à effet de serre de 300 gCO2eq/KWh PCI" . Ce décret, paru au Journal Officiel du 6 janvier 2022, ne mentionne aucune énergie, mais se contente de poser un plafond qui, de fait, élimine le fioul domestique.

 

Dans son commentaire, le ministère de l’Ecologie indiquait : "Pourront ainsi continuer à être installés dans les bâtiments les nouveaux équipements utilisant les réseaux de chaleur, ceux alimentés par de l'électricité tels que les pompes à chaleur, y compris hybrides, de la biomasse, de l’énergie solaire ou géothermique, du gaz, ou encore des équipements alimentés avec un biocombustible liquide (tels que le biofioul) dès lors qu'ils respecteront le plafond d’émission de 300 gCO2eq/KWh PCI."

 

Le biofioul relève de la norme XP M15-040. Le contenu gCO2eq/KWh PCI des énergies figure dans l’arrêté du 10 avril 2020, modifié par l’arrêté du 13 avril 2022. Ce texte ne cite par le biofioul.

 

Dans tous les documents publiés par l’interprofession, comme sur le site de référence biofioul.info, il est indiqué que le biofioul F30 passe sous la barre des 300 gCO2eq/KWh PCI, sans jamais citer son plafond d’émission. Sauermann, spécialiste des instruments de mesure portatifs, estime les valeurs d’émission du biofioul F30 à 274 gCO2eq/KWh PCI.

 

C’est en dessous des valeurs du fioul domestique, mais de peu. Les biofioul F5 et F10 dépassent les 300 gCO2eq/KWh PCI.

 

 

Qu’est-ce que le biofioul ?

 

 

Le biofioul est un mélange de fioul domestique et d’ester méthylique d’acide gras (EMAG) issu du Colza. Le biofioul F10 contient 90% de fioul domestique et 10% d’EMAG. Le biofioul F30 pousse à 30% d’EMAG, jusqu’au biofioul F100 entièrement produit à base de Colza.

 

Les surfaces emblavées (ensemencées) en colza varient d’une année à l’autre. Elles avaient baissé de 40% entre 2018 et 2020. Elles ont augmenté de 12,5% entre 2021 et 2022. Le colza est sensible à la sécheresse. En 2022, estime Agreste, la récolte de colza serait en hausse de 31,6 % sur un an, à 4,3 Mt, grâce à la progression conjointe des surfaces (+236 milliers d’hectares en un an) et du rendement (+2,1 q/ha).

 

La production du biofioul rentre donc en concurrence avec des productions alimentaires et avec le développement des autres carburants, dont le biodiesel.

 

Lors de sa conférence de presse pour annoncer la sortie du biofioul F30, le 14 septembre, la FF3C (Fédération Française des Combustibles, Carburants et Chauffage), qui représente les professionnels de la distribution d’énergie hors réseaux, indiquait que plus de 300 points de distribution se sont équipés à travers le pays pour vendre et livrer du biofioul F30. Il leur faut notamment des camions et des cuves stationnaires spécifiques.

 

La FF3C envisage la commercialisation de 100 000 à 150 000 m³ de biofioul F30 en 2024. Ce qui est très peu par rapport au volume de fioul domestique consommé en France : un peu plus de 6 millions de tonnes en 2021. Il reste entre 3 et 3,5 millions d’installations de chauffage au fioul en France. La FF3C prévoit la commercialisation d’un biofioul F50 (50% d’EMAG) en 2028, puis du biofioul F100 vers 2030.

 

En attendant, le code de l’énergie subordonne la mise sur le marché d’un nouveau produit énergétique à un arrêté qui l’autorise. L’arrêté concernant le biofioul F30 n’est pas paru pour l’instant. C’est imminent, assure la FF3C.

 

 

L’utilisation du biofioul F30

 

 

Le Cetiat a publié une brochure sur la mise en œuvre du biofioul F30 :  "Biofioul F30, Fiche Conseils pour l’adaptation des Installations".

 

On y apprend que l’EMAG possède des propriétés particulières. Par exemple, il n’est pas compatible avec certains matériaux, dont le cuivre, le laiton, le bronze, la plupart des caoutchoucs, à l’exception du caoutchouc fluorocarboné (FKM). Il est également incompatible avec le polyuréthane, souvent utilisé en revêtement intérieur des cuves à fioul.

 

L’EMAG possède aussi des propriétés tensioactives et un effet solvant. Ce qui peut conduire au décapage des parois des cuves et à la mise en suspension de sédiments. Ce qui peut combler les préfiltres, la pompe d’alimentation et le gicleur du brûleur.

 

Enfin, dit le Cetiat, "les EMAG sont hydrophiles et ont tendance à capter l’humidité présente dans la cuve de nstockage. Cette augmentation de la teneur en eau pourrait favoriser le développement de micro-organismes qui accélèrent la dégradation du combustible."

 

Le Cetiat recommande donc, pour les installations existantes, de vérifier la cuve et de procéder à son nettoyage complet. Si ce n’est pas possible, il faut changer la cuve, sauf si elle est très récente et bien propre. Le biofioul F30 ne doit pas être stocké plus de 6 mois. Si la cuve est installée à l’extérieur, son évent doit être équipé d’une membrane hydrophobe pour éviter la pénétration d’humidité.

 

Les cuves translucides installées à l’extérieur doivent être protégées contre l’exposition directe aux UV. Il faut changer le brûleur – la liste des brûleurs compatibles avec le biofioul F30 figure sur le site biofioul.info -, ainsi que tous les équipements sur la ligne d’alimentation : flexibles, joints, raccords, …

 

Si la ligne d’alimentation est en bitube, le Cetiat recommande de la convertir en monotube entre le filtre dégazeur et la cuve, ainsi que d’utiliser une crépine flottante dans la cuve, puis de vérifier l’ensemble des composants de la ligne d’alimentation - crépine, vanne police, canalisations d’aspiration, préfiltre dégazeur, joints, clapets, raccords, … - pour s’assurer de leur compatibilité avec le biofioul F30.

 

Le Cetiat rappelle enfin la nécessité d’un entretien annuel , avec changement du gicleur, vérifier les conditions de fonctionnement du brûleur (O2, CO2, indice de Bacharach). Les recommandations du Cetiat sont identiques pour les installations neuves.

 

 

Et après le biofioul F30 ?

 

 

Pour passer au biofioul F50, il faudra changer de chaudière et opter pour un modèle compatible. Atlantic, Chappée, De Dietrich, Domusa Teknik, Oertli, Perge, Weishaupt et Wolf commercialisent des chaudières compatibles avec le biofioul.

 

 

Le fabricant français Chaudières Perge commercialise des chaudières biofioul depuis plus de deux ans, ainsi qu’une chaudière hybride biofioul (chaudière biofioul + pompe à chaleur air/eau). ©PP

 

 

 

Cuenod propose des brûleurs compatibles jusqu’au F100. Tandis que Riello commence la commercialisation de ses brûleurs biofioul.

 

Il reste cependant des incertitudes quant au biofioul F30. La FF3C demande un traitement fiscal favorable. Rien n’est acquis pour l’instant, le prix du biofioul F30 sera plus élevé que celui du fioul domestique, de 5 à 15% dirt la FF3C, mais demeure inconnu tant que son régime fiscal n’est pas fixé.

 

 

Le prix du fioul domestique, pour sa part, a fortement augmenté depuis le début de la guerre en Ukraine, selon l’Insee. La partie bio du biofioul F30, même avec un traitement fiscal favorable, ne suffira pas à baisser son prix. ©Insee

 

Tout est possible. La FF3C demande que la partie bio du biofioul soit exonérée de taxes. Mais le biodiesel B100 reste indexé sur le prix du diesel fossile, alors que sa source est exclusivement végétale. Mais la parution de l’arrêté est imminente, selon la FF3C.

 

 


Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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