En France, ils forment à 17 métiers du bâtiment et de l'aménagement, mais aussi à d'autres filières (technologies de l'industrie, métiers du goûts, matériaux souples...). Au coeur de 60 maisons réparties sur tout le territoire, les Compagnons du devoir et du tour de France ont la particularité d'apporter, en plus de l'apprentissage d'un métier, une philosophie de vie particulière à leurs apprenants. Ainsi, les notions de compagnonnage et d'entraide sont particulièrement encouragées dans leur enseignement.
Ils ont choisi comme slogan "Formez-vous autrement, vivez une expérience unique avec les Compagnons du Devoir". Sur leur site web, ils mettent en avant l'épanouissement et le développement du potentiel des élèves, le partage et la vie en communauté au sein d'une maison de Compagnons avec d'autres jeunes, et bien sûr le voyage. Car les Compagnons du devoir incitent les apprenants à participer à un parcours itinérant sur plusieurs années (5 en moyenne), effectuant ainsi un "tour de France" qui, pour ceux qui le souhaitent, s'accompagne d'une année passée à l'étranger. Une manière d'appréhender différentes techniques de travail à travers les régions de France et au-delà et ainsi d'acquérir un savoir-faire inégalable.
Les portes-ouvertes, c'est aussi l'occasion pour les adolescents de s'essayer quelques instants aux gestes des métiers, sous la surveillance des instructeurs. © Emilie Wood
A la maison de Baillargues, on forme des plombiers, des électriciens, des tailleurs de pierre, des maçons, des métalliers et des menuisiers. A partir de septembre 2023, la formation de charpentier s'ajoutera à cette liste. Lors des portes-ouvertes de la structure qui ont eu lieu les vendredi 10 et samedi 11 mars, Florian Gardel, responsable du secteur Hérault et PO des Compagnons du Devoir, indique : "Sur des classes de 15-20 élèves, il y en a en moyenne 4 qui partent en tour de France. C'est une véritable expérience pour les jeunes, mais il faut en avoir envie. Ce n'est pas pour tout le monde."
Baillargues, en plus d'être un centre de formation, est aussi une maison d'accueil pour les compagnons itinérants. Lors de leur séjour, ils passent aussi du temps avec les plus jeunes, le soir et les week-end, après leur journée de travail. Les compagnons sédentaires, qui ont fini leur formation et se sont installés, viennent aussi souvent donner de leur temps auprès des jeunes, relate Florian Gardel.
Florian Gardel, prévôt secteur Hérault (34) et P-O (66), est avant tout un compagnon métallier.
Florian Gardel souligne que les maisons de Compagnons ne sont pas des internats : "Ici, on parle d'un service d'hébergement et de restauration. Cette salle, c'est la salle à manger. Ce n'est pas une cantine. Les jeunes mangent ensemble, font la vaisselle ensemble, ils en prennent soin. C'est vraiment leur maison. Il n'y a pas de surveillants : ce sont les plus âgés qui veillent sur les plus jeunes. Et cette responsabilité là aussi, ça leur apprend quelque chose au delà de leur métier."
La passion du métier choisi est commune à tous : mais toutes les filières ne connaissent pas les mêmes débouchées. Ainsi, les métiers de menuiserie et de charpenterie sont très attirants pour les jeunes, mais les places sont chères. "Ce sont des métiers qui ont été médiatisés suite à l'incendie de Notre-Dame, et qui attirent beaucoup de jeunes. Mais ils recrutent moins que d'autres métiers. Pour les ébénistes, le problèmes est différent : il y a un besoin de main d'oeuvre, mais on manque d'entreprises pour former les jeunes. Parmi les métiers où il y a le plus de besoins, il y a les couvreurs. Après, pour des métiers comme maçon, mécanicien outilleurs... il y a beaucoup de besoin aussi", indique Florian Gardel.
Enzo et Sullivan, 17 ans, futurs charpentiers, lors de la journée portes ouvertes.
Enzo a 17 ans. Bientôt 18, précise-t-il. Ce qui l'a attiré dans la menuiserie ? "La beauté du métier. Le travail, le challenge que cela représente." C'est suite à un stage en 3ème qu'il décide de se lancer. De son côté, Sullivan, 17 ans également, précise : "je veux apprendre toutes les ficelles du métier, devenir compagnon et ouvrir ma propre entreprise." Ils ont commencé les démarches afin de partir prochainement pour entamer leur tour de France.
Philémon et Pierre-Alain, apprentis charpentiers.
Du côté des charpentiers, on rencontre Philémon, 18 ans, et Pierre-Alain, 20 ans. Tous les deux s'intéressent au gros oeuvre et apprécient particulièrement le travail d'équipe. Pierre-Alain précise s'intéresser aussi à la conception. En tant qu'apprenti, il a déjà eu la chance de travailler sur un monument historique - à Villeneuve-les-Avignons - un travail passionnant. Il espère poursuivre son parcours dans cette voie.
Angel, futur maçon.
Angel, 18 ans, est en première année de son tour de France, en maçonnerie. "J'avais des bonnes notes, mais je n'aimais pas trop l'école. Je voulais faire un métier manuel. J'ai fait d'abord un CAP en externe, pendant deux ans, puis mon travail d'adoption pour réaliser mon tour de France." Après une année à Baillargues, il poursuivra bientôt son itinérance au Mans. "C'est vraiment intéressant pour les maçons. Dans le sud de la France, on ne réalise pas les mêmes types d'ouvrages. Les voyages sont l'occasion d'apprendre de nouvelles choses. A l'étranger, aussi, ça va être intéressant."
Pour Edouard aussi, en cours de BP Tailleur de pierre, ce fut l'appel de la passion. "J'ai toujours été passionné d'histoire, surtout médiévale. Et j'avais envie de travailler en artisanat. Ce métier me permet de lier toutes mes passions. On peut encore travailler à l'ancienne. Mais même quand on utilise des outils plus modernes, une disqueuse par exemple - la technique reste à apprendre."
Les mécaniciens outilleurs indiquent aussi adorer leur spécialité qui leur permet de travailler dans de nombreux secteurs (bâtiment, industrie, domaine public...). "Je cherche, mais je ne connais pas de mécanicien au chômage", indique l'un d'eux. "C'est simple, pour un candidat, il y a en moyenne quatre postes."
Même constat chez les plombiers qui ne connaissent pas la crise : Bastien, qui encadre l'équipe, indique : "Le cursus CAP chauffagiste est très complet. Plus récemment il existe aussi un CAP frigoriste, et aujourd'hui nous développons une formation sur la ventilation. Aujourd'hui, le représentant de la marque Geberit est venu apporter ses nouveaux produits en matériaux multicouches et nous sommes en train de les découvrir."
En même temps que leurs journées de portes-ouvertes, les Compagnons du devoir ont accueilli plusieurs épreuves du tournoi régional des WorldSkills 2023.
A Baillargues, sur deux jours, six jeunes tailleurs de pierre se sont affrontés. Leur mission : tailler dans la roche un model, dans un temps limité (environ 12 heures sur deux jours).
Le président de jury Guillaume Saint-Lazare, en compagnie du président de la Chambre de métiers et de l'Artisanat Christian Poujol et de Frédéric Matan, meilleur ouvrier de France 2004.
Guillaume Saint-Lazare, tailleur de pierre à Lunel, a gagné le concours régional puis national en 2017. Aujourd'hui, il est président de jury pour le concours régional. "Il y a du bon niveau cette année", indique-t-il en regardant les jeunes travailler. Sont également venus admirer les participants, Christian Poujol, président de la Chambre de métiers et de l'Artisanat de l'Herault, anciennement tailleur de pierre, et Frédéric Matan, meilleur ouvrier de France tailleur de pierre.
Un seul en est sorti vainqueur et se rendra à Lyon pour la compétition au niveau national, au mois de septembre 2023. A Colomiers, ce sont les plombiers qui se sont affrontés et à Toulouse, les charpentiers et les plâtriers. Nous publierons le nom des gagants prochainement.
Evolution et valorisation des métiers du BTP
Mars : le mois de l’orientation. Partout en France, les Compagnons du devoir ouvrent leurs portes. L’occasion d’évoquer l’éthique de vie et de travail qui accompagne l’enseignement des métiers du compagnonnage.