La charpente en chêne massif du choeur de Notre-Dame de Paris montée à blanc

La charpente en cours de montage

32 m. de long, 14 m. de large et 10 m. de hauteur : cet ouvrage massif a été reconstruit fidèlement à la charpente originale datant du XIIe et XIIIe siècle, qui a été détruite par l'incendie du 15 avril 2019.




Photo : Levage à blanc d’une ferme de la charpente du chœur. David Bordes © Rebâtir Notre-Dame de Paris.

 

Les travaux de restauration de Notre-Dame de Paris avancent bien, annonce l'Etablissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris le 25 mai dans un communiqué où il est indiqué que le montage à blanc des premières travées de la charpente en chêne massif du choeur a été réalisé avec succès.

 

Le montage à blanc a été réalisé en Anjou, par les équipes du groupement d'entreprises Ateliers Perrault, mandatés pour la reconstruction de la charpente du coeur de Notre-Dame de Paris et par Ateliers Desmonts, chargés de la reconstruction de la nef. Il s'agit d'un point d'étape nécessaire, effectué en atelier, afin de vérifier la bonne exécution de tous les assemblages avant le montage définitif au dessus des voûtes de la cathédrale qui interviendra dans les prochains mois.

 

Les équipes des ateliers Perrault devant la charpente

Les équipes de la maîtrise d’ouvrage, de la maîtrise d’œuvre, des charpentiers des Ateliers Perrault et de taillandiers. David Bordes © Rebâtir Notre-Dame de Paris.

 

L'ouvrage est d'une taille exceptionnelle : 32 mètres de long, près de 14 mètres de large et 10 mètres de hauteur. La charpente est composée de 35 fermes, principales et secondaires, et 22 demi-fermes, formant 6 travées et une abside de forme semi-circulaire.

 

Le montage de l'ensemble de la charpente du choeur dans la cathédrale doit être achevé en début d'année 2024.

 

Bois taillé à la main

 

La charpente a été réalisée selon un dessin fidèle à l'ouvrage médiéval, conformément aux avis de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA). C'est la taille manuelle qui est favorisée afin de s'adapter au dessin des charpentes. La technique respecte le fil du bois et garantie un très bonne pérénnité de l'ouvrage.

 

équarissage d'une poutre à la hache

Equarrissage manuel de la charpente du chœur. © Franck Gallen – Pix Machine

Equarissage à la main de chaque pièce de bois

Equarrissage manuel de la charpente du chœur. © Franck Gallen – Pix Machine

 

Dans son communiqué, l'Etablissement public rappelle : "la restitution à l’identique des charpentes médiévales de la nef et du chœur mobilise de nombreux savoir-faire : ceux des forestiers de l’ONF pour la sélection des bois, des ingénieurs en structure pour les calculs, des dessinateurs et projeteurs pour les modélisations numériques, plans de taille et d’assemblage, des conducteurs de travaux pour les études méthodologiques et logistiques, des taillandiers pour la fabrication des haches et doloires et enfin de charpentiers pour les tracés d’épure, le lignage, le piquage, la taille et le pré-assemblage des bois en atelier, puis leur assemblage sur site."

 

"La mobilisation et l’enthousiasme des dizaines d’experts forestiers de l’ONF, taillandiers et charpentiers venus de toute la France, voire pour certains de l’étranger, qui ont souhaité se réunir pour réaliser cette œuvre collective sont une nouvelle preuve de l’engagement de tous pour permettre la réouverture de la cathédrale au culte et à la visite, en décembre 2024" a déclaré Jean-Louis Georgelin, président de l’établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris.

 

Les étapes nécessaires à la fabrication de la charpente

 

Depuis janvier 2023, les charpentiers du groupement taillent les bois à partir des 1.200 grumes sélectionnées. Ils procèdent aux étapes suivantes :

  • un dégrossissage selon une technique mixte utilisant le sciage mécanique de deux faces des grumes, puis un équarrissage manuel – ou l’art de transformer un arbre entier en poutre à l’aide d’une hache – ;
  • la taille, entièrement à la main, de chaque pièce de bois ;
  • le tracé de l’épure, soit le dessin détaillé et coté à l’échelle 1 de l’ouvrage à construire, réalisé à même le sol de l’atelier ;
  • la "mise sur ligne" qui consiste à assembler horizontalement la vingtaine de pièces de chaque ferme au-dessus du tracé d’épure, pour vérifier le parfait ajustement de leur cinquantaine d’assemblages, tous réalisés sans aucune pièce métallique ;
  • le montage et le liaisonnement des six fermes (deux fermes principales et quatre secondaires) entres-elles, par des liernes, pour former une travée complète.

 

Une des fermes principales de la charpente du chœur assemblée, avant levage

Une des fermes principales de la charpente du chœur assemblée, avant levage. David Bordes © Rebâtir Notre-Dame de Paris.

Charpente de l’abside du chœur en cours d’assemblage

Charpente de l’abside du chœur en cours d’assemblage. David Bordes © Rebâtir Notre-Dame de Paris.

 

 

Particularité de ce chantier, les charpentiers utilisent en grande partie des outils manuels : la hache de dégrossi et la doloire, pour tailler les pièces de bois. Cette technique, qui avait été délaissée par les compagnons depuis le 19ème au profit d’outils mécaniques, a été préférée pour ces charpentes fidèles au dessin médiéval. Pour ce faire, le groupement a souhaité s’appuyer sur le savoir-faire de la Maison Luquet (Haut-Rhin) et de ses quatre partenaires – l’Atelier Les Frappantes (Gers), l’Atelier Let (Isère), la Taillanderie Claudel (Ille-et-Vilaine) et la Taillanderie Sauvage (Nièvre) – pour produire la cinquantaine de haches de dégrossi et de finitions nécessaires au façonnage de la centaine de fermes qui composent la charpente de la nef et du chœur.

 

La restitution des charpentes de la nef et du chœur

 

Taille manuelle de la charpente du chœur.

Taille manuelle de la charpente du chœur. David Bordes © Rebâtir Notre-Dame de Paris

 

Le choix d’une reconstruction des charpentes respectant le dessin initial des ouvrages, dans leur état médiéval, se justifie par la qualité de l’ouvrage disparu, témoignage rare d’une révolution technique et conceptuelle dans l’art de la charpente au début du XIIIe siècle qui a permis d’augmenter la résistance et la portée des couvertures. Par l’emploi - nouveau à l’époque - des assemblages par tenons et mortaises, couplé au développement de l’art du trait de charpente, les compagnons du début du XIIIe siècle ont élaboré des fermes dont le dessin était très bien documenté avant l’incendie, grâce aux relevés réalisés en 2014 par Rémi Fromont et Cédric Trenteseaux.

 

"Les charpentiers du groupement travaillent actuellement sur la base des relevés que nous avons réalisé en 2014 avec mon confrère et aujourd’hui associé Cédric Trentesaux et sur l’analyse des vestiges de l’ouvrage incendié. La charpente de Notre-Dame telle qu’elle existait avant l’incendie représente un témoignage patrimonial unique de l’art des compagnons du XIIIe siècle. Plus nous l’étudions, plus nous comprenons à quel point elle a représenté un jalon important dans l’évolution technologique des charpentes à cette époque", explique Rémi Fromont, architecte en chef des monuments historiques.

 



Source : batirama.com

L'auteur de cet article

photo auteur Emilie Wood
Journaliste, photographe, vidéaste, Emilie Wood travaille depuis 2010 pour la presse, qu’elle soit professionnelle dans les domaines du BTP et de l’agriculture, ou généraliste. Pour Batirama, elle écrit sur des sujets aussi variés que la conjoncture BTP, l’évolution de la réglementation, la rénovation énergétique, les réformes, les innovations, ou encore l’actualité de l’immobilier. Elle apprécie particulièrement réaliser des portraits d’entreprises et révéler les femmes et les hommes qui, chacun à leur manière, font une différence, qu’ils soient entrepreneurs ou collaborateurs d’entreprise.
1 Commentaire
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  • par 3doors
  • 07/06/2023 10:19:28

Ne manque t'il pas une étape essentielle de trempage?

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