Au Forum Bois Construction 13 à Nancy le 4 avril dernier, l'Atelier C3 était intitulé "Stratégies contre l’inconfort estival". Il est normal de prendre en compte, au-delà des barèmes de la RE2020, l’exposition des ouvrages construits actuellement à un glissement des températures avec tout son lot de cataclysmes.
Julien Rivat et Patrick Janin, ambassadeur de La maison du passif au Forum Bois Construction. © JT
Il est envisagé + 1,5 °C dès 2025, sans doute + 0,1 °C de plus tous les trois ans, selon l’expert Jean Jouzel, donc facilement + 2,3 °C en 2050, date proclamée de la neutralité carbone. En France métropolitaine, l’augmentation sera nettement plus forte, accompagnée de canicules longues et répétitives et de pollution urbaine difficilement soutenable.
Construire en fonction du pire scénario est aujourd’hui un devoir, car en 2050, ce qui sort de terre aujourd’hui aura tout juste 25 ans. Les meilleurs maîtres d’ouvrage, architectes et ingénieurs en tiennent compte et se mettent à développer de nouveaux langages architecturaux. Ce qu’a illustré l’Atelier C3, notamment avec le Centre Gilbert Raby à Meulan-en-Yvelines, L’Échappée, la ludo-médiathèque d’Herblay-sur-Seine et le nouvel aérogare de l'aéroport Roland Garros de l’Île de La Réunion.
Circulation de l'air pour éviter un réchauffement caniculaire. Centre Gilbert Raby, Meulan en Yvelines. © Tolila + Gilliland
L’Atelier commence par exposer les principes de la Maison du passif, selon lesquels rien ne change en principe. La maison passive selon ses calculs anciens reste valable et si l’on ne tient pas compte des bilans carbone, on peut la construire en béton et PSE au même titre qu’en bois-paille et plaque de plâtre.
Maxime Roethinger de WOA axe la présentation de l'Echappée sur le confort d'été. © JT
Les Jardins Clémenceau, construits à Saint-Etienne il y a cinq ans, ont permis de comparer les performances de maisons passives et maçonnerie et de leur version bois-paille durant le terrible été 2022. L’architecte Julien Rivat et l’ingénieur Franck Janin d’Héliasol concèdent que le site stéphanois ménageait encore de bons refroidissements nocturnes et qu’en plein îlot de chaleur, il faut soit habituer son corps, soit recourir à une climatisation qui agira sobrement dans le contexte thermos d’une maison passive.
Au Forum, les deux spécialistes montrent patte blanche avec leur prédilection pour le biosourcé, mais il reste à tester les performances comparées d’une maison bois-paille labellisée avec ventilation double-flux, et une maison identique avec enduit terre mais sans ventilation double flux, voire avec une ventilation naturelle. Il faudrait les construire, y vivre, recueillir les indications des capteurs mais aussi du ressenti des habitants.
Depuis un an, l’AICB a publié son livre blanc qui met en avant les performances de déphasage et d’amplitude des isolants biosourcés. Ces atouts ne sont pas pris en compte dans la RE2020 et il ne faut pas s’attendre à des changements positifs pour la RE2025. Pour autant, ce n’est pas le déphasage ou l’amplitude thermique qui permettront de surmonter des canicules en îlot de chaleur.
Alexis Autret d'AIA explique le fonctionnement du nouvel aérogare en climatisation naturelle. © JT
Nouveauté sémantique de l’AICB, les bétons biosourcés, qui s’en sortent particulièrement bien. Le mot béton ne renvoie pas au ciment où du moins pas toujours. Ces bétons sont d’ailleurs des recrues plutôt nouvelles de l’AICB, qui a étendu son périmètre à la paille mais aussi au béton de chanvre, ainsi que CCB Greentech. Karibati avait lancé la formule pour intégrer le béton à son label, il y a quelques années, et Yves Hustache de Karibati anime l'AICB qu'il représentait dans cet atelier.
On sait que les bétons, face à la canicule, finissent par se recharger comme un four, et cela vaut aussi pour les maçonneries et les briques en général. Pour le Centre Gilbert Raby, le plancher de l’étage est en béton. Pour l’Échappée de l’agence WOA, la pierre est placée en façade et peut se réchauffer. Comme le Centre fait la part belle, sans doute pour la première fois à cette échelle, à la BTC de Cycle Terre, le recours aux planchers en béton fausse un peu l’analyse du rapport entre l’ossature bois et l’inertie apportée par la BTC.
Un constat qu’avait déjà fait le BE Enertech en construisant le premier bâtiment E4C2 de France : l’inertie du béton est plus performante que celle des BTC. Mais voilà, les BTC ont été imaginés en alternative au béton, tout comme le recours très actuel à la pierre de taille. Aussi bien dans le cas du Centre que pour l’Échappée, le béton coexiste avec les matériaux à forte inertie, le bois, le verre.
L’architecture climatique de notre siècle est en fait plutôt oeucuménique. Du moins quand on découvre la résille de l’Échappée, ou le bloc de dépression surélevé du nouvel hangar de l’aéroport de La Réunion. Dans le premier cas, il s’agit d’une casquette qui vient renforcer l’effet d’une première casquette en bois qui crée une sorte de coursive. Les architectes sont heureux de voir que les utilisateurs s’approprient cet espace qui n’est donc pas perdu, et au sol duquel la résille métallique projette ses effets lumineux.
Pour l’aéroport Roland Garros, une construction métallique sert à la fois d’accrochage pour les poutres en BLC qui impriment une courbe à la toiture, en lui permettant de capter les alisés. Ce dispositif pensé pour une orientation bien spécifique du vent permet d’évacuer l’air du côté des pistes sans retour vers l’aérogare.
Le centre exploite les vertus du faîtage décalé permettant une meilleure ventilation nocturne. L’Échappée créée une coursive de plus de 100 m de long qui n’est ni un espace extérieur ni intérieur. AIA dessine à La Réunion une toiture technique et élégante. Les jeux sont ouverts, tant pour le choix des matériaux que pour les types d’ouvrage et pour leur silhouette.
Modérateur impliqué de l'Atelier C3, Marc Serieis d'Albert&Co a accepté de présenter des projets sélectionnés par leur prise en compte du confort d'été, ainsi que les points de vue de La maison du passif et de l'AICB, sans que cela corresponde parfaitement aux vues d'Albert&Co ou de l'ICEB (Institut pour la Conception Écoresponsale du Bâti) que Marc Serieis a présidé. La réflexion sur l'architecture climatique est en cours, et il devient évident qu'il ne s'agit pas seulement d'une affaire de BE, mais bien d'une remise en cause de l'architecture actuelle.
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Source : batirama.com / Jonas Tophoven
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Couplée à la recherche d’une frugalité énergétique, la prise en compte des canicules conduit à un profond remodelage de l’architecture du 21e siècle.