Matériel électrique : Schneider Electric et Legrand écopent d'une sanction de 470 M€

Sanction de 470 M€ l’encontre de Schneider Electric et Legrand et des distributeurs Rexel et Sonepar. © Freepik

L’Autorité prononce une sanction de 470 M€ l’encontre de Schneider Electric et Legrand et des distributeurs Rexel et Sonepar pour avoir pris part à des pratiques verticales de fixation du prix de revente.




L’Autorité de la concurrence prononce une sanction de 470 millions d’euros à l’encontre des fabricants Schneider Electric et Legrand et des distributeurs Rexel et Sonepar pour avoir pris part à des pratiques verticales de fixation du prix de revente :

– la première entente a été mise en œuvre par la société Schneider Electric et ses distributeurs Rexel et Sonepar entre décembre 2012 et septembre 2018 ;

– La seconde par la société Legrand et son distributeur Rexel de mai 2012 à septembre 2015.

 

Ces deux ententes se sont matérialisées dans le cadre d’un système dit de "dérogations", dont les modalités de mise en œuvre ont, en l’espèce, permis aux fabricants de matériel électrique de fixer les prix de revente de leurs produits aux clients finals et aux distributeurs de préserver leur marge.

Ces pratiques ont notamment été révélées à la suite d’une information judiciaire ouverte par le procureur de la République de Paris après transmission d’un signalement du rapporteur général de l’Autorité sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 40 du code de procédure pénale.

La décision de l’Autorité ne préjuge en rien de l'issue de la procédure pénale.

 

 

 

Le système des "dérogations"

Le mécanisme des "dérogations" est apparu dans les années 1990 dans les contrats-cadres annuels conclus entre fournisseurs et distributeurs de matériel électrique basse tension et concerne aujourd’hui la majorité des ventes des entreprises mises en cause.

Développé pour répondre à la demande des clients finals qui sollicitent souvent des tarifs inférieurs aux prix d’achat standards des distributeurs, ce mécanisme se définit comme une remise sur le prix d’achat standard, accordée sous forme d’un avoir par le fabricant au distributeur, pour que ce dernier puisse consentir aux clients finals qui le souhaitent des prix inférieurs au prix d’achat standard (les fameux "tarifs" ou "prix dérogés") sans revendre à perte. En pratique, la demande initiale de réduction de prix peut émaner du client final ou du distributeur (lorsque celui-ci souhaite se positionner sur un client ou une affaire en particulier). Toutefois, le fournisseur conserve toujours le dernier mot, tant sur l’octroi de la dérogation et le prix dérogé consenti au client final, que sur le montant de l’avoir correspondant octroyé au distributeur.

L’Autorité de la concurrence a pu constater qu’aucune disposition contractuelle n’interdisait aux distributeurs de pratiquer des prix inférieurs et que certains documents contractuels établis par les fournisseurs qualifient formellement les nouveaux prix consentis aux clients finals de "maximums" ou de "conseillés".

En l’espèce, l’Autorité de la concurrence a toutefois pu constater que les entreprises mises en cause se sont entendues pour neutraliser cette possibilité et conférer, de fait, aux prix de vente aux clients finals un caractère fixe. Ce faisant, elles ont limité la concurrence intra-marque entre les distributeurs au détriment des clients finals et ont contribué à maintenir des prix standards élevés en France.

 

 

 

Des pratiques révélées par l’intermédiaire des perquisitions pénales

Les pratiques en cause ont notamment été révélées par une information judiciaire et des perquisitions conduites dans ce cadre.

Ladite information judiciaire a été ouverte en 2018 par le procureur de la République de Paris à la suite d’un signalement du rapporteur général de l’Autorité de la concurrence transmis sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale. Ce signalement faisait état, notamment, d’informations transmises par l’Agence française anticorruption et de deux témoignages anonymes portant, entre autres, sur l’existence et l’utilisation par Schneider Electric et Legrand d’un mécanisme de prix dits "dérogés" visant à mettre en place un contrôle des prix facturés aux clients finals. Ce mécanisme avait été préalablement dénoncé, en même temps que d’autres pratiques susceptibles de constituer des infractions pénales, par le quotidien Mediapart.

Sous le contrôle du magistrat instructeur, des perquisitions simultanées ont été réalisées dans les locaux de plusieurs sociétés appartenant aux groupes Schneider Electric, Legrand, Rexel, Sonepar et de la Fédération des Distributeurs en Matériel Électrique, ainsi qu’aux domiciles de la présidente et du directeur financier de Sonepar SAS.

En juillet 2021, l’Autorité s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur du matériel électrique basse tension et a demandé au juge d’instruction la communication des pièces du dossier pénal ayant un lien direct avec les faits dont elle s’est saisie.

Si le mécanisme contractuel de dérogations de Schneider Electric et Legrand n’est pas illicite en raison de sa nature même, il ressort toutefois de nombreux éléments documentaires saisis lors de l’instruction ayant servi de support à deux ententes sur les prix :

– la première entre Schneider Electric et ses distributeurs Rexel et Sonepar, de décembre 2012 à septembre 2018 ;

– La seconde entre Legrand et son distributeur Rexel, de mai 2012 à septembre 2015.

 

L’instruction menée par l’Autorité de la concurrence a, en effet, permis de constater que les entreprises mises en cause ont, dans le cadre de ces ententes, choisi de conférer un caractère fixe aux prix dérogés. Ces derniers ont donc été conçus dès l’origine par Schneider Electric et Legrand comme des prix fixes.

Le dossier atteste également de la connaissance qu’avaient Rexel et Sonepar (uniquement, pour cette dernière, s’agissant des dérogations mises en œuvre par Schneider Electric) de cette volonté des fournisseurs et de la conscience qu’avaient l’ensemble des parties mises en cause de l’illégalité de leurs pratiques.

 

 

 

Le maintien d'un niveau de prix artificiellement élevé au bénéfice de l'ensemble des participants

L'Autorité de la concurrence a aussi pu constater qu’un système de prix fixes permettait à Schneider Electric et Legrand de renforcer leur maîtrise sur le niveau des prix en France, déjà forte dans le cadre du mécanisme des dérogations, en évitant toute concurrence intra-marque susceptible de rejaillir sur la négociation des prix avec le client final.

S’agissant spécifiquement des distributeurs, divers documents émanant de Rexel et de Sonepar indiquent que ces entreprises avaient conscience de bénéficier d’un niveau de marge garanti dans le cadre du système de prix fixes souhaité par Schneider Electric et Legrand.

Eu égard aux deux ententes constatées, l’Autorité de la concurrence a prononcé des sanctions d’un montant total de 470 000 000 euros, reparti entre les quatre entreprises.                  




Source : batirama.com / Laure Pophillat

L'auteur de cet article

photo auteur Laure Pophillat
Laure Pophillat est rédactrice web polyvalente depuis plusieurs années. Curieuse, éclectique et investigatrice, tous les thèmes pertinents (et donc passionnants) l’intéressent ! Pour Bâtirama, elle rédige avec bonheur sur un large spectre de sujets couvrant l’entièreté de la filière BTP (actualités, conjoncture, réformes, innovations, etc.). Elle apprécie notamment réaliser des portraits de femmes et d’hommes engagés, inspirés et inspirants, dans un environnement, celui du BTP, toujours en mouvement.
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