Il est temps de réaliser un checking de santé pour le pont de l’île de Ré ! Mis en service en 1988, le deuxième plus grand pont de France (après celui de Saint-Nazaire) approche des quarante ans et comme pour les humains, l’ouvrage doit surveiller sa consommation de sel. En effet, les ions chlorure, présents dans l’eau de mer, constituent un des principaux ennemis du béton sur le littoral. En le pénétrant peu à peu, le sel finit par atteindre les armatures d’acier, les fait rouiller et provoque des éclats pouvant mener à la ruine de l’ouvrage. Que l’on se rassure, le pont de l’île de Ré n’est pas près de tomber. Mais des travaux s’imposent pour le consolider.
La corrosion des armatures est la principale cause de dégradation des structures en béton armé et la plus importante en termes de coûts de réparation, pour les ouvrages en béton armé immergés dans l’eau de mer. © Cerema
Le dernier diagnostic des piles du pont de l’île de Ré a été réalisé en 2017, conduit par Lucas Bourreau qui a réalisé une thèse à ce sujet. "Le pont présentait des désordres classiques, des éclats de bétons", décrit le thésard aujourd’hui employé au groupe Ginger. "Rien d’anormal pour un ouvrage de cet âge : seul le premier lit d’armature est touché et ne présente pas de risque structurel."
Rien d’anormal, certes, mais ces lésions n’ont toujours pas été traitées. La prochaine Inspection Détaillée Périodique aura lieu en 2025 pour voir quelles piles sont les plus abîmées à présent. "Le département réfléchit à anticiper les travaux car une fois qu’il est trop tard, les travaux sont très conséquents", précise Mathieu Barbot, adjoint à la gestion des ouvrages d’art en Charente-Maritime.
La prochaine Inspection Détaillée Périodique aura lieu en 2025. © RE
À l’issue du diagnostic, plusieurs possibilités de réparations s’offriront au maître d’ouvrage :
– réparation des lésions superficielles : il s’agit de traiter les désordres visibles (éclats de béton, fissures…) et d’appliquer un revêtement de protection sur l’ensemble des parements de l’ouvrage ou sur certaines parties faiblement atteintes par la corrosion ;
– Purge de béton : Si les ion chlorures n’ont pas atteint l’armature d’acier, la purge de béton consiste à retirer le béton pollué et le remplacer par un nouveau béton sain (projeté ou coulé) et si nécessaire de traiter ou de remplacer les armatures dégradées par la corrosion (perte de diamètre).
– Protection cathodique : cette méthode consiste à passer un courant électrique entre le réseau d’armatures et un réseau d’anodes ; ledit courant va protéger les armatures de la corrosion en abaissant le potentiel électrochimique des armatures pour le faire passer dans le domaine d’immunité du fer contenu dans l’acier.
Le diagnostic sera l’étape cruciale car, en fonction des niveaux de détériorations, le maître d’ouvrage pourra choisir de combiner plusieurs méthodes à différentes parties du pont. Les travaux sont prévus pour assurer une protection pour au moins 30 ans avant une prochaine rénovation. Les coûts fixes des installations pour accéder aux piles immergées sous l’eau coûtent bien plus cher que la réparation en elle-même. "L’aménagement des moyens d’accès aux piles coûte facilement entre 50 % et 70 % du budget global de réhabilitation des piles", précise Lucas Bourreau.
Entre la purge du béton et la protection cathodique, quelle solution s’avère plus pertinente pour les réparations ? Actuellement, la purge est largement plus utilisée que la protection cathodique. Connue de longue date, il s’agit d’une solution bien moins chère et qui peut être très efficace si les travaux sont réalisés correctement, c’est-à-dire en ne laissant pas d’ions chlorures emprisonnés dans du béton non purgé.
"La protection cathodique est un peu un luxe réservé aux ouvrages stratégiques. Ce n’est pas l’électricité qui coûte cher mais les anodes ainsi que tout le réseau de câblage à mettre en place." avance Benoît Thauvin, spécialiste des ouvrages maritimes au Cerema, le centre d’étude sur les risques liés à l’environnement.
Mais la donne pourrait être en train de changer. Le parc des ouvrages en béton devient vieillissant en France et la demande augmente de la part des collectivités. "De plus en plus d’ouvrages sont réparés par une protection cathodique", abonde Lucas Bourreau. "Il y a un business qui évolue de façon croissante voire exponentielle chaque année. Cela attire plus d’entreprises, donc plus de concurrence, ce qui tend à faire baisser les prix."
Les entreprises maîtrisant la protection cathodique demeurent encore très peu nombreuses en France, "peut-être une dizaine tout au plus", précise Lucas Bourreau. Cette spécialité requiert en effet des certifications répondant à des normes européennes pour l’ensemble des travailleurs sur l’ouvrage, y compris de la part des techniciens et des ouvriers. Mais malgré cette barrière à l’entrée, les entreprises spécialisées dans la protection cathodique devaient être de plus en plus nombreuses.
Avantage clé pour les années à venir de la protection cathodique : cette méthode ne génère pas de déchets, contrairement à la purge qui produit des tonnes de béton retiré à traiter (sans compter l’eau nécessaire au décapage et qui doit également être traitée). Actuellement, il n’existe pas de normes encadrant les émissions de CO2 dans les processus de réparation des ouvrages en béton mais la solution cathodique donne un coup d’avance si la réglementation venait à se durcir.
Lors de ses futurs travaux de réparation, le pont de l’île de Ré pourra également tester de nouvelles solutions sur ses piles. La corrosion demeure encore un phénomène complexe et la communauté scientifique offre une expertise de plus en plus approfondie sur le sujet. Ainsi, l’Université Gustave Eiffel (anciennement Laboratoire Central des Ponts et Chaussées), le Cerema ou encore le LRMH (Laboratoire de Recherche sur les Monuments Historiques) se penchent tous sur la question de la corrosion des bétons par les ions chlorures.
Lors de ses futurs travaux de réparation, le pont de l’île de Ré pourra également tester de nouvelles solutions sur ses piles. © RE
Ces centres permettent de tester une multitude de nouveaux procédés ou matériaux dans leurs laboratoires, qui pourraient être utilisés à grandeur nature lors des réparations d’ouvrages. Concernant le béton par exemple, le pont de l’île de Ré est constitué du béton B30, qui au moment de sa construction était un bon béton mais se classe aujourd’hui dans le moyen voire bas de gamme. Les réfections pourront ainsi être réalisées avec des BFUP (Béton Fibré Ultra haute Performance) ou encore des bétons avec une faible porosité pour empêcher les chlorures de s’infiltrer.
Les travaux de rénovation demeurent toujours une superbe occasion de tester de nouveaux matériaux pour le revêtement, et ce afin d'apporter une protection supplémentaire. Ces revêtements peuvent être des épaisseurs sacrificielles, par exemple en tissus fibrés ou en fils de verre, encapsulés dans du béton ou du mortier. "Il serait possible de réaliser d’abord des tests de revêtements sur des échantillons en laboratoire soumis à un vieillissement accéléré avant de sélectionner les deux ou trois meilleures solutions pour potentiellement les appliquer sur le pont de l’île de Ré", explique Lucas Bourreau.
En 2024 se terminent les rénovations du pont de Noirmoutier, démarrées en 2017, qui donnent un retour d’expérience intéressant. Une technologie inédite a été utilisée pour protéger l’ouvrage de la corrosion au sel : les piles sont renforcées avec un béton haute performance de faible porosité puis recouvertes d’une gaine en fibre de verre qui vient donner une seconde protection.
Le pont de Noirmoutier. © Ville de Noirmoutier
Enfin, les innovations concernent également les armatures pour les rendre plus résistantes aux ions chlorures. On connait les armatures en acier inoxydable mais celles en composite gagnent également en popularité. "Le composite peut avoir des performances équivalentes à celles de l’acier mais les propriétés mécaniques peuvent être différentes, notamment en termes de ductilité", précise Benoît Thauvin du Cerema.
Manifestement la construction en béton armé dans les situations agressives est une erreur.. On retrouve les mêmes erreurs dans des constructions Le Corbusier en Suisse où les marches d'escalier copieusement arrosées de sel en hiver (pour prévenir les glissades des usagers) ont une durée de vie restreinte de quelques décennies tout au plus.. Il faut dans ces conditions : Supprimer les bétons armés ou remplacer l'acier ordinaire par de l'inox (cher). Revenir aux solutions de l'ancien temps :: (1) piles de pont en pierres (sorties d'une carrière), bien ajustées pour utiliser le moins de ciment possible. (2) Disjoindre les soubassements des structures hors d'eau, .qui peuvent être en acier. (3) peindre les parties métalliques à intervalles réguliers (comme la Tour Eiffel ! ) (4) Construire en structures modulaires (et non pas en structures d'un seul tenant) pour pouvoir intervenir sur un module sans toucher aux autres modules.
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Les 3 ponts de l'arc Atlantique, (Oléron, Ré, Noirmoutier) en béton armé précontraint supportent les réseaux électriques THT Basse Fréquence alimentant les îles. Ces réseaux ne sont jamais considérés comme possible sources de corrosion, alors qu'ils le sont en présence des réseaux ferrés, de pipelines, et de diverses infrastructures métalliques pouvants être le siège de courants induits corrosifs. et font l'objet réglementations. Pourquoi les ponts ne sont-ils pas soumis à ces réglementations, lorsqu'ils supportent des liaisons électriques THT Basse Fréquence de forte puissance generant des champs électromagnétiques, électriques, magnétiques ne sont-ils pas pris en compte dans les études sur la corrosion des infrastructures a forte présence métallique. Dans le doute sur les nuisances inhérentes et en l'absence d'études ne faudrait il pas interdire la mixité ponts et liaisons électrique de fortes Puissance En parcourant la thèse soutenue par Monsieur Bourreau je me suis aperçu que ce sujet n'était pas abordé.