En matière de réemploi, les choses évoluent vite et très lentement. Les plateformes se mettent en place et profitent de la dématérialisation des échanges. Pas besoin de stocker des briques sur un lieu de stockage précis si les canaux de communication fonctionnent et que la demande réagit instantanément. La locomotive de cette évolution est la demande, tirée par la RE2025 qui annule l’empreinte carbone des matériaux réemployés. Même si, sur un projet francilien récent, les briques de réemploi ont une nouvelle fois été rapatriées de Belgique avec un bilan carbone réel tout autre que nul, il semble au moins que les Hauts-de-France mettent actuellement en place une plateforme dédiée.
Quelques ingrédients de la Brique de Broc. © Ar-Te
La RE2020 poussée au seuil 2025 va stimuler le réemploi de matériaux standards et émissifs, puisque ce dernier est associé à des émissions de carbone nulles. Par contre, la filière de réemploi du bois a du mal à se constituer.
Le chantier de l’Académie Fratellini, exemplaire, s’achève avec des difficultés pour écouler les stocks triés de bois de réemploi entreposés sous le chapiteau.
À Lille, Rewood, pionnier, mesure de mieux en mieux les freins, dont l’un est le coût de manutention et de transport. Morgane Croquelois, de Rewood, déclare : "Sur ce marché du réemploi du bois, on est en fait dans une situation similaire à celle de la première transformation du bois. Il faudrait des échanges avec les acteurs de ce marché qui connaissent leur métier, mais les passerelles sont difficiles à construire, notamment dans les Hauts-de-France."
L'une des particulariés de l'approche de Carlos Barba, c'est qu'en se référant aux pratiques mexicaines, il convoque des matériaux organiques auquels on n'a pas l'habitude de penser, qui contribuent à la cohésion des briques et leur résistances aux attaques sanitaires. © Ar-Te
La nouveauté, c’est que l’offre de produits issus du réemploi se développe, à l’instar des fenêtres de Millet fabriquées à partir de carrelets qui recycle des fenêtres en bois démontées. On n’est plus très loin du développement d’un label "issu du réemploi". Il s’appliquerait aux briques de broc développées par l’architecte Carlos Barba de AR+TE, exposant au Forum Bois Construction et pitcheur à la Tribune des Innovations du Forum.
La Brique de Broc réutilise non seulement toutes ces chutes de bois dont on ne sait que faire, mais aussi d’autres matériaux biosourcés, comme des cartons, broie tout et utilise un liant végétal pour composer des briques. C’est un peu comme quand l’industrie du panneau de process recycle, et elle sait le faire à une échelle industrielle massive alors que la Brique de Broc est encore en stade d’étude, médaille d’argent du concours Lépine tout de même. L’un des intérêts de la recherche de Carlos Barba est de rechercher une solution de mur porteur ou auto-porteur à liant végétal.
Fabrication de la Brique de Broc. © AR+TE
L’une des questions que se pose actuellement son inventeur Carlos Barba, est la protection contre l’incendie. Convient-il de travailler avec la filière émergente des enduits en terre crue ? De même, qui dit brique dit chaînage afin d’assurer le contreventement. Il existe toujours mille questions à résoudre, quand on lance une innovation sur le marché.
Dans le cas de la Brique de Broc, l’un des atouts est la disponibilité de la matière.
Le second, la volonté de pérenniser le stockage de carbone.
S’ajoute une visée simple et universelle, qui est de produire des briques. S’il devient possible de broyer des résidus de matériaux biosourcés et que les compacter en briques porteuses, sans ajout de liants dégradants comme le ciment, la chaux ou des colles fossiles, cela change la circularité des matériaux biosourcés, à un moment où les nouvelles fiches FDES prennent systématiquement en compte le fait que les matériaux de construction biosourcés seraient brûlés après 50 ans et relargueraient tout leur carbone.
Même s’il existe un écart entre le monde de la préfa béton qui a déjà installé avec Spurgin une ligne dédiée au béton préfa intégrant énormément de copeaux, on s’aperçoit qu’il existe aussi un développement inverse, pour ainsi dire du biosourcé maçonné. D’autant qu’il est beaucoup moins coûteux de broyer ce type de matériaux que de concasser du béton en réemploi.
De toute évidence, l’urgence climatique pousse à changer les idées reçues, et dans le cas de la Brique de Broc, de partir d’une approche vertueuse de réemploi et de décliner ensuite pas à pas les solutions qui rendent cela possible.
Tout sur le Forum Bois Construction
Le Forum Bois Construction, au Grand Palais, donne un sens à sa Tribune des Innovations avec la présentation de la Brique de Broc, matériau innovant issu des déchets et rebuts de chantier, jeudi 27 février à 9h30.