Le Premier ministre Manuel Valls a bien tenté, le 28 octobre, de rassurer les partisans du projet en réaffirmant la volonté gouvernementale de le mener à bien, mais il n'en reste pas moins suspendu à l'issue de multiples recours juridiques dont nul ne voit le bout.
Alors qu'un calme relatif régnait dans le bocage nantais depuis le statu quo décidé en début d'année par le chef du gouvernement de l'époque Jean-Marc Ayrault, la mort du jeune écologiste Rémi Fraisse le 26 octobre sur le chantier controversé du barrage de Sivens dans le Tarn, a ravivé les tensions entre pro et anti-aéroport.
Du 16 octobre au 24 novembre 2012, plus d'un millier de policiers et de gendarmes intervenaient sur la "Zad", Zone d'aménagement différé renommée "zone à défendre" par les anti-aéroport, pour déloger à grand renfort de gaz lacrymogènes et grenades assourdissantes les opposants installés dans des fermes et des cabanes, aussitôt démolies.
En face, les opposants, de plus en plus organisés et nombreux avec le renfort de quelques 200 comités anti-"NDDL" créés dans toute la France, répliquent tantôt à coup de manifestation massives et pacifiques, tantôt à l'aide de fusées de détresse, de frondes et de toutes sortes de projectiles, menant une quasi "guérilla bocagère".
Au soir du 24 novembre 2012, Jean-Marc Ayrault, pourtant farouche partisan du projet en tant qu'ancien maire de Nantes, annonce à la surprise générale la mise en place d'une "commission du dialogue": elle suspend de fait les travaux en donnant un coup d'arrêt aux expulsions.
Depuis, les seuls travaux d'ampleur entrepris ont été la construction de plusieurs dizaines de nouvelles cabanes ainsi que des semailles de blé, de tournesol ou encore de sarrasin. Une "lutte d'occupation" qui passe par l'installation de jeunes agriculteurs, pour qu'en cas d'abandon du projet, "les terres ne reviennent pas aux paysans qui ont fait le choix de signer à l'amiable" avec le concessionnaire de l'aéroport, le groupe Vinci, souligne Cyril Bouligand, agriculteur proche de la Confédération paysanne.
"Quelque part on a gagné" estime Vincent, fils de paysans préférant "cultiver la terre que faire la guéguerre", qui a ainsi posé ses valises dans une ferme de Saint-Jean-du-Tertre, visée par une expulsion avortée en avril, où les récoltes sont entassées. Un "Camille", prénom générique des opposants qui souhaitent garder leur anonymat, a, lui, planté un hectare de vigne, espérant "dans dix ans avoir du vin".
"Il ne faut pas oublier que l'aéroport devait être mis en service très prochainement, donc quelque part on a déjà gagné", fait valoir Jean-François Guitton, membre du Collectif des agriculteurs opposés au projet, le "Copain 44", organisateur d'une "marche unitaire" le 8 novembre à Notre-Dame-des-Landes.
La marche est partie symboliquement de la "Route départementale 281", toujours entravée par les chicanes des opposants. Puis elle est passée par les lieux des plus intenses affrontements avec les forces de l'ordre, pour rappeler qu'avant Rémi Fraisse "c'était l'un de nous qui aurait pu y rester".
A quelques jours d'une nouvelle manifestation contre "les violences policières et judiciaires", le 22 novembre à Nantes, elle avait pour but, en réunissant écologistes, agriculteurs ou anti-capitalistes, de montrer "qu'il n'y a pas de scission" au sein de la "résistance", malgré les "moyens différents de s'exprimer", selon M. Guitton.
Pour le fervent défenseur de l'aéroport qu'est le président PS de la région Pays de la Loire Jacques Auxiette, "ceux qui sont aux responsabilités" ont laissé "s'installer des logiques qui essaiment sur toute la France" en n'évacuant pas les "70, 80 ou 100" occupants "illégaux" de la Zad qui n'ont "fait que contribuer à polluer les projets", dont celui de Sivens. "S'il n'y avait pas d'opposants sur le terrain et des violences, les travaux pourraient commencer demain", déplore aussi Alain Mustière, président de l'association "Des ailes pour l'Ouest", favorable à l'aéroport.
Pourtant, 52 recours déposés par les opposants ont déjà été rejetés, insiste M. Mustière. En réaffirmant la détermination de l'État à réaliser le projet, une fois jugés les derniers contentieux (encore une trentaine), "le gouvernement sait peut-être déjà que nous perdrons tous nos recours", remarque Françoise Verchère, présidente du Collectif des élus doutant de la pertinence de l'aéroport (Cédpa). Selon elle, le projet est "loin d'être enterré".
Pour Jean-Philippe Magnen, vice-président EELV du Conseil régional, des signes "d'immobilisme total" se multiplient au contraire, comme la suspension par les collectivités territoriales des versements financiers au syndicat mixte ou encore celle de l'instruction du permis de construire de l'aéroport pour mieux prendre en compte l'évolution du trafic. Il est persuadé que "dans ce quinquennat, il n'y aura pas une pierre de posée à Notre-Dame-des-Landes".