Les objectifs des pouvoirs publics en matière de consommation finale d’énergie verte (23% en 2020 et 32% en 2030) sont ambitieux mais réalisables, de l’avis des experts de Precepta. A première vue, la France semble en retard dans l’essor et l’intégration des énergies renouvelables (ENR) dans son mix énergétique.
Mais ce constat doit être nuancé. D’abord, parce que le poids des ENR dans la consommation finale d’énergie française totale (14,2%) se situait en 2013 au niveau de la moyenne européenne (14%), proche de celui de l’Italie (13,5%) et devant celui de l’Allemagne (12,3%).
Ensuite, la part des énergies vertes dans le mix énergétique augmentera avec la baisse attendue de la consommation d’énergie grâce aux politiques de sobriété et d’efficacité énergétique dans le bâtiment, les transports et l’industrie.
Il n’en demeure pas moins qu’atteindre les objectifs des pouvoirs publics ne pourra pas se faire sans améliorer les dispositifs de soutien, le tarif d’achat garanti et le système d’appels d’offres ayant montré leurs limites.
En d’autres termes, les ENR doivent passer d’une économie subventionnée à une économie (partielle) de marché. Le projet de loi sur la transition énergétique devait prévoir la création d’un nouveau mécanisme basé sur la vente directe de l’électricité verte sur le marché de gros, assortie d’une prime de rachat variable (« le complément de rémunération »).
Soumettre les énergies vertes aux signaux de marché présente plusieurs avantages, selon les experts de Precepta. En premier lieu, cela devrait favoriser l’équilibre du réseau. Ce mécanisme de marché incite en effet les exploitants à produire de l’électricité renouvelable lorsque les prix seront plus élevés (leur assurant une rémunération plus conséquente), c’est-à-dire en cas de forte demande.
Compte-tenu du profond changement de modèle de rémunération, ce mécanisme doit être introduit progressivement. En outre, la mise sur le marché des ENR permet de leur donner une valeur « réelle » (hors subventions).
Enfin, la facture sera moindre pour les consommateurs, la vente d’électricité verte n’étant plus régie par un tarif d’achat garanti. C’est du moins l’ambition de Bruxelles qui entend soutenir les ENR « au coût le moins élevé possible pour les contribuables ».
Le financement des énergies renouvelables est désormais un élément capital de la compétitivité des énergies vertes. Le poids des frais financiers dans le montant total des projets a sensiblement augmenté avec la baisse du coût des équipements. Au point d’ailleurs, que le coût financier d’un parc éolien ou d’une centrale photovoltaïque dépassent parfois le coût de l’équipement.
Dans le même temps, la diversification des sources de financement est devenue incontournable face à la frilosité des banques, à la remise en cause du modèle économique traditionnel des ENR, à la variété des besoins et des capacités d’une multitude d’acteurs ou encore aux besoins de financement colossaux.
Plus qu’une alternative au financement traditionnel, en particulier bancaire, les nouveaux mécanismes de financement ont vocation à devenir des compléments crédibles, efficaces et de confiance.
Les initiatives foisonnent notamment dans le capital-risque avec le lancement de fonds d’infrastructures ou d’investissement par des spécialistes (Demeter Partners, Mirova) mais aussi par des géants de l’énergie (GDF Suez, EDF) ou des régions (le Fonds Oser de Rhône-Alpes).
Les green bonds (obligations vertes) suscitent également les convoitises des collectivités locales et des entreprises. Autant les fonds d’infrastructures assurent un apport efficace en fonds propres à des projets d’énergie renouvelables précis et ciblés, autant les investissements réalisés grâce aux green bonds peuvent recouvrir des réalités très différentes d’une entreprise à l’autre. Faute d’une véritable régulation de cet outil, les soupçons de greenwashing persisteront.
S’inspirer des exemples de l’Allemande KfW (Banque de reconstruction), véritable outil de refinancement au service de la transition énergétique outre-Rhin, et du dispositif mis en place par la Banque européenne d’investissement (BEI) en avril 2014, permettrait aux pouvoirs publics français de mettre en place une banque ou un fonds national doté d’un pouvoir de refinancement sur les marchés internationaux et d’un réseau de proximité de banques de détail, selon l’analyse des experts de Precepta.
Sans surprise, le crowdfunding (financement participatif) a fait une percée sur le marché des énergies renouvelables. Une évolution logique et même souhaitable car la transition énergétique nécessite l’implication des citoyens dans le but de faciliter leur adhésion. Encore marginal aujourd’hui, cet outil de financement devrait fortement se développer à l’avenir, même si des freins réglementaires juridiques et financiers limitent encore l’essor des projets citoyens en France.
Certes, la France n’a pas réussi à bâtir une filière industrielle dans l’éolien terrestre ou le solaire photovoltaïque. Elle dispose toutefois d’atouts industriels et géographiques incontestables pour qu’émergent des filières d’ENR d’excellence comme l’éolien offshore, l’éolien flottant ou encore l’hydrolien.
A cet effet, les pouvoirs publics et les collectivités locales doivent jouer un rôle moteur pour soutenir les opérateurs dans la recherche, l’expérimentation, l’industrialisation et l’exportation de technologies d’avenir.
Le développement de standards technologiques de pointe, la mobilisation des savoir-faire de l’industrie française (et de ses sous-traitants) et la conclusion d’alliances stratégiques entre opérateurs seront également des conditions nécessaires au succès de ces filières.
*Precepta vient de publier une étude approfondie, après plusieurs mois d’enquêtes, sous le titre « Les énergies renouvelables en France – Nouveaux modes de financement et défis pour les acteurs français »