Les réseaux de chaleur et de froid sont mentionnés à plusieurs reprises dans la Loi sur la Transition Energétique. Premièrement, l'article 176, section 4, consacre leur place dans le bilan énergétique français.
Il indique : « La programmation pluriannuelle de l'énergie comporte un plan stratégique national de développement de la chaleur et du froid renouvelables et de récupération, (…). Ce plan stratégique a pour objectifs :
Deuxièmement, l'article 194 fixe l'objectif de les alimenter avant tout en énergies renouvelables et de récupération d'ici 2020. Il affirme que les communes sont compétentes en matière de création et d'exploitation d'un réseau de chaleur ou de froid. Si elles exploitent un tel réseau en service au 1er janvier 2009, elles doivent avant le 31 décembre 2018, réaliser un schéma directeur qui explique notamment comment sera atteint l'objectif d'alimenter ce réseau par des sources d'énergie renouvelables et de récupération en 2020.
Troisièmement, l'article 1er III 9° fixe un objectif quantitatif : « Multiplier par cinq la quantité de chaleur et de froid renouvelables et de récupération livrée par les réseaux de chaleur et de froid à l'horizon 2030 ».
Pour bien comprendre la portée de ces objectifs, l'association Amorce (www.amorce.asso.fr), s’est efforcée de décrire la situation actuelle et les moyens de réaliser les objectifs fixés par la nouvelle Loi.
Créée en 1987, Amorce est l’association nationale des collectivités territoriales et des professionnels pour une gestion locale des déchets, de l’énergie et des réseaux de chaleur. L'association représente plus de 550 grandes collectivités (communes, intercommunalités, départements, régions) rassemblant plus de 60 millions d’habitants, ainsi que plus de 250 grandes entreprises, fédérations professionnelles et associations.
Amorce suit les réseaux de chaleur, mais pas encore les réseaux de froid. Selon Amorce, les plus récentes statistiques datent de 2013. Cette année-là, les réseaux de chaleur ont distribués 25 TWh, dont 40% issus d'énergies renouvelables. En 2013, les réseaux de chaleur alimentaient 2 millions d'équivalent logement.
Les dernières statistiques connues sur les réseaux de froid sont plus anciennes encore et datent de 2008. Avec 620 MW, la France était à cette date le premier pays d'Europe en puissance installée et comptait à cette date 13 réseaux de froid qui desservaient 80 000 équivalents-logements et distribuaient 894 GWh de froid.
Selon Amorce, qui regrette au passage que la loi ne contienne aucune incitation particulière, ni financière, ni réglementaire, en faveur des réseaux de chaleur et de froid, multiplier par 5 les quantités d'énergie livrées d'ici 2030 signifie tout d'abord alimenter 7 millions d'équivalents-logements, soit 3,5 fois plus qu'aujourd'hui.
Ce ne sera possible qu'en densifiant les réseaux existants – c'est-à-dire en raccordant davantage de logements et de bâtiments tertiaires aux réseaux déjà installés – et en construisant de nouveaux réseaux ou des extensions de réseaux. L'un des freins au développement de chaleur est la trop longue durée d'instruction administrative des dossiers présentés.
La Loi ne contient rien à ce propos. Le réseau de chaleur de Mazamet, par exemple, a commencé à être étudié en 2003 et fut mis en service en janvier 2010 seulement. Durant ces 7 années, les travaux réalisés par Dalkia, ne représentent que 9 mois. Le reste du délai est pour partie imputable au Code des Marchés Publics, mais surtout à la lourdeur et à l'arbitraire des procédures d'attribution des subventions diverses.
Amorce souligne également que pour alimenter les réseaux de chaleur et de froid majoritairement à l'aide d'Energies Renouvelables et de récupération d'ici 2020, il faudra multiplier les chaufferies biomasse, mobiliser la chaleur fatale de l'industrie et multiplier les exploitations de géothermie profonde.
Les énergies renouvelables utilisables en réseaux de chaleur et de froid sont en effet avant tout la biomasse, la géothermie profonde et le solaire thermique. L'Ademe évalue à 19,1 Mtep/an, la ressource annuelle en bois énergie disponible. Compte-tenu du niveau de la consommation actuelle, il reste un solde non-utilisé de 4,3 Mtep/an.
En France, la contribution du solaire thermique dans le bilan annuel des réseaux de chaleur est anecdotique. Deux projets français seulement sont recensés : 800 m² de capteurs solaires thermiques installés à Balma près de Toulouse par Cofely pour alimenter 1200 logements en complément d'une chaufferie bois, et le réseau de la Zac d'Ecopôle en projet à Montpellier.
Nous sommes loin des réalisations danoises, notamment Strandby depuis 2008 avec 8 019 m² de capteurs et Braestrup depuis 2007 avec 8 012 m² de capteurs solaires thermiques. L'installation de Braestrup a été complétée en 2012 par un nouveau champ de capteurs de 10 588 m² et passera à 50 000 m² en 2016.
L'autre piste consiste à utiliser la chaleur fatale de l'industrie : la chaleur générée par les processus industriels et dissipées dans des aéroréfrigérants géants. Encore faut-il que cette chaleur fatale soit à une température compatible avec une distribution de chauffage urbain.
L'Ademe évalue à 50 TWh le potentiel de chaleur fatale industrielle disponible à plus de 100°C, dont 10 TWh se trouvent à proximité de réseaux de chaleur existants. Le meilleur exemple français de récupération de la chaleur fatale industrielle est l'usine d'Arcelor-Mittal sur le port de Dunkerque. Elle fournit 65% de la chaleur distribuée par le réseau de chauffage urbain de la ville.