Commençons par les résistants. Ils ne sont pas contre la lumière connectée a priori. Mais ils préfèrent se demander d’abord à quoi va servir la connexion. Waldmann par exemple, une entreprise familiale allemande, ne propose pas encore de solution connectée.
Ils finiront certainement par céder, tant est forte la pression en faveur des solutions connectées de toutes natures. Mais pour l’instant, ils préfèrent les luminaires intelligemment autonomes aux luminaires bêtement connectés.
Connectés ou autonomes, le but des luminaires est de réduire la consommation d’énergie, tout en accroissant le confort. Spécialiste des luminaires sur pied qui éclairent à la fois vers le haut et vers le bas, Waldmann les équipe systématiquement d’une détection de présence et d’une sonde de luminosité ambiante.
Sa détection de présence est de deux types, soit par infrarouge, comme tout le monde, soit par HFMD pour High Frequency Motion Detection, autrement dit une sorte de radar.
La sonde infrarouge, sensible à la température, voit un cône relativement étroit. La sonde HFMD, indépendante de la température, crée une bulle de détection dont la base est réglable de 1 à 8 ou 9 m de diamètre.
Ce qui permet d’englober plusieurs personnes dont les bureaux sont groupés, par exemple. Les deux méthodes engendrent environ 50% d’économie d’électricité par rapport à des luminaires sans détection de présence.
Les luminaires Waldmann portent également une détection de luminosité ambiante. Sur le mât du luminaire, un petit boîtier permet de régler une consigne de température ; Ensuite, le luminaire se pilote seul par variation, maintenant la valeur de consigne indiquée en complétant l’apport de lumière naturelle.
Avec ces deux dispositifs, sonde de luminosité ambiante et détection de présence, les économies d’énergie sont garanties, sans connexion à internet.
L’autonomie intelligente des luminaires ne suffit pas à garantir le confort d’usage. Waldmann s’est en effet rendu compte que la mode des bureaux paysagers et le développement des luminaires autonomes intelligents pouvait aboutir à un effet pervers.
Le soir, lorsqu’une ou deux personnes travaillent dans un vaste bureau paysager, seuls leurs postes de travail sont éclairés, créant deux îlots de lumière dans une vaste pénombre. Ce qui peut produire un net sentiment de malaise, voire une sorte de frousse diffuse.
Le remède consiste à rendre les luminaires communicants entre eux. Waldmann a donc développé Pulse Talk. C’est un petit boîtier fonctionnant sous enOcean, donc sans pile et sans fil.
Dès qu’un luminaire équipé de Pulse Talk détecte la présence d’une personne, il transmet cette information au groupe de 16 luminaires maximum auquel il appartient (100 groupes au plus). Le groupe s’allume alors en soutien, mais avec une intensité lumineuse réduite, afin d’économiser l’énergie, tout en réduisant le niveau de malaise.
Les luminaires Waldmann peuvent être équipés de Pulse Talk à la commande ou bien lorsqu’ils sont déjà installés.
L’autonomie intelligente assure donc les économies d’énergie et le confort visuel. Une connexion internet peut apporter au moins quatre éléments en plus. Le premier est anecdotique, voire contre-productif.
Les luminaires n’ont plus d’interrupteurs, il faut utiliser son téléphone ou une tablette, plus une Application pour allumer la lumière, varier son intensité, etc. Ce qui est drôle un temps, mais pas nécessairement très pratique. Et, si nous faisons l’hypothèse que les luminaires sont déjà dotés d’une autonomie intelligente, ce n’est même pas nécessaire.
En revanche, second élément, la connexion est un plus pour la maintenance. Ou plutôt, la connexion aurait été un plus lorsque les sources lumineuses n’étaient pas des LEDs. Dans un immeuble tertiaire, il fallait en effet régulièrement remplacer des tubes fluorescents, des ampoules à incandescence, etc.
Savoir quelle source est en panne et quel est son type précis aurait constitué un vrai plus dans l’organisation de la maintenance. Avec des LEDs, dont les fabricants peuvent garantir une luminosité de 80% du flux original au bout de 50 000 heures, avec seulement 10% de défauts, c’est nettement moins intéressant.
Le troisième élément, la connexion des luminaires, dans certains cas, permet d’utiliser un seul réseau à la fois pour les données et pour l’alimentation électrique des luminaires. Il s’agit des raccordements en PoE ou Power ov er Ethernet, dans lesquels on utilise le réseau Ethernet – celui qui existe dans les entreprises depuis les années 1970 et qui fournit l’accès à internet – à la fois pour alimenter les luminaires et pour transporter les données.
C’est notamment le pari de Philips Lighting qui a conclu un partenariat avec Cisco pour développer cette technologie et généraliser le pilotage de l’éclairage tertiaire par Web Services sur TCP/IP.
Les démonstrations de PoE par Philips Lighting sont à la fois concluantes et alarmantes. Les luminaires s’allument, s’éteignent… tout ça par Webservices. Ce qui signifie qu’il faut un serveur Web assez près de chaque groupe de luminaire.
Bon, ce n’est pas impossible. Et dans le futur des villes connectées, cela permettrait un délestage fin des services consommant de l’électricité dans chaque bâtiment. Mais, pour l’instant, le processus est curieusement inabouti. Pour configurer l’éclairage connecté en PoE dans un immeuble de bureau, il faut une tablette avec l’App de Philips Lighting.
L’installateur place sa tablette sous le luminaire, l’application reconnaît le luminaire, le localise et le configure. C’est séduisant pour un luminaire, voire pour 10 luminaires. Mais pour un immeuble de bureaux avec 5 000 luminaires, soit environ 40 000 à 50 000 m², c’est insoutenable.
D’autant qu’il faut recommencer lorsqu’on veut modifier la configuration. Dans un immeuble de bureaux, ça arrive sans arrêt. Les entreprises sont en permanence en train de ré-agencer leurs locaux, cloisonner, décloisonner, recloisonner…
Re-tablette sous chaque luminaire. Par rapport aux possibilités de configuration et de reconfiguration à distance, purement logicielles, permises depuis une dizaine d’années par des logiciels spécifiques – ceux de Newron System, notamment – à travers des réseaux LonWorks, BACNet ou KNX, c’est un retour en arrière. Mais c’est sûrement appelé à évoluer.
Au-delà du pilotage des luminaires, leur connexion à un réseau Ethernet ouvre la voie du LiFi, la communication par la lumière. Nous en sommes aux tous premiers balbutiements, mais une connexion LiFi assure une large bande passante (traduction pour les plombiers et les chauffagistes : un gros débit grâce au large diamètre des canalisations et à la grande vitesse de circulation), sans parasitage possible par les émissions électromagnétiques de l’installation électrique.
A Light+Building 2016, le LiFi est à peine évoqué. Gageons que ce sera l’un des grands sujets de l’édition 2018.
Quatrième élément, la connexion permet – avec l’outil de programmation graphique approprié – de scénariser les locaux grâce à la lumière. En fonction du moment dans la journée ou du type de tâche en cours, l’atmosphère des bureaux et l’humeur de leurs occupants peuvent être en partie construites par une variation de la couleur de la lumière et de son intensité, créant des moments dynamisants ou poussant davantage au calme.
Dans des magasins, la scénarisation va encore plus loin. De minute en minute, elle peut appeler l’attention sur les produits en promotion, créer des atmosphères en liaison directe avec des produits précis – poisson, vêtements, etc. – ou mobiliser les énergies le jour des soldes.
Là aussi, nous n’en sommes qu’aux balbutiements, mais les grands fabricants de sources et de luminaires y travaillent.