Pour permettre aux professionnels de mieux appréhender les changements à venir, les experts de Xerfi Precepta* se sont livrés à une analyse prospective, dessinant trois scénarios aux conclusions originales.
Et si les grands groupes de l’IT faisaient main basse sur la ville intelligente en créant une « hyper-plateforme » ? Les collectivités locales sont-elles en mesure d’endosser le rôle de chefs d’orchestre d’une smart city ?
A quoi ressemblerait une ville connectée uniquement façonnée au gré des nouveaux usages ? Autant de pistes qui guideront les professionnels vers la conquête de ce nouvel eldorado.
Les acteurs de l’IT investissent les « briques » structurant les villes, de l’énergie en passant par les transports ou encore le bâtiment. Ce qui n’est pas sans conséquence pour les business models des acteurs traditionnels, basés sur l’optimisation d’un volume de services aux particuliers et sur la maîtrise de ressources et compétences (savoir-faire technique, marketing, commercial, matériels et infrastructures).
Les opérateurs historiques peinent en effet à suivre le tempo technologique imposé par les nouveaux entrants, ce qui laisse ainsi planer la menace de leur propre « ubérisation ».
L’exemple emblématique est celui de la mobilité, avec les plateformes de VTC (Uber, LeCab), de covoiturage (BlaBlaCar, OuiCar) ou encore d’autopartage entre particuliers (Drivy, OuiCar).
Mais les utilities voient également émerger des plateformes industrielles B2B, qui promettent l’amélioration du suivi et de la performance de clients privés ou publics. Ces business models sont portés par les acteurs de l’IT comme par les acteurs traditionnels, à l’image de Siemens, qui a lancé en 2015 sa plateforme Advantage Navigator.
Cette dernière qui permet à ses clients de surveiller et d’analyser la performance énergétique d’un bâtiment pour ensuite formuler des recommandations en termes de consommation, d’approvisionnement en énergie et d’indicateurs clés de performance.
D’autres acteurs ont, eux, fait le choix du partenariat pour développer leur plateforme industrielle. C’est le cas de Veolia et d’IBM pour la supervision des réseaux d’eau.
Les plateformes B2C, elles, développent des outils qui informent les citadins en matière de qualité de l’air, de géolocalisation d’adresses utiles ou encore de mobilité, en proposant des itinéraires intermodaux et des horaires mis à jour en temps réel.
C’est l’exemple de l’application de trafic routier Waze (Google). Pour les opérateurs et pour les collectivités, ces plateformes sont des gisements de données précieuses, transmises directement par les citadins (usages, avis des citoyens, signalement de dysfonctionnements etc.).
Tous ces acteurs de l’IT portent des business models innovants qui dessinent de nouveaux chemins de création de valeur. C’est par la valorisation de données encore inexploitées que ces opérateurs accélèreront les projets de ville intelligente.
Certes, les géants de l’IT sont en position de force dans le domaine de la smart city. Car ce sont eux qui disposent de la majorité des compétences techniques et des savoir-faire nécessaires pour intégrer les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans la gestion du bâtiment, des réseaux ou encore des transports.
Trois stratégies sont alors possibles : l’approche industrielle (IBM), basée sur la supervision et le pilotage d’un ou de plusieurs services de la ville, celle centrée sur les usages (Apple), où le pilotage repose sur les données, et, enfin, l’hybride qui mêle les deux (Amazon, Microsoft).
Pour autant, ces champions du numérique ne peuvent pas faire cavalier seul. Ils n’ont d’autre choix que de nouer des partenariats avec des opérateurs historiques, à l’instar d’IBM avec Veolia ou de Nest (Google) avec Direct Energie et Engie, car ils ne disposent pas d’une connaissance suffisante des marchés locaux.
A terme, les géants du digital représentent toutefois une menace réelle pour les acteurs traditionnels, qui pourraient être relégués au rang de sous-traitants du donneur d’ordre technologique.
Dans ce contexte, ils sont confrontés à un dilemme stratégique : faut-il internaliser ou externaliser les nouvelles compétences ? Tout l’enjeu consiste à trouver le bon dosage entre ressources propres et appel aux compétences externes.
La smart city impose ainsi de nouvelles relations entre les opérateurs. L’enjeu ne se situe plus tant dans la maîtrise d’une filière verticale que dans la capacité à coopérer, y compris avec des concurrents directs, à s’insérer dans les bons écosystèmes et à y jouer un rôle moteur.
Que ce soit pour les géants de l’IT ou les opérateurs historiques, deux visions de la ville intelligente s’opposent. D’un côté, l’approche centralisée développe un système d’offre propriétaire piloté par un acteur pivot. C’est notamment la position d’Apple dans la maison connectée ou de Transdev dans la mobilité.
De l’autre, l’approche décentralisée se caractérise par l’association et la complémentarité d’une multitude d’opérateurs hétérogènes contribuant au développement d’une ressource commune et non-propriétaire, le plus souvent la donnée.
Ainsi, la politique d’open data de la Ville de Paris, menée par des acteurs publics, privés et par des citoyens, est à l’origine de la libération de 50 millions de données, maintenant disponibles sur la plateforme OpenDataSoft.
*Auteur de l’étude : Thibaud Brejon de Lavergnée