Affaire Actis-Filmm : épilogue ou nouveau rebondissement à venir ?

Affaire Actis-Filmm : épilogue ou nouveau rebondissement à venir ?

La Cour d’appel de Versailles déboute le Filmm après 20 ans de procédure ! Le procès Filmm - Actis reste la plus longue affaire judiciaire opposant des industriels du bâtiment.




Le litige a démarré en 1996. Il oppose le Filmm (1), - représentant les industriels de la laine minérale-, à Actis, alors leader des isolants minces multicouches réflecteurs (IMR) en France (voir l’histoire des IMR ci-dessous)

 

Le Filmm reproche à Actis ses pratiques commerciales « trompeuses et parasites ». Le spécialiste des IMR prétend en effet dans ses communications de l’époque que ses produits multicouches et minces (Tri-iso super 9) isolent aussi bien, voire mieux, que 20 cm de laine minérale.

 

Verdict de la Cour d’appel de Versailles, après 20 ans de litige : elle déboute le Filmm de son action pour publicité mensongère. Elle reconnaît pourtant la validité du rapport d’expertise "largement favorable aux laines minérales", indique le Filmm.

 

Pas de réglementation contraignante au moment des faits

 

Ce rapport a été établi en 2015, au bout de 12 ans d’expertise judiciaire, mais le syndicat ne voulait pas le dévoiler. « Nous voulions éviter un incident de procédure, et attendre l’arrêt définitif de la Cour d’appel » précisent les représentants du Filmm.

 

En effet, la Cour d’appel reprend les conclusions du rapport et en déduit que « dans un bâtiment bénéficiant d’une étanchéité à l’air conforme aux règles de bonnes pratiques en usage dans la construction, les performances des laines minérales sont supérieures à celles des produits minces ».

 

Mais, elle ajoute, que faute de réglementation contraignante sur l’étanchéité à l’air, au moment des faits, Actis ne peut pas être condamné pour publicité mensongère.

 

« Une décision incompréhensible »

 

Une décision incompréhensible aux yeux des adhérents du syndicat (3) présents lors de la conférence de presse organisée par le Filmm. Pour ces derniers, l’absence de réglementation ne peut pas justifier un défaut de loyauté commerciale. Et surtout, un produit, quel qu’il soit, ne peut pas se prévaloir publiquement de performances qu’il n’a pas.

 

« L’absence de sanction prononcée par la Cour est un mauvais signe que l’on envoie. Dans ce cas, n’importe qui peut alors se prévaloir de l’absence de réglementation pour faire ce qu’il veut, en attendant qu’on le juge 10 ou 20 années plus tard… » souligne l’avocat du Filmm, maître Vincent Lacourt.

 

La longueur de la procédure mais aussi le changement de contexte économique et réglementaire auraient-ils incité les juges à faire preuve de « modération » ? « La décision est tardive et Actis savait que le rapport ne leur était pas favorable, ils ne vendent d’ailleurs plus les IMR qu’ils présentaient comme une innovation et ont opéré un virage commercial stratégique » constate Caroline Lestournelle, secrétaire général du Filmm.

 

Maître Vincent Lacourt et Caroline Lestournelle, secrétaire générale du Filmm

 

Le coût de la vérité scientifique

 

Mais la pilule passe mal car le combat judiciaire a été très long et onéreux. « C’est un procès hors norme et on aurait pu faire des tests moins coûteux » indique Caroline Lestounelle. Il a ainsi fallu mener trois campagnes d’essais dont deux essais supplémentaires à la demande d’Actis (qui a réclamé un changement de chalet et la dépose des plaques de plâtre, selon le Filmm)

 

Enfin, outre les frais de procédure et d’avocat (le Filmm doit rembourser 30 000 euros de frais d’avocat à Actis), il a fallu débourser 200 000 euros a minima pour les essais in situ réalisés dans les deux chalets construits près d’Albi à Castanet (81) en photo d'ouverture.

 

Le Filmm se console néanmoins avec la réalisation du rapport, désormais public, qui contient l’intégralité des pièces disponibles transmises à la Cour. « C’est un bon rapport d’expertise, clair et carré, mené par deux experts judiciaires (2) et c’est un vrai modèle du genre car il peut être compris par des non-scientifiques, souligne Maître Lacourt

 

Le syndicat dit enfin « envisager » de se pourvoir en cassation, ce qui supposerait encore quelques années de procédure judiciaire. Mais le fera-t-il ? Et surtout, est-ce vraiment utile ? Il dispose de deux mois pour se prononcer…

 

(1) Syndicat national des fabricants d’isolants en laine minérales manufacturées

 

(2) Christian Delsol et Gilbert Patierno

 

(3) Ecophon, Eurocoustic, Flumroc, Isover, Knauf Insulation, Rockwool, Ursa

 

 

En savoir plus

L’histoire des Isolants minces réfléchissants

 

Commercialisés au début des années 90, les IMR, ont été présentés comme une technique innovante et performante sur un marché dominé par un produit omnipotent : la laine minérale. Résultat : les IMR ne tardent pas à « faire un tabac ». Actis aurait ainsi commercialisé plus de 70 millions de m2 de produits minces réfléchissants….

 

Les distributeurs sont ainsi séduits par « la nouveauté » et leurs clients, artisans et bricoleurs lourds cooptent rapidement le produit pour le poser essentiellement dans les combles puisqu’il permet de gagner de la place, grâce à sa minceur.  

 

La clientèle est également intéressée par les performances revendiquées … en dépit d’un prix fourniture nettement plus coûteux que la laine minérale. Actis se donne en effet les moyens de convaincre : grandes campagnes médiatiques, stands imposants sur le salon Batimat, et conférences de presse pour dénoncer les attaques judiciaires du « lobby de la laine minérale ».

 

Distorsion de concurrence ?

 

Le leïmotiv d’Actis : personne ne sait mesurer les performances de son innovation, et surtout pas le CSTB, qui ne possède pas la bonne méthode pour le faire. Le CSTB est accusé à l’époque par Actis de faire le jeu d’Isover Saint-Gobain.

 

Notons qu’en 2014, et parallèlement au feuilleton judiciaire en cours, une nouvelle affaire pour distorsion de la concurrence ressurgit. L’Autorité de la concurrence a enquêté, suite à la demande d’Actis, sur des « soupçons d’entente », pesant sur le CSTB, Saint-Gobain Isover et le Filmm. Une affaire qui n’est pas terminée aujourd’hui… puisque le dossier a été renvoyé à l’instruction dans une décision de la cour d’appel du 22 septembre 2016.

 

 

En savoir plus

Les étapes clés d’un procès fleuve

 

  • Le 2 mars 1999 

    : le tribunal de commerce de Versailles, est saisi par le Filmm pour publicité comparative mensongère pour son produit Tri-iso super 9

 

  • Le 20 septembre 2002 

    : le tribunal de commerce déboute le Filmm de ses demandes, estimant ne pas disposer d’éléments techniques suffisant.

 

  • Le 17 juin 2004

     : la Cour d’appel de Versailles ordonne une mesure d’expertise judicaire

 

  • Le 27 février 2009

     : le rapport des experts judiciaires est rendu

 

  • Le 11 mars 2010

     : la Cour demande à l’expert de mener un complément d’expertise et de procéder lui-même à une comparaison des produits en réalisant des tests « in situ »

 

  • Le 10 janvier 2017

     : la Cour d’appel déboute le Filmm

 

 

EN DERNIERE HEURE

 

Laurent Thierry, PDG d'Actis, joint par téléphone, déclare sa grande satisfaction puisqu' "après 18 ans de procédure, les juges ont débouté le Filmm". Actis va publier le jugement de la cour d'appel de Versailles sur son site internet

 

Le PDG s'estime néanmoins "choqué" que le Filmm ait communiqué des documents "qui ont été rejetés par la cour d'appel pour irrégularité". Il vise notamment certains rapports d'expertise présentés lors de la conférence de presse.

 

"On se réserve le droit d'intenter une action" ajoute indique Laurent Thierry qui ajoute que sa PME de 200 personnes n'avait pas l'intention de commenter la décision de justice... "En fait, pour nous la page est tournée, nous continuons d'avancer et d'innover avec de nouveaux produits que nous commercialiserons en 2017", promet le responsable.

 




Source : batirama.com / Fabienne Leroy

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