Le totem monté et terminé sur le parvis du Centre Prouvé à Nancy.
Pour la troisième fois consécutive, la tenue du Forum Bois Construction trouve une illustration concrète dans la réalisation d’un totem. Claude Valentin de Haha Architecture aurait pu aisément puiser dans le beau registre conceptuel des assemblages à angle droit développés pour la Halle de Tendon, afin de refaire par exemple une sorte de halle miniature.
Mais l’architecte et enseignant, spécialiste de la construction bois depuis des décennies, a préféré partir sur une autre idée, détachée de la pratique constructive. Ce qui constituait un peu une gageure dès lors que, dans son idée, l’ouvrage était censé culminer à 14 mètres environ.
Extrait de carnet de croquis de l’architecte Claude Valentin © Claude Valentin
14 mètres ? Ce n’est pas grand-chose, puisqu’on vise aujourd’hui en construction bois des immeubles habitables de 100 mètres de haut. Même en Kapla, on est arrivé l’an dernier à plus de 18 mètres.
Les premiers croquis de l’architecte le montrent pourtant bien : il y a l’idée d’une flèche, et à la fois d’une orientation des petits segments qui constituent l’ouvrage, ces tasseaux de sapin séchées et rabotées, non aboutés.
« Ils seront assemblés en atelier pour former quelques types de « fagots » constitués de 2x3 ou de 3x3 tasseaux espacées comme dans les scieries », précise Claude Valentin qui apprécie le rythme visuel ainsi créé pour le séchage du bois. Ces fagots vont s’emboîter pour être ensuite solidarisés par vissage.
Maquette au 1/10e, un vrai jeu de construction © Claude Valentin
Si le totem de Nancy dénote quelque chose de ludique, ce n’est pas par hasard. Claude Valentin a bel et bien testé ses idées à l’échelle 1/10e, assemblant dans son atelier une centaine de fagots constitués de bûchettes quasiment de section Kapla au moins pour l’épaisseur (identique à l’intervalle entre les bûchettes), pour une longueur standard de 18 cm. En taille réelle, ce sont devenus des tasseaux de 80x80 mm pour 1,84 m de long.
Sur le parvis du Centre Prouvé, le totem va se dresser sur un socle en CLT. © ICCB
Une nouvelle fois, le BE nancéen de Nicolas Barthès a pris le relais pour justifier gracieusement la stabilité de l’ouvrage, valider les assemblages et préparer les plans d’exécution. Le coût de fourniture des sciages de sapin local a été pris en charge par le Forum, pour un volume conséquent de 20 m3.
Pour la troisième fois consécutive, les Compagnons ont été mobilisés pour les opérations de préparation du chantier et du levage, qui s’étendent sur trois jours à Nancy et deux jours à Epinal.
Le totem de Nancy a occupé sept apprentis et leur formateur, ainsi que quatre compagnons bénévoles. Dans un premier temps, ces derniers ont mis en place un socle en CLT. Parallèlement, en atelier, les tasseaux ont été assemblés en fagots.
Les fagots sont conçus de façon à pouvoir s’emboîter les uns dans les autres.
Le levage s’est effectué par un temps radieux, attirant l’attention des passants qui voyaient déjà défiler en arrière-plan le trailer du Forum sur le grand écran LED du centre de congrès.
Les Compagnons ont apprécié que l’architecte Claude Valentin soit venu les voir à deux reprises et qu’il ait pris le temps d’expliquer son projet, images et croquis à l’appui.
Le levage des fagots, parfois préassemblés, s’est effectué à la grue.
Selon Julien Lecarme, l’intérêt constructif d’un tel assemblage de fagots est limité, car le temps de montage est trop long par rapport aux solutions courantes. Mais l’enjeu n’est sans doute pas là.
Rien n’empêche d’imaginer d’autres déploiements en structures y compris porteuses en aménagement intérieur visible. On peut imaginer deux développements, l’un en miniaturisation pour une sorte de jeu de construction, à mi-chemin entre Lego et Kapla.
L’autre par un changement d’échelle à l’inverse, 10/1, avec des tasseaux qui deviennent des barres en BMR de 13 m… Pour sûr, le concept ingénieux de Claude valentin va faire gamberger plus d’un participant du Forum.
Vue plongeante du haut du totem
Julien Lecarme de l’ICCB (Compagnons du Devoir) signe l’ouvrage à la manière des charpentiers.