Mathieu Hercé-Lemore : Cette étude était nécessaire afin de donner aux métiers de la maçonnerie les possibilités de s’adapter aux nombreuses évolutions qui les attendent et sont déjà en cours, les prises de conscience se modifiant à l’aulne du développement durable.
Au-delà des règlementations, thermiques ou non, il faudra prendre en compte les facteurs économiques, sociaux, techniques, environnementaux et démographiques, qui sont autant d’éléments marquant l’évolution dans les façons de construire et d’utiliser les bâtiments.
Dans cette étude, nous sommes partis sur une prospective à 15 ans, afin de former les jeunes aux métiers de demain, mais aussi de renouveler l’image de notre métier, trop souvent rabaissé. Nous voulons montrer que nos compagnons maçons peuvent aussi accéder à des métiers d’encadrement, de bureaux d’études ou d’entreprenariat. Nous avons voulu explorer de nouvelles pistes de travail dans l'innovation et la formation.
Mathieu Hercé-Lemore : Les jeunes vont devoir rester sur les bases solides de leur métier, tout en intégrant les outils numériques, des nouveaux matériaux et systèmes constructifs qu’ils vont devoir apprendre à maîtriser et mettre en œuvre.
Ils vont devoir apprendre à optimiser l’utilisation des ressources naturelles telles que les granulats. L’ACV (Analyse du Cycle de Vie) pourra être un levier pour remettre en lumière certaines techniques plus traditionnelles et redonner ainsi sa chance à la terre crue, à la paille et à l’ensemble des matériaux biosourcés.
Les constructions mixtes employant le minéral, le bois et le métal devraient aussi se démocratiser. Ces nouveaux systèmes et le développement de la mécanisation nous laissent imaginer qu’une partie des maçons vont s’orienter vers un métier d’assembleurs sur le chantier.
La coopération sur les chantiers sera incontournable pour atteindre les performances attendues dans les futures constructions. Par ailleurs, le travail collaboratif aura une part importante sur le plan local, avec des circuits courts impliquant des techniques traditionnelles.
Ainsi, les chantiers pourront se réaliser à deux vitesses : les entreprises oeuvrant sur les gros marchés avec de la préfabrication et de la mécanisation, et des entreprises de proximité sur des marchés locaux plus restreints avec des techniques traditionnelles mais en restant connectées aux innovations.
Mathieu Hercé-Lemore : La formation va en effet se transformer elle-même. Ainsi, les cours magistraux qui sont dispensés de nos jours ont leurs limites. L’une des pistes est de rendre les apprenants acteurs de leurs formations, qu’ils étudient leurs sujets en amont du cours et que le formateur vienne ensuite accompagner les jeunes.
L’approche par projet est aussi intéressante pour assembler l’ensemble des savoirs ; savoirs faire, savoirs-théoriques et savoirs être. Le formateur cadrera l’ensemble pour orienter les jeunes vers la performance.
Mathieu Hercé-Lemore : Chaque année, nous avons 400 apprentis en formation initiale, puis 200 jeunes poursuivent pour se perfectionner en effectuant leur Tour de France. Enfin, nous donnons des formations continues pour les salariés des entreprises, dont les durées sont très variables selon les besoins, allant de quelques jours à des formations en alternance sur deux ans.
Mathieu Hercé-Lemore : Le risque c’est de subir les évolutions. L’objectif est donc de pouvoir définir comment devrait évoluer notre métier et ainsi pouvoir anticiper les changements. Cela se traduit par une évolution de nos formations, par l’information auprès des Hommes de métiers.
En anticipant, ils obtiendront une position plus forte et seront les vrais acteurs des changements à venir. Il s’agit en définitive de conserver le savoir-faire de l’homme de métier et de s’adapter à demain afin d’être libre et épanoui dans son métier.
*Responsable de l'Institut des Métiers de la Maçonnerie - Les Compagnons du Devoir