Pour réguler finement le chauffage dans un logement, il faut piloter les générateurs, mais aussi les émetteurs. Pour une programmation du chauffage pièce par pièce, les solutions domotiques doivent adresser directement les émetteurs. S’il s’agit de chauffage électrique – mais il n’y en a presque pas à ISH, tant les solutions à eau chaude dominent largement -, les fabricants français comme Atlantic et le groupe Muller proposent depuis deux ou trois ans déjà, des radiateurs très sophistiqués.
Ils sont connectés à la domotique du logement, mais embarquent assez d’intelligence, de puissance de traitement et des sondes de température, de présence, des contacts de fenêtres pour pouvoir apprendre le comportement des occupants, s’autoprogrammer et tenir compte d’un évènement imprévu.
Une bonne douzaine de fabricants de » générateurs de » chauffage proposaient à ISH des têtes de robinets de radiateurs connectées. Elles sont le plus souvent alimentées par piles. Kieback & Peter propose depuis déjà deux ans, des robinets capables de produire leur propre énergie grâce à une déclinaison particulière de l’approche enOcean pour la récolte d’énergie. ©PP
En chauffage à eau chaude, c’est une autre affaire. Il faut concentrer toutes ces fonctions dans la tête du robinet, tout en conservant sa fonction thermostatique de base et un réglant la question de l’alimentation en électricité. Sans électricité, pas de domotique. De plus, ces têtes doivent s’adapter aux différents corps de robinet existant sur le marché.
Pour la première fois à ISH une douzaine de fabricants proposaient des solutions de ce type. Curieusement, les nouveaux venus dans le monde de la domotique jusqu’au radiateur sont avant tout des industriels du générateur à eau chaude : Nibe, Vaillant, Viessmann, Stiebel Eltron, etc.
Certains, comme Bosch Thermotechnologie ou Vaillant ont encore plus d’ambition et proposent des systèmes domotiques complets. Premier constat, tous ces systèmes communiquent sans fil entre les têtes de robinets et une boîte centralisée.
Honeywell présentait à ISH toute la panoplie des équipements de régulation connectés : sondes diverses, thermostats d’ambiance programmable, détecteurs de fumée, robinets de radiateurs et cannes de régulation, … Le tout avec piloté par des applications sur smartphone et tablettes. ©PP
Second constat, la plupart des fabricants ne jouent pas l’ouverture, mais ont développé leur protocole de communication sans fil propriétaire : le robinet fourni par Viessmann ne communique pas avec la pompe à chaleur Nibe, parce l’un ne reconnaît pas l’autre.
Ce qui fige les parts de marché. Les boîtes centralisées, elles, communiquent avec d’autres boîtes domotique du logement surtout en ZigBee (protocole sans fil) ou en KNX (protocole filaire ou sans fil). Ce qui pourrait permettre d’intégrer le chauffage et la production d’eau chaude dans un ensemble domotique du logement. Non sans mal pour l’instant, nous en sommes plutôt au stade de la promesse que de la réalité.
Stiebel Eltron propose une solution complète. La domotique descend jusque dans les têtes de robinets de radiateurs et dans les têtes motorisées des vennes montées sur des collecteurs de plancher chauffant ou de plancher chauffant-rafraîchissant. ©PP
Plutôt que d’intégration, il est plus juste d’évoquer pour le moment une coexistence avec peu d’échanges. Il faut deux applications différentes pour piloter l’ensemble : l’une pour le chauffage, l’autre pour les autres fonctions domotiques.
L’existence d’une passerelle ne débouche pas encore sur une application commune, capable, sur smartphone ou tablette, voire à distance par internet, de piloter toute la domotique du logement. Il n’est même pas sûr que cette intégration intervienne rapidement : l’application est le seul moyen pour un fabricant de rappeler sa marque à l’utilisateur, quotidiennement.
Il n’est sans doute pas prêt à abandonner à d’autres, le concepteur de l’appli générale, par exemple, cette présence qui peut déboucher sur une fidélisation du client. Certains fabricants adoptent une autre approche et participent au développement de solutions collaboratives, comme EEBus.
Pour la communication entre les divers composants de son système domotique, Stiebel Eltron a choisi le protocole de communication Z-Wave. Il n’est pas ouvert à proprement parler, mais il est extrêmement répandu aux Etats-Unis. En France, la solution domotique Home Live d’orange utilise Z-Wave. ©PP
Tous les fabricants ont bien compris que l’essentiel du marché de la domotique réside dans l’amélioration des logements existants. Vaillant présentait à ISH 2017 ses têtes de robinets ambiSense intelligentes, dotées de bagues d’adaptation pour tous les corps de robinets du marché. Elles communiquent sans fil à l’aide d’un protocole propriétaire jusqu’à une box Vaillant.
Cette box parle ensuite en EEBus aux autres installations de la maison. Le protocole EEBus est né d’une recherche financée par le gouvernement allemand pour faire communiquer entre eux des appareils du monde des économies d’énergie et des énergies renouvelables.
Fin Mai 2017, l’association chargée du développement de EEBus comptait 65 membres, dont Viessmann, Wolf, Vaillant, Stiebel Eltron, Bosch et Danfos. Des spécialistes de l’équipement électrique et de la motorisation, comme Somfy, Schneider Electric, ABB, Hager, Gira, Jung et Busch-Jäger ont adhéré également. Tout comme des industriels du photovoltaïque : SMA, Kaco, digitalStrom, …
Sont également venus les grands énergéticiens allemands comme e.on et enBW, des instituts de recherche et des laboratoires de test, des fabricants d’éclairage, d’électroménager et le monde de l’automobile pour le développement des voitures connectées. Qivicon la filiale de Deutsche Telecom, spécialisée dans l’automation des bâtiments, vient de rejoindre EEBus. Bref, il y a du monde.
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Voici le schéma classique de la plupart des solutions domotiques présentées à ISH. Les composants communiquent dans un protocole sans-fil vers une box, jamais directement entre eux. La Box est reliée en WiFi à la box internet du logement pour un accès au système de n’importe quel point du monde. Localement, un téléphone ou une tablette communiquent en WiFi avec la box du système. EEBus fonctionne différemment. ©PP
Les buts de EEBus sont très similaires à ceux de la démarche française Confluens, dans laquelle on retrouve d’ailleurs Hager, Schneider Electric et Somfy. Dans les deux cas, il s’agit de développer un système standardisé d’échange de messages sur un réseau TCP/IP déployé à l’intérieur du logement en filaire ou en WiFi. Ce qui permet de ne pas entrer dans la logique des différents univers – chauffage, éclairage, véhicules connectés, électroménagers – qui conservent donc leur indépendance.
EEBus met au point un certain nombre de messages standardisés, baptisés Spine pour Smart Premises Interopérable Neutral-message Exchange. Chaque fabricant rend sa box – Tahoma de Somfy, par exemple – capable de comprendre les Spine. Un Spine communique une information à toutes les box compatibles dans le logement. Chaque box réagit ou pas, en fonction de l’intérêt que l’information présente pour elle.
Chez Vaillant, le régulateur eRelax est chargé de la communication EEBus, visiblement en WiFi et de la compréhension des messages Spine Il permet aussi le pilotage du chauffage par une application Vaillant spécifique avec une communication vers Smartphone ou tablette en WiFi. ©PP
EEBus travaille avec d’autres organisations pour rendre son modèle compatible avec d’autres efforts. Le Thread Group qui regroupe plusieurs centaines d’entreprises dans le monde et développe un système sans fil de transport de messages, mais pas de dictionnaire du contenu des messages, et EEBus ont annoncé leur collaboration. Ce qui est parfaitement raisonnable.
On imagine facilement les messages EEBus (contenu) transporté sur un réseau Thread (moyen de transport). En Allemagne, EEBus est soutenu par de nombreuses organisations. Au salon ISH, le BDH (Bundesverband der Deutschen Heizungsindustrie, l’équivalent d’Uniclima en France) a annoncé qu’elle adoptait EEBus comme standard pour le développement des logements intelligents. Bosch Thermotechnik a annoncé à ISH que toutes ses nouvelles pompes à chaleur parleraient directement EEBus.
Chez Vaillant, le régulateur multiMatik fait office de box compatible EEBus. Même Viessmann prévoit des box compatibles EEBus en 2018. On s’oriente donc outre-Rhin vers un monde de box propriétaires – celle de de Vaillant, de Viessmann, etc. – qui parlent sur un réseau TCP/IP dans le logement à d’autres box compatibles EEBus. En dessous de sa box, chacun fait ce qu’il veut.
Tous les participants à EEBus dans un univers précis – éclairage, chauffage, etc. – participent au développement de Spine pour leur métier. Ces nouvelles Spine sont régulièrement ajoutées au dictionnaire commun EEBus. Les box compatible EEBus sont conçues pour être mises à jour automatiquement en ligne, au fur et à mesure du développement du dictionnaire.
Dans la domotique selon Vaillant, les composants de base, comme la tête de robinet de radiateur, communiquent vers la box Vaillant dans un protocole propriétaire. Cette box s’adresse ensuite aux autres systèmes domotiques du logement soit en KNX, soit en EEBus. ©PP
Le développement d’EEBus et de son modèle semble prometteur en Allemagne. Mais tout de même, les constructeurs ne mettent pas tous leurs œufs dans le même panier. La méfiance règne, la prudence est de mise. Vaillant, par exemple, propose aussi une solution de connectivité sous KNX filaire, mettant en avant le fait qu’il s’agit du seul protocole de communication standardisé présent dans le monde entier.
Vaillant utilise KNX dans le cadre de l’alliance Connected Comfort. Malgré son nom anglophone, il s’agit d’une alliance exclusivement allemande de 9 fabricants allemands : Gira, Dornbracht, Revox, Miele, Vaillant, Loewe, Brumberg (éclairage), Warema et Viega. Ces neuf marques développent en commun des scenarios, préchargés dans leurs divers objets compatibles KNX, pour améliorer le confort des logements haut de gamme.
Par exemple, un scénario règle la salle de bains selon le désir de chaque occupant : température, débit et rythme de douche (Dornbracht), lumière dans la salle de bains (Brumberg), position des protections solaires (Warema) dans la salle de bains, température (Vaillant), musique (Revox), etc.
KNX demeure le protocole dominant dans le bâtiment. Il existe en version filaire, sur TCP/IP et en sans fil. La déclinaison sans fil de KNX n’est pas très largement utilisée. Il semble qu’elle soit plus gourmande en énergie que d’autres protocoles comme ZigBee, par exemple. ©PP
Pratiquement tous les fabricants annonçaient à ISH la compatibilité de leurs solutions avec Echo et- Alexa, les composants de l’interface vocale d’Amazon. C’est sans rapport avec KNX, EEBus et tous les autres protocoles de communication du monde du bâtiment. Vaillant, par exemple, a rendu son régulateur connecté eRelax, compatible avec IFTT et Echo d’Amazon.
IFTT (If This Then That, si ceci alors cela) est un moyen de tenir compte d’évènements et de faire travailler ensemble des équipements divers. Par exemple, si une sonde détecte la présence de CO (monoxyde de carbone), la chaudière est mise à l’arrêt. L’interface de eRelax permet à son client de créer ses propres applications IFTT facilement : si les détecteurs de présence ne détectent personne, le chauffage est ralenti, par exemple.
Quant à la connexion entre le haut-parleur intelligent Echo d’Amazon et le régulateur eRelax de Vaillant, elle permet à l’aide de l’assistante virtuelle Alexa de commander le chauffage à la voix. Vaillant et Viessmann qui mettaient en avant cette possibilité à ISH restaient tout de même assez vagues quant à ses modalités pratiques : connexion en WiFi, en TCP/IP filaire, autrement ? Echoi et Alexa sont officiellement disponibles en Europe depuis avril. Nous devrions peu à peu en apprendre davantage.
Connected Confort rassemble 9 industriels qui développent en commun sous KNX filaire, des scénarios pour les logements de luxe. ©Revox