Dans le domaine de la construction bois, il n’existe pas en Europe, voire dans le monde, d’enquête nationale aussi détaillée sur le tissu des entreprises impliquées. Même si, pour des raisons de coût, cette enquête est effectuée en rythme biennal depuis 2012, la quatrième édition, portant sur l’année 2016, est éloquente.
Non seulement elle permet une mise en perspective, mais son taux extraordinaire de réponse (51%) ne laisse guère de doute sur sa pertinence. Ironie du sort, ces enquêtes avaient initialement vocation à documenter la percée de la construction bois en France, pas sa régression.
Et comme la progression des parts de marché semblait la plus prometteuse dans le domaine historique de la maison individuelle, le questionnaire s’est focalisé sur ce secteur. Il distingue entre les maisons individuelles en secteur diffus et en secteur groupé, tandis que le logement collectif regroupe, en vrac, l’habitat social, l’investissement locatif, les résidences, le logement intermédiaire ou collectif horizontal.
Surtout, il ne fait pas de distinction entre la construction tout bois et la construction mixte. Ce qui peut s’expliquer par le fait que, même en 2016, le domaine du collectif ne représente que moins de 9000 unités, soit une part de marché de 4,0 %. On retrouve une approximation semblable dans la ventilation succincte des bâtiments non résidentiels, pour les mêmes raisons.
Présentation de l’enquête au 120 avenue Ledru Rollin, le 6 juin. De gauche à droite : Eric Toppan (France Bois Forêt), Audouin de Gouvion Saint-Cyr (Codifab), Christian Piquet (France Bois Région) © JT
Les résultats de l’enquête 2016 corroborent ceux de BatiEtude, et les conclusions qui en ont été tirées à l’occasion de la journée UICB du 30 mai dernier. Une bonne part du marché de la maison individuelle a glissé vers des maisons plus petites à des prix toujours plus tirés, mettant la construction bois hors course de fait. La première maison « low cost » Premium d’Afcobois, inaugurée début 2014, anticipait bien l’évolution du marché (voir photo d’ouverture© JT
Le repli prend un caractère doublement symbolique, puisqu’en secteur diffus, la maison individuelle en bois repasse sous la barre des 10000 unités et, plus nettement encore, sous la barre des 10% de parts de marché. On était à 12% et pas loin de 15 000 unités en 2012.
Avec une part de marché ramenée à moins de 9% pour l’ensemble de la maison individuelle en termes d’unités construites, force est de constater que la construction bois reste dans ce secteur une niche, sans préjuger de l’évolution du chiffre d’affaires, des marges, de la rentabilité.
En 2014, il représentait exactement la moitié de l’activité de la construction bois dans le logement (toujours en termes d’unités), mais la tendance est nettement décroissante, même si les personnes sondées font état d’un bon optimisme pour 2017, notamment dans le secteur diffus.
Surélévation dans le 11e arrondissement de Paris, par l’entreprise Lifteam © JT
Dans le secteur de l’extension-surélévation, les parts de marché du bois augmentent nettement mais le volume reste presque stable. Indubitablement, le chiffre marquant, en termes de logements, est la progression du logement collectif qui se redresse pour tutoyer le nombre d’extensions-surélévations en bois.
La part de marché reste faible mais la marge de progression potentielle est considérable, et sur ce point, il est loisible de faire un lien entre l’évolution du marché et les efforts accomplis par la filière dans le cadre du Catalogue construction bois
Opalia, le R+7 mixte de l’architecte Steven Ware, illustre tout le potentiel urbain du bois aujourd’hui. © Steven Ware
Malgré des années calamiteuses, la situation reste globalement stable dans le secteur non résidentiel, en termes de surfaces réalisées. Le léger fléchissement du marché basique des bâtiments agricoles est plus que compensé par la surperformance tout à fait prometteuse dans le domaine des bâtiments industriels et artisanaux, qui remonte au niveau de 2012. Notons que pour tous les secteurs de la construction, le solde d’opinions est positif, voire très positif pour ce qui concerne les perspectives en 2017.
Même si la charpente a été réalisée par l’entreprise allemande Hess Timber, le nouvel auditorium de la Seine Musicale est une merveille de la construction bois en France. © CD92-Jean-Luc Dolmaire
Sacré filière ! Elle a fait face à une grave crise en maintenant globalement ses effectifs et son chiffre d’affaires, du moins si on prend en compte le périmètre de toutes les entreprises qui interviennent sur ce marché.
Ces spécialistes du bois ont tout simplement compensé quand ils le pouvaient la baisse du marché de la construction par d’autres activités. A ce jeu, les petites entreprises, sans doute plus flexibles, s’en sortent mieux que les grandes, à la fois en termes de chiffre d’affaires et d’effectifs.
La taille moyenne des entreprises du secteur reste largement supérieure à la moyenne du Bâtiment, mais la résilience se situe clairement du côté des entreprises artisanales. L’enquête ne révèle cependant pas l’état de la trésorerie de ces entités. Le bon sens et certains indices laissent penser qu’il n’est pas bon.
Ainsi, BatiEtude semble indiquer que le bois peine à profiter de la relance initiée en 2016. Les fournisseurs industriels se montrent également circonspects. Bref, la construction bois, qui reste plus que jamais dominée par la technique de l’ossature bois, est tout de même en train de changer de visage. Si elle est convalescente, un redémarrage de l’activité générale ne suffira pas et il faudra prescrire des vitamines voire envisager un traitement de choc...