©Cardinal Edifice
Afin de répondre aux défis de complexité accrue des chantiers mais aussi de délais et de budget serrés, la profession peut s'appuyer sur la méthode collaborative BIM (Building Information Modeling).
Le modèle BIM réunit des éléments de la modélisation 2D et 3D, donc les composants sont renseignés avec des données génériques de performances thermiques, acoustiques, de débit ou de puissance, etc.
En cours de projet, ces données génériques sont remplacées par des fiches produits jusqu'à aboutir à une maquette telle que construite (as build) qui peut être intégrée au DOE numérique.
Le BIM peut être demandé par la maîtrise d'ouvrage sur l'ensemble du chantier ou être imposé en phase travaux par l'entreprise générale. C'est le cas sur les nouveaux bureaux du Technopôle de Schneider Electric réalisé par l'agence d’architectes Arche 5 et livré fin décembre 2016.
Une maquette BIM détaillée telle que construite (as built) permettant d'assurer l'exploitation du bâtiment a été demandée par la maîtrise d'ouvrage. « Le projet n'a pas été géré en BIM mais Schneider Electric nous a demandé de valider la maquette fabriquée par l'entreprise générale GA.
Nous avons donc démarré le BIM sur ce projet avec Revit et maintenant tous les architectes de l'agence travaillent sur Revit », confie Laurent Bernard, architecte chez Arche 5.
Pour mener à bien leur projet BIM, la maîtrise d'ouvrage ou l'entreprise générale doivent définir un format d'échanges de données, une charte graphique et une nomenclature des objets et mettre en oeuvre un serveur informatique pour les échanges ainsi qu'une organisation pilotée par un BIM Manager.
Ces dernières années le BIM s'est diffusé vers l'aval en exploitation et en GMAO et vers d'autres métiers comme les économistes, les gestionnaires immobiliers, etc. Par ailleurs la démocratisation s'accélère y compris chez Autodesk à qui il était reproché un certain élitisme avec son offre commerciale Revit.
L'éditeur a annoncé sur Batimat un partenariat avec le portail e-BTP afin de rendre le BIM accessible aux TPE et PME de la filière bâtiment. « Il s'agit de trois niveaux d'offres d'abonnement, Revit LT, Revit Suite et la collection AEC.
Un prix préférentiel a été négocié pour les membres de la FFB afin de démocratiser la formation de cinq jours associée, ainsi qu'une réduction de 50% sur les services cloud de la suite 360 », détaille Olivier Bayle, spécialiste BIM chez Autodesk.
La multiplicité des intervenants sur un projet BIM pose la question du format d'échanges de données choisi qui peut être un format natif type Revit, Archicad, Allplan, Bentley... ou un standard comme la norme IFC dans une approche ouverte qualifiée d'OpenBIM.
Les IFC (Industry Foundation Classes) constituent une norme de formatage des composants BIM, dérivée de la norme industrielle STEP (ISO 10303) pour le secteur du bâtiment.
Pour définir la charte BIM, la maîtrise d'ouvrage peut s'appuyer sur COBie (Construction Operation Building Information), une méthode développée par les ingénieurs nord-américains permettant de recenser et de structurer un projet de construction avec un prototypage IFC de la maquette numérique, le rôle de chaque acteur du projet, la nomenclature, etc.
À l'occasion du chantier de l'Hôpital d'Ajaccio où la démarche BIM était inscrit dans le cahier des charges de la Maîtrise d'Ouvrage, BIM Cloisons a développé un configurateur BIM pour Siniat répondant aux besoins des métiers du plâtre et de l'isolation. © Siniat
De manière simplifiée, la maquette BIM est une collection d'objets géométriques 2D ou 3D, qui sont renseignés avec des attributs.
Les métadonnées décrivent l'organisation spatiale (dénomination des lieux, adjacence des locaux, etc) et indiquent le dimensionnement (longueur, débit, etc), les matériaux et les équipements utilisés ainsi que leurs performances thermiques et acoustiques, leur durée de vie, etc.
Le cahier des charges définit le protocole BIM du projet pour chaque étape et chaque intervenant en précisant les niveaux de détails de la représentation géométrique (LoD) et d'information (LoI) des objets BIM.
L'architecte va construire avec un logiciel type Revit ou Archicad une première maquette à la géométrie simplifiée et aux composants BIM génériques. Au fur et à mesure de l'avancée du chantier, cette maquette va devenir de plus en plus détaillée et renseignée par les différents intervenants travaillant avec leurs outils métiers (Tekla, ClimaWin, etc).
La qualité du processus de création des donnés est contrôlée, avec une traçabilité des ajouts et des modifications. « Pour passer au BIM, les architectes doivent s'équiper de solutions logicielles, il faut des applications de plateforme collaborative, que le processus soit coordonné par le BIM manager, que les logiciels des différents intervenants soient compatibles BIM.
La donnée doit être disponible, il faut suivre des formations et faire la conception en BIM. C'est assez lourd !! Rien que de devoir se former, c'est une révolution pour la profession », avoue Etienne Mullie, PDG de Bim&CO.
Les objets BIM génériques décrivant les portes, cloisons, menuiseries, ascenseurs, ventilo-convecteurs, etc utilisés jusqu'à l'appel d'offres sont ensuite remplacés par des objets fabriqués par les industriels.
Ces objets doivent être paramétrables avec précision afin de correspondre au chantier réel. Cela a mené certains industriels a développé leur propre configurateur d'objets BIM. Ainsi le fabricant Siniat propose pour ses clients plaquistes, Bim Cloisons, un configurateur très automatisé de cloisons avec ses ossatures qui a été développé sur le projet de l'Hôpital d'Ajaccio.
Autre exemple avec les gammistes alu Technal et Wicona qui ont lancé sur Batimat Tech3D et Wic3D. Ces configurateurs permettent de créer sur mesure les modèles 3D BIM pour Revit (ou en IFC) de tous les produits des gammes des fabricants en portes, porte-fenêtres, coulissants ainsi que les éléments composés comme les éléments non rectangulaires et les solutions de façades (mur-rideaux).
Configurateur de modèles 3D BIM Wic3D du gammiste alu Wicona © Wicona
À chaque étape, les maquette métiers renseignées sont modélisées par les différents corps d'état et sont uploadées sur la plate-forme collaborative centralisée des modèles et sont fédérées, facilitant la détection de clashs.
Outre la charte de modélisation, le protocole BIM définit le partage de responsabilités et la nomenclature, l'ensemble étant contractualisé en amont par la maîtrise d'ouvrage.
Un simple serveur ou un espace de stockage sur le cloud avec des échanges par ftp peuvent suffire pour gérer la maquette BIM du projet. De nombreux éditeurs proposent leurs solutions de collaboration spécialement conçues pour le BIM comme BIMserver.center (Cype France), Bim+ (Allplan), BIM 360 (Autodesk), BIMcloud (Graphisoft), Trimble Connect, BIM&CO ou BIMsight (Tekla) entre autres.
Typiquement les éléments de la maquette numérique sont uploadés en IFC et/ou en Revit sur le serveur et téléchargés en IFC ou en pdf.
Visualisation dans NavisWorks du Technopole de Schneider Electric à Grenoble. La maîtrise d'ouvrage a demandé le modèle BIM pour exploiter le bâtiment © Schneider Electric
Dans les faits, le process BIM destiné à améliorer la productivité et réduire les erreurs n'est pas toujours aussi fluide que souhaité.
Même si la géométrie 3D n'est pas indispensable pour faire du BIM, elle est souvent la première étape. Ce qui est recherché est la représentation paramétrique 3D à base de courbes et de formes créées avec des paramètres et des objets intelligents ayant des relations entre eux.
Par exemple un mur possède un intérieur et un extérieur et peut se voir attribuer des performances thermiques. Pour un utilisateur passer d'une modélisation en 2D sur Autocad à une modélisation paramétrique 3D type Revit demande d'investir en logiciels, en stations de travail plus puissantes, en serveurs et en formation.
La méthode de conception est différente d'autant plus que davantage d'informations additionnelles doivent être renseignées sur la maquette. « Un projet BIM modifie les tâches à effectuer mais typiquement les ingénieurs veulent passer du temps sur l'ingénierie et sur les calculs et ne souhaitent pas perdre du temps sur la gestion du projet », met en garde Jean-Paul Trehen, BIM Manager chez Egis et Référent Médiaconstruct.
Si la vague du BIM se fait chaque jour plus forte, seule une minorité de projets se font en BIM et le niveau de collaboration est très disparate. Trois niveaux de collaboration ont été formalisés.
Le premier niveau qui est le plus fréquent n'est pas vraiment du BIM avec une coexistence de données 2D et 3D, des corps d'état qui travaillent en silos et qui échangent ponctuellement des plans papier ou des fichiers numériques type pdf ou DXF/DWG...
Au niveau 2, de premiers objets BIM sont renseignés et plusieurs intervenants échangent entre eux les données 3D BIM de leurs maquettes. L'enjeu est d'arriver au niveau 3 du BIM qui se pratique déjà sur les gros projets hospitaliers ou d'ingénierie.
La maquette numérique globale centralisée sur un serveur fédère les maquettes métiers renseignées et devient le pivot des échanges bidirectionnelles avec les différents intervenants du projet.
Le BIM Manager est un chef d'orchestre nécessaire pour organiser au mieux le processus BIM et faciliter sa mise en place. Il est en relation avec les coordinateurs BIM. Ces experts BIM nommés par les différents intervenants du projet sont responsables de la maquette métier produite par leur agence ou leur entreprise.
Le BIM Manager utilise des outils logiciels spécialisés comme Navisworks (outil de révision de projet d'Autodesk), BIM Vision (visionneuse IFC gratuite) ou Solibri Model Checker d'Allplan pour la vérification de fichiers IFC...
Le fabricant de menuiseries K-Line a annoncé que 300 objets représentant ses produits sont téléchargeables sur BIMobject, modélisés en Revit avec paramétrage (couleurs, dimensions, etc) © K-Line
Les bénéfices du BIM sont censés être nombreux en permettant aux différents intervenants de consulter des plans et documents à jour, au bureau comme sur le chantier, sur tablettes et smartphones.
Chaque acteur de l’acte de construire concerné doit renseigner correctement la partie de sa maquette avec les bons composants BIM. La mutualisation au travers des projets des composants (les objets décrivant les produits, ascenseurs, fenêtres, etc) est une clef essentielle pour assurer la productivité du processus BIM et sa rentabilité.
Si les agences d'architecture se sont dans un premier temps créé leur bibliothèques internes de composants, la création et la fourniture de composants prêts-à-l'emploi constitue un marché en fort développement.
Les utilisateurs peuvent s'appuyer sur les composants génériques disponibles dans les logiciels des éditeurs. Les grandes plateformes web de catalogues de composants comme Polantis, datBIM de Pluristop, ArchiMaterial, BIM&CO, BimObject (Suède), BimServices, etc, proposent au téléchargement de très nombreux composants soit financés par les industriels, soit génériques développés par exemple avec l'aide des syndicats professionnels.
La productivité passe par la capacité à trouver le bon objet pertinent par rapport à son métier et à la phase du projet. « Pour Trace Software, un logiciel qui fait du calcul électronique, nous apportons un plugin Elec Calc BIM, qui fait la liaison entre les IFC et le calcul.
Le modèle peut être envoyé à la maquette au format IFC, par exemple le chemin de câbles calculé va être envoyé à l'architecte », explique Etienne Mullie, président de BIM&CO. Sur Batimat, l'éditeur a aussi montré l'intérêt d'un plugin pour ClimaWin avec des données produits Hitachi.
Leur métier est de structurer les données du fabricant en agrégeant les données catalogue, pour des plugins Revit, Archicad, etc avec des objets au format natif ou en IFC et avec une séparation entre la géométrie et les métadonnées.
« Il peut être intéressant que le fabricant utilise un groupe privé de notre plateforme collaborative pour faire tester à des bureaux d'études une version beta des données. Car il est vital que l'usage de la donnée corresponde au contenu fourni », résume Etienne Mullie.
Comment et quand avez-vous découvert le BIM ?
« Tout d’abord, pour notre métier de plaquiste, nous créons les plans 2D avec DesignCAD et AutoCAD et nos modèles 3D avec StechUp ou Blender. Dans le cadre d'un important projet de réhabilitation du CHRU de Nancy en marché public, nous sommes passés au BIM afin de proposer au Maître d'ouvrage une offre économique et un quantitatif d'ouvrage maîtrisé.
La rénovation porte sur les 4e et 6e étages de la Tour Marcel Brot avec deux fois 510 m2 de surface au sol. Pour ce premier projet nous avons confié la modélisation du BIM au bureau d'études BIM Cloisons de Karim Boureguig.
Comment s’est déroulée cette phase BIM ?
À partir des plans des locaux dessinés par les équipes du CHRU de Nancy, le bureau d’études a modélisé rapidement le modèle BIM des plafonds, des portes et des cloisons en plaques de plâtre BA 18 sur ossatures permettant d'obtenir un métré précis.
Une fois le marché négocié, nous sommes passés en phase BIM exé. La maquette a permis de publier automatiquement tous les tableaux d'analyse, de commande et d'approvisionnement des plaques, ossatures et fixations ainsi que tous les plans d'exé et de calepinage.
Quels sont les avantages du BIM pour l’entreprise ?
Le BIM nous donne davantage de précisions dans la logistique du chantier pour organiser l'approvisionnement, le grutage, pour éviter d'avoir des erreurs et de se retrouver sur chantier avec des plaques en trop à redescendre.
Nous possédons un document de travail précis pour les compagnons, détaillant les temps de travail par zones et par postes, le stockage des pièces et le calepinage pour chaque cloison.
Ces documents nous permettent aussi de communiquer de manière plus rigoureuse avec la maîtrise d'oeuvre et les autres corps d'état par exemple pour les réservations.
Y aura-t-il une suite BIM pour vous ?
Au vu de ce projet, la maîtrise d'ouvrage par l'intermédiaire de Stéphane Deschamps, directeur des travaux du CHRU de Nancy, nous a confirmé leur volonté d'utiliser dans les mois à venir de plus en plus le BIM dans leurs projets et dans leurs méthodes de gestion des travaux neufs et de réhabilitations de leur parc immobilier, ainsi que pour la maintenance et l'entretien.
Pour notre part, les travaux vont démarrer mi-décembre avec une équipe de huit personnes. Nous nous sommes posés la question d'une formation en interne au BIM chez BIM Cloisons qui demanderait deux à trois semaines.
Mais le BIM ne nous sert actuellement que sur les grosses opérations et le risque est de perdre le bénéfice de l'apprentissage entre deux chantiers. Cette première expérience concluante est reproduite avec la même approche BIM sur de nouveaux projets en cours ».
Les éditeurs et distributeurs de solutions logicielles BIM proposent des packages incluant la licence et une formation souvent formatée sur une durée de 3 à 5 jours. Ces formations intègrent les bases de la pratique du BIM.
Par exemple Autodesk s'est associé au portail e-btp pour proposer une offre d'abonnement à tarif privilégié pour les membres de la FFB, à destination des TPE et PME de la filière bâtiment. Cette annonce intègre une formation optionnelle de 5 jours à 1499 euros.
http://www.e-btp.fr/offres/produits/AUTODESK/presentation_AUTODESK
Plus largement, pour l'ensemble des professions concernées par le BIM, des initiations aux fondamentaux du BIM sont proposées sur une journée comme au CSTB (790 euros), ou encore au Cerib (690 euros) qui propose une journée « comprendre le BIM et ses enjeux » destinée à la filière béton.
Les CAUE organisent aussi en région des cessions de deux jours adaptées aux architectes sur les principes du BIM. Une possibilité est aussi de suivre un Mooc gratuit en ligne. Sur sa plate-forme « Mooc Bâtiment Durable », l'Ademe propose un Mooc pour « comprendre les enjeux stratégiques du BIM, être capable de mettre en place une démarche BIM et intégrer la culture collaborative que cela implique ».
Pour les personnes destinées à devenir le référent BIM de l'entreprise, de nombreux centres de formation proposent des modules de 3 à 5 jours, pour lesquelles il faut compter entre 350 et 450 euros HT par jour et par stagiaire.
Ces modules de formation axés sur la réalisation du travail collaboratif d'un projet, intègrent la gestion de projet, le BIM collaboratif et la création de composants 3D personnalisés. Ils sont organisés plus ou moins à la carte, soit dans l'entreprise soit au centre de formation.
Certains centres de formations comme les Greta mettent en place des cessions de formation de 10 ou 12 jours, décomposées en plusieurs modules comme la modélisation simple, la modélisation complexe et la gestion collaborative de projet.
L'idée de ces formations plus longues est d'accompagner un utilisateur débutant sur un logiciel jusqu'à le rendre opérationnel pour démarrer un premier projet. Pour rappel en matière de formation continue afin de bénéficier d'une prise en charge, l'interlocuteur OPCA du secteur de la construction est Constructys.
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Bonjour, Pouvez-vous préciser que la 1ère image correspond au Centre de Soins Dentaires de Rennes et mentionner l'architecte svp: Atelier d'Architecture Alian Janiaud (http://www.janiaud-architecte.com/)