Le grand événement biennal de la filière française du bois s’ouvre sur de nombreuses incertitudes. La crise du chêne n’a pas fait émerger à ce jour le plan national feuillu, toujours en gestation. La ressource ligneuse française, notamment en chêne, semble moins abondante que précédemment estimée.
Côté construction, la loi ELAN est en plein débat, et des amendements pourraient infléchir ou non l’impact que ce tournant de la construction pourrait avoir sur le tissu des entreprises de construction bois. Le plan rénovation est paru mais manque pour l’instant de concret.
Le label E+C- est en révision sans visibilité. Le DTU 31.2 sur la construction bois arrive dans la dernière ligne droite sans avoir clarifié quelques points fondamentaux. Le plan 80 000 logements étudiants, qui pourrait stimuler la construction modulaire en bois, reste quasiment imperceptible. Les conséquences de l’incendie de Grenfell font craindre le pire aux projets de rénovation énergétique de façade.
Le Carrefour bat son plein, dopé par une conjoncture nationale et internationale favorable© JT
Mais il y a aussi du bon. La légalité du bois progresse à l’international. Le Brexit ne semble pas pénaliser pour l’heure les acteurs français. L’Europe du commerce du bois est manifeste au Salon avec la présence d’une cinquantaine d’exposants belges, par exemple. Le travail sur les essences alternatives à l’épicéa et au chêne progresse.
Surtout, les technologies actuelles permettent de multiplier les effets. Et cette année, plus que jamais, on sent qu’il ne s’agit plus tant de recréer un effet bois à partir du bois, mais que le matériau bois devient une matière de création, notamment sous des formes dérivées.
Mur en BauBuche de Pollmeier conçu par Simon Vorhammer.
Sur 560 exposants, on compte plus de 200 exposants étrangers, parfois regroupés en îlots. Que font les acteurs étrangers avec le matériau bois ? En principe, la même chose que les Français : des sciages, des panneaux, des poutres, des lames. Les machines de transformation sont partout un peu les mêmes et souvent européennes, elles conditionnent même souvent les innovations esthétiques.
Les habitudes d’emploi varient, mais sur un salon international de commerce du bois, ce n’est pas l’exotisme qui est mis en avant. Existe-t-il par contre une sorte de goût international ? A circuler dans les allées, on a bien l’impression que oui.
Les surfaces structurées sont omniprésentes, en bardage mais aussi et surtout en aménagement intérieur. De même, on aperçoit des panneaux de grandes dimensions qui gomment d’une autre manière le chant orthogonal.
La conjonction d’outils numériques et de produits reconstitués permet de s’affranchir de ces limites traditionnelles, et cela se constate comme nulle part sur le stand de Pollmeier, décoré d’une immense fresque structurée. Come la matière de base est un Lamibois de hêtre, les feuilles verticales de contreplaqué font disparaître le joint vertical et toute l’attention se porte sur le travail de la matière en 3D.
Nouvelle gamme de MADF teintés dans la masse chez Sinbpla.
La profondeur est également le maître-mot pour les panneaux à base de bois, avec cette année une ouverture sur la couleur. Valchromat n’est plus seul à décliner son offre magnifique de MDF teintés dans la masse et à surface uniforme et lisse.
L’importateur Sinbpla a trouvé une variante coréenne et va contribuer à ce que la couleur trouve enfin son droit de citer dans le domaine du bois. De même, les premières tentatives intrépides d’à plat très colorés proposés lors de la dernière édition par Avec le bois trouvent désormais leur relais chez d’autres acteurs du panneau, notamment du panneau acoustique qui s’efforce, par la micro-perforation, de sortir de son look convenu.
Même chez Lignalpes, nouveau nom de Lalliard pour l’offre industrielle, on tente l’apport de rouge sur des bois de récupération brossés et traités. Parmi les solutions expérimentales proposées aux visiteurs professionnels, à l’issue du premier jour, cette teinte rouge ne remporte apparemment pas l’adhésion mais cela ne fait que confirmer à quel point l’avancée vers la couleur va marquer les prochaines éditions, au détriment de l’effet bois traditionnel.
Du moins, ce qui semble fort en vogue, c’est d’associer un effet de matière bois avec un effet visuel inhabituel. Ceci est aussi la résultante d’évolution en matière d’impression numérique, qui devient performante sur du bois structuré.
Expérimentation complexe d’effets sur de vieux bois de charpente, chez Lignalpes.
Sur cette édition, on dénombre quasiment une centaine d’exposants qui se présentent comme scieurs, souvent à titre d’activité principale. Pour ces acteurs de la première transformation, le CIB est un lieu d’échanges privilégié est unique. De nombreuses affaires se nouent entre exposants, et les distributeurs européens viennent faire leur marché à bon compte.
Pour la première transformation, l’accès à la matière est essentiel. Dans le domaine du chêne, rien n’est réglé, et si un salon comme le CIB n’a pas vocation à montrer le manque, les effets insidieux de la pénurie actuelle devrait jeter une ombre sur les prochaines éditions du salon, estime certains exposants. Le cas de Raison Bois et Dérivés, qui exporte avec bonheur en Grande-Bretagne des charpentes de chêne en kit, n’est pas la règle.
Raison Bois et Dérivés, l’un des rares scieurs de chêne équipé d’une machine de taille à commande numérique, dont ce scieur normand fait un usage judicieux.
Que faire ? L’une des options les plus évidentes est d’économiser de la matière première. Chez Huot, par exemple, intégré depuis peu à Chêne de l’Est, l’idée a été de s’appuyer sur une norme produit existante pour proposer des parquets en chêne de 10 mm avec couche d’usure de 4,5 mm, à destination du marché de la promotion.
Dans le domaine de la menuiserie, les carrelets mixtes permettent de concentrer l’aspect chêne sur l’effet visuel intérieur, et d’y associer tantôt une âme plus accessible, tantôt des matières exposées invulnérable comme cet Accoya qui est vraiment omniprésent sur le CIB, décliné en lames de terrasse, en carrelets, en composant de façade, de portes…
Olivier Selleron, Holz Schiller, exhibe une solution de façade vitrée sur structure bois à face visible en chêne.
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven