Exactement huit tours de plus de 500 m de haut sont en service dans le monde, de la tour Taipei 101 (508 m et 101 étages) à Taipei à la tour Burj Khalifa (828 m et 163 étages) à Dubai (Emirats Arabes Unis).
Huit autres tours de plus de 500 m sont en construction, dont 5 en Chine, depuis Evergrande International Financial Center T1 (518 m – 112 étages) à Hefei (Chine) jusqu’à la seule tour de 1 km de haut en construction pour l’instant : Jeddah Tower (1000 m – 167 étages) dans le port de Jeddah en Arabie Saoudite.
Enfin, 24 autres tours de plus de 500 m de hauteurs sont à l’étude ou en développement dans le monde : depuis Fuzhou City 108 Building (518 m – 108 étages) à Fuzhou en Chine, jusqu’au prochain record mondial Burj Mubarak Al Kabir (1001 m – 234 étages) à Koweit City (Koweit).
Conçue par les architectes Adrian Smith + Gordon Gill Architecture de Chicago, la Jeddah Tower, dont l’ouverture est prévue en 2020, offrira 243 886 m² répartis en 252 étages. Elle disposera de la plus haute plateforme d’observation au monde 500 m² à 664 m du sol. © Adrian Smith + Gordon Gill Architecture.
Ces bâtiments très hauts posent toute une série de difficultés spécifiques et requièrent des technologies, des matériaux et des équipements particuliers, depuis les grues qui rendent concevable l’idée même d’entreprendre de tels travaux, jusqu’aux ascenseurs. Ces derniers doivent parcourir plus d’un kilomètre verticalement !
Autres difficultés à prendre en compte : les solutions pour évacuer rapidement des milliers de personnes sur plus de 100 étages en cas de danger de toutes natures, sans oublier la lutte anti-incendie. Enfin, il faut également penser aux solutions permettant aux façades de tels bâtiments de résister face à des conditions atmosphériques extrêmes, comme de fortes tempêtes et des ouragans avec des vents de 250 km/h.
Il n’existe d’ailleurs pas vraiment de code de construction pour de tels bâtiments. Ils sont en majorité construits dans le sud de la Chine, dans le Golfe Persique et aux Etats-Unis, des régions où vents de sable, ouragans et typhons ne sont pas rares. Les contraintes auxquelles ces tours doivent faire face sont définies à nouveau pour chaque projet, par un compromis technico-financier entre les promoteurs, les Bureaux d’Etudes, les architectes et les autorités locales. Cet article, fait le point sur les murs rideaux, pour commencer.
Dès le milieu des années 1970, une succession d’ouragans ont provoqué de forts dégâts. En 2002 au Texas, plusieurs façades en mur rideau ont été volatilisées par le passage d’une forte tempête. La fréquence et l’intensité des tempêtes croît d’année en année. La Floride et le Texas, notamment, ont adapté leurs codes de construction pour en tenir compte. ©CTBUH
Commençons par les risques supportés par les murs rideaux métal-verre qui constituent la solution standard pour équiper les tours de toutes hauteurs, partout dans le monde. Selon un article scientifique publié par le CTBUH, les premiers doutes quant à leur résistance mécanique sont apparus en 1974 après le passage du Cyclone Tracy sur la ville de Darwin en Australie.
Ils ont été accentués à la faveur du passage de plus en plus fréquents d’ouragans sur la Floride (Andrew en 1992, puis Harvey, Irma et Maria en 2017) et renforcés par la multiplication des ouragans sur l’Asie du Sud-Est – Philippines, Chine, Vietnam et Thaïlande - où se construisent les principales nouvelles mégalopoles du monde.
L’article ci-dessus liste les risques supportés par les murs rideaux en cas de tempêtes, ouragans et autres typhons. Le premier est le transport par le vent de débris solides qui heurtent les façades. Le second est la pression exercée par le vent à grande vitesse. A titre d’exemple, la Jeddah Tower a été calculée pour résister à des vents de 400 kWh à son sommet, ainsi qu’à des températures de surface des façades de 120°C.
Dow (ex-Dow Corning, le spécialiste du silicone) est très fier du fait que son mastic silicone pour Vitrage Extérieur Collé (VEC) Dowsil 993 a été retenu pour le collage structurel du verre, du métal et des autres matières du mur rideau de cette très très très haute tour.
Le troisième risque survient si la façade est percée suite à l’impact d’un corps transporté par le vent. Cela provoque en effet une très rapide succession de dépressurisation et surpressurisation qui résulte d’un vent fort s’engouffrant par rafales à travers une brèche dans la façade. Le dernier risque est l’eau. Une forte tempête s’accompagne le plus souvent de pluies diluviennes.
La Jeddah Tower contiendra 59 ascenseurs. Sa construction requiert de pomper du béton sur plus de 1 km de hauteur. © Adrian Smith + Gordon Gill Architecture
La tour Burj Mubarak Al Kabir est conçue comme une grappe de 3 tours, chacune avec une rotation de 45°C par rapport aux autres, de manière à mieux résister à la force du vent. © CivicArts / Eric R. Kuhne and Associates
Les standards nationaux et locaux développés en Australie, en Nouvelle-Zélande et en Floride après le passage d’ouragans destructeurs prennent en compte certains des risques énumérés ci-dessus pour prescrire la résistance des murs rideaux, mais aucun ne les englobe tous.
En ce qui concerne le risque de pluie diluvienne, la American Architectural Manufacturers Association (AAMA) a mis à jour en 2013 son standard volontaire AAMA 520-12 sur lequel s’appuient tous les concepteurs à la recherche d’ouvrants et de murs rideaux capables de faire face à des pluies diluviennes propulsées par des rafales de vents très violents. AAMA 520-12 ne couvre que ce risque particulier.
Face à l’impact de débris portés par le vent, les normes reconnues à la fois comme les plus sévères et les plus réalistes dans le monde, sont les deux standards américains ASTM E1886 et ASTM E1996. Ils portent bien sur la résistance mécanique des murs rideaux face à des débris de diverses dimensions portés par le vent et à la succession rapide de 9000 cycles de pressurisation/dépressurisation de la façade, mais les tests correspondants sont réalisés en ambiance sèche.
Deux normes internationales – ICC (International Code Coucil) 2015 et ISO 16932:2016 – ont transposé les exigences des deux standards américains. L'ISO 16932:2016 compte 20 pages et détermine la résistance des vitrages de protection aux risques naturels caractérisés par des simulations de tempêtes destructrices.
La classification est destinée à être utilisée comme base d'évaluation de la capacité des vitrages à ne pas présenter d'ouverture en cas de cyclone tropical au cours duquel les vents atteignent une vitesse de 50 m/s ou plus. L'impact par un ou plusieurs projectiles et les pressions différentielles statiques cycliques qui en résultent simulent les conditions représentatives des débris éoliens et des pressions observées dans le cas d'une tempête destructrice.
Les vitrages sont soumis à l'essai dans un châssis normalisé. La performance déterminée par la méthode d'essai est associée à la capacité du vitrage à ne pas présenter d'ouverture dans l'enveloppe du bâtiment au cours d'une tempête.
Le marché mondial des intercalaires pour verre feuilleté se réparti entre le PVB (environ 90%) et le ionoplast. Ce dernier est surtout connu sous la marque SentryGlas. Avec le jeu des recompositions industrielles, le groupe Kuraray a regroupé SentryGlas et d’autres marques sous l’unique marque Trosifol.
© DupontDow
L’article remarque enfin que les tests de résistance à l’impact de débris sont limités à certaines hauteurs de bâtiment et que la masse des débris prise en compte diminue avec la hauteur du bâtiment. Or, les tours sont de plus en plus construites les unes à proximité des autres, d’une part, et comportent de plus en plus d’étages ouverts aménagés en jardins accessibles tout au long de leur hauteur, d’autre part. Ce qui augmente la probabilité de débris détachés des tours alentours, heurtant les étages élevés d’autres tours.
Il semble donc prudent, dans ces conditions, d’étendre la résistance à l’impact à toute la hauteur des tours. Ce qui n’est pas sans répercussion sur les coûts des murs rideaux. Début 2018, avec l’aide financière de Trosifol – spécialiste des intercalaires pour verre feuilleté -, le CTBUH a lancé la rédaction d’un guide technique qui devrait en 2019 rassembler l’ensemble des recommandations pour concevoir, fabriquer, installer et maintenir des murs rideaux pour les tours de grande hauteur.
Du point de vue technique, la résistance des vitrages composés de verre feuilleté et trempé dépend des caractéristiques des verres, de la nature et de l’épaisseur de l’intercalaire utilisé pour le feuilletage et de la nature du système de fixation. Les standards américains testent le système complet.
La résistance à la pénétration d’objets portés par le vent dépend presque exclusivement des performances de l’intercalaire. C’est le plus souvent soit du PVB (PolyVinyle Butyral) ou du ionoplast. L’intercalaire évite l’éclatement des vitrages sous l’impact. Le PVB, depuis les années 30, est utilisé en épaisseur de 2,28 mm pour résister à l’impact de gros débris, en épaisseur de 1,52 mm pour de petits débris.
Environ 90% du verre feuilleté produit dans le monde utilise du PVB. Le ionoplast ou ionoplaste est apparu en 1998 chez Dupont de Nemours avec le produit SentryGlas. Depuis le 1er juin 2014, Trosifol du groupe Kuraray est l’unique licencié dans le monde pour la technologie et la marque SentryGlas. Le ionoplast est plus résistant et environ 100 fois plus rigide qu’un intercalaire en PVB et se comporte mieux sur une plage de température nettement plus large.
Le Ionoplast est utilisé pour de larges surfaces vitrées demandant une forte résistance mécanique. Le PVB est plutôt utilisé dans des vitrages avec cadre, tandis que le ionoplast convient bien aux verres feuilletés sans cadres. Dans notre prochain article consacré aux très hautes tours, nous examinerons la question des ascenseurs. Notamment dans la perspective de la conception de Mile-High Towers » : les tours de 1 mile, soit 1,6 km de haut.
Tous les intercalaires utilisés en verre feuilleté peuvent être formulés pour atteindre diverses performances, depuis le libre passage des UV pour les serres, jusqu’à un fort contrôle solaire pour les bâtiments de bureaux. © DupontDow