Le composite, le matériau parfait pour l’armature des ouvrages

Armature en fibre de verre Grand Paris Express. © Shöck Bauteile GmbH

Non sujet à la corrosion, le composite est le matériau parfait pour l’armature des ouvrages qui souffrent habituellement des dégâts du sel. Une révision de l’Eurocode va permettre d’utiliser plus facilement ce matériau.




Que se passe-t-il lorsqu’une armature en acier se corrode ? L’ouvrage se fragilise et des travaux très onéreux s’imposent. C’est par exemple ce qui s’est passé pour le pont de l’île de Noirmoutier, fraîchement rénové en 2024 pour 17 millions d’euros selon Ouest France. La problématique concerne tous les ouvrages confrontés au sel, c’est-à-dire en bord de littoral ou sujets au déverglaçage. Pourtant, cette problématique disparaît avec l’utilisation des armatures en composite, complètement insensibles à la corrosion.

Non sujet à la corrosion, le composite est le matériau parfait pour l’armature des ouvrages qui souffrent habituellement des dégâts du sel en littoral. Une révision de l’Eurocode d’ici 2026 ou 2027 va permettre d’utiliser beaucoup plus facilement ce matériau. Mais encore peu connu sur le Vieux Continent, il faudra du temps pour faire valoir ses qualités dans la construction.

 

 

 

Les multiples avantages des armatures en composite

Il existe différentes natures de fibre constituant l’armature en composite. La plus rencontrée est la fibre de verre mais elle se décline également en basalte, en carbone ou en aramide. Comparées aux armatures métalliques, les armatures en composite présentent une belle liste d’avantages :

– insensible à la corrosion (aux ions chlorure du sel de la mer ou du déverglaçage) ;

– Cinq fois moins dense que l’acier et donc plus léger ;

– Moindre conducteur thermique que l’acier ce qui permet d’éviter des ponts thermiques, par exemple entre les balcons et les façades ;

– Non magnétique, donc ne perturbe pas les systèmes radars pour les bâtiments de la défense ou pour la santé.

 

Armature en composite. La fibre peut être constituée de verre, de basalte, de carbone ou d’aramide. © SIREG / Barre glasspree

 

 

Néanmoins, ce matériau a quelques inconvénients : par exemple, il n’a pas de ductilité, est plus souple et ne peut, aujourd’hui, pas être façonné sur site (donc doit être préfabriqué en usine). Malgré ces quelques désavantages, les armatures en composite trouvent toute leur pertinence sur certains ouvrages. Elles sont ainsi massivement utilisées en Amérique du Nord, aux États-Unis et au Canada depuis une vingtaine d’années. Mais encore très peu en Europe…

 

 


L’Europe découvre à peine les armatures en composite

"En Europe, l’utilisation des armatures en composite se développe mais en est encore à ses balbutiements. La raison de ce retard est qu’on a privilégié l'amélioration de l’enrobage de béton plutôt que l'utilisation d'armatures additionnelles, du moins en France." ainsi que l'explique Sylvain Chataigner, expert sur les armatures en composite et directeur du laboratoire Structures Métalliques et Câbles (MSC) à l’université Gustave Eiffel.

Conséquence de cette sous-utilisation, les armatures en composite sont actuellement absentes des Eurocodes, la bible européenne sur laquelle s’appuient les bureaux d’études pour valider leurs projets. Les ouvrages se réalisent donc au compte-goutte sur le Vieux Continent avec des réglementations plus ou moins flexibles en fonction des pays.

En Suisse par exemple, la responsabilité est portée par le bureau d’étude ou l’ingénieur, ce qui offre un contexte plus souple par rapport à la France ou la responsabilité est portée par le bureau de contrôle.

En France, les armatures en composite sont très peu utilisées pour les installations permanentes. En application provisoire, elles ont été utilisées dans le chantier du Grand Paris Express en 2018 pour construire les puits des tunneliers. Étant voués à être percées, ces puits peuvent être plus facilement découpés lorsqu’elles sont construites en armatures composite plutôt qu’en acier.

 

Cage préfabriquée d’une armature en composite de fibre de verre réalisée avec Schöck Combar pour les travaux du Grand Paris Express (ligne 15, sud). © Schöck Combar

 

 

Image de synthèse d’une cage d’armature en composite pour faciliter la tâche des tunneliers au moment de percer les voies définitives. © Schöck Combar

 

 

 

Une révision imminente de l’Eurocode 2 en 2026 ou 2027

Heureusement, la cadre réglementaire évolue puisque l’Eurocode 2 est en cours de révision pour intégrer une annexe sur les armatures en composite. Cela signifie concrètement que les bureaux d’étude pourront se saisir de cette solution pour faire accepter beaucoup plus facilement leurs projets auprès des bureaux de contrôle. "L’Eurocode donnera des exemples de bâtiments, ponts passerelles avec des calculs associés pour servir de guide", explique Éric Pierrejean, le président du groupe JEC Composites, organisation consacrée à l’industrie des matériaux composites.

La nouvelle version de l’Eurocode 2 ne devrait pas être publié avant 2026 ou 2027 affirme Sylvain Chataigner, qui participe au groupe de travail pour sa révision. "Une première version de la future annexe sur les armatures en composite a déjà été proposée au niveau Européen mais elle doit encore améliorée avec les connaissances développées en France, notamment le guide récemment publié par l'AFGC sur le sujet des armatures composites."

Pour gagner du temps, le groupe de travail s’appuie sur la connaissance nord-américaine car les États-Unis ont déjà réalisé leur propre code il y a plus de vingt ans sur les armatures composite.

 

 


Des ouvrages possiblement moins chers

Une fois réglementées, les armatures en composite mettront probablement du temps à être intégrés dans les projets européens de construction. "Il faut que les gens connaissent les propriétés et prennent l’habitude de manier ces éléments. Il y a une phase de découverte puis les marchés s’ouvrent, c’est comme cela depuis 50 ans avec ce matériau dans d’autres industries", prévoit Éric Pierrejean. "Je ne suis pas sûr que les constructeurs aient encore bien compris l’avantage des armatures en composite", abonde Sylvain Chataigner. "Pour diffuser les cas d’usages déjà existants dans le monde entier, nous réalisons régulièrement des ateliers."

Pourtant, les armatures composites pourraient s’avérer compétitives. Bien qu’environ 10 % plus chères que leurs équivalents métalliques, elles nécessitent une moindre quantité de béton pour l’enrobage mais permettent surtout de réaliser des économies sur les outils de levage pendant la construction, grâce à leur légèreté. Côté environnemental, ce matériau induit une construction plus sobre car moins de béton équivaut à moins de matières (ciment, eau, sable… ) et un transport plus facilité.

Combiner des armatures métalliques et composite représente également une piste très pertinente pour introduire ce nouveau matériau. Les surfaces les plus proches des éléments corrosifs peuvent ainsi être en armature composite alors que les armatures métalliques peuvent être conservées pour les couches plus éloignées. "C’est comme ça qu’ont commencé nos collègues nord-américains en termes d’application", précise Sylvain Chataigner.

 

 


Les producteurs sont bien présents en Europe

On recense en Europe quatre acteurs prépondérants pour la production d’armatures en composite : l’Italien Sireg, les Allemands Schöck et Röchling et le Belge Basaltex. "À ce jour, il n’existe pas de fabricant français", précise Sylvain Chataigner, même si on peut évoquer le groupe Dextra, fondé par des Français mais basé en Thaïlande.

En attendant que la demande européenne devienne plus robuste, d’autres marchés offrent de belles opportunités aux producteurs. "L’Europe n’est pas la région du monde qui se construit le plus comparé à d’autres régions du monde comme le Moyen-Orient avec beaucoup de nouvelles constructions qui utilisent beaucoup plus les armatures en composite", analyse le président du groupe JEC Composite.

L’Arabie saoudite s’est ainsi illustrée avec la construction d’un énorme canal réalisé en armature composite de fibre de verre. Ayant impliqué plusieurs fournisseurs d'armatures composite (Dextra, Pultron…),le Jizan Flood Mitigation Channel s’étend sur 21 kilomètres et doit résister à l’eau de mer et autres contaminants corrosifs pour de l’acier.

 

Le Jizan Flood Mitigation Channel, méga-infrastructure en construction en Arabie Saoudite est réalisé avec des barres d’armatures en polymère de fibre de verre (GFRP) de l’entreprise Dextra. © IKKgroup.

 

 


Le renfort, l’autre utilisation du composite

Parallèlement aux projets de construction, la rénovation donne un fort potentiel à l’autre utilisation du composite dans le BTP : le renfort. Eux aussi intégreront la révision de l’Eurocode 2, mais contrairement aux armatures, les renforts en composite bénéficient d’un guide AFGC sur le sujet depuis plusieurs années. Leur utilisation est déjà beaucoup plus courante et facile à mettre en œuvre car il existe des avis techniques du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment).

Le chimiste français Arkema s’est associé avec l’italien Sireg pour développer les renforts en composite thermoplastiques. En 2023, Sireg a annoncé avoir réalisé la première reconstruction d’un pont à l’aide de matériaux composite. Le français Epsilon Composite est lui aussi positionné sur les renforts en composite. Les chantiers de consolidation offrent de très grandes opportunités à Paris et chez nos voisins italiens, où le renfort en composite s’est particulièrement développé comme protection sismique.




Source : batirama.com / Roman Epitropakis

L'auteur de cet article

photo auteur Roman Epitropakis
Roman Epitropakis est journaliste, spécialisé dans l'industrie et l'économie. Il couvre les thématiques de l'économie du BTP, les techniques de construction et la transition vers la construction durable et l’urbanisme durable.
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