Offensif et positif, Alain Maugard, président de Qualibat et promoteur de la qualification RGE, ne déroge pas de la voie qu’il trace depuis le milieu des années 2010. Devant quelque 120 des 300 auditeurs venus participer aux deuxièmes rencontres nationales, le 23 janvier dernier, il a présenté les résultats récents avec un panache gascon assumé : « Nous avons 10 % d’écarts techniques ; nous pouvons dire que c’est gagné à 90 % ! »
S’il focalise sur cette part de défauts emblématiques, le bilan présenté par les auditeurs devant leurs pairs est cependant inquiétant. Le groupe de travail sur les menuiseries extérieures relève des écarts flagrants sur des sujets aussi basiques que la ventilation des pièces de vie (pas de bouche, une bouche sur la menuiserie dans logement avec une double flux, pas de détalonnage des portes), l’étanchéité au périmètre des menuiseries (bouchage à la mousse polyuréthane, pas de joints de compression…).
Les auditeurs des entreprises de génie climatique mentionnent le défaut de certificat de conformité gaz – même par les entreprises « PG » (Professionnel du gaz) – le placement de la sonde extérieure des chaudières à moins de 20 cm du terminal de ventouse, l’absence de liaison équipotentielle des canalisations métalliques, le défaut de ventilation du local de la cuve fioul…
La VMC est parfois nettement négligée : rejet de l’air vicié dans les combles perdus, utilisation de gaines non calorifugées dans les zones non chauffées… Fortement promues, les pompes à chaleur révèlent une foultitude de manquements à l’installation, qu’ils soient d’ordre hydraulique (pas de disconnecteur, de désemboueur ou de ballon tampon), électrique, voire de conception (pas de note de calcul).
Le constat est parfois plus inquiétant lors de la présentation des non conformités techniques de la pose d’isolants et de l’étanchéité à l’air. Exemples : des isolants en polyuréthane sont « moussés » sur un conduit de cheminée sans aucun respect de la garde au feu ; un film d’étanchéité à l’air est d’abord scotché sur le conduit de fumée d’une chaudière au bois – certes, à double paroi isolée, mais très chaud –, puis largement découpé au cutter après la remarque de l’auditeur RGE… Double effet kiss cool.
Ces contrôleurs remarquent aussi les effets d’une mauvaise organisation des chantiers – l’électricien ou le plombier venant déplacer ou dégrader l’isolation et l’étanchéité à l’air précédemment posées –, le positionnement erroné du pare-vapeur du côté froid de la paroi, une construction de paroi opaque séparative perpendiculaire à une baie, un soufflage de laine dans les combles qui ne respecte pas les écarts au feu ou non complété de la création d’un chemin de service…
... une construction de paroi opaque séparative perpendiculaire à une baie, remarquée par les contrôleurs RGE.
Aux écarts techniques s’ajoutent des défauts dans la relation commerciale, essentiellement un manque de transmission d’informations techniques sur les produits et systèmes installés, ainsi que sur leur prise en main.
Les auditeurs en conviennent : ces cas extrêmes témoignent de méconnaissances des règles de l’art, DTU, règles professionnelles, voire des modes de pose contenus dans les avis techniques. Ils soulignent aussi que certains installateurs ont une « approche thermique insuffisante » et acceptent des défauts de préconisation sur demande des clients.
Exemple : le refus de bouches d’aération sur les menuiseries, la pose de capteurs photovoltaïques sous un masque solaire, « parce que c’était juste pour passer en RT 2012 ». Et s’ils connaissent les principes de mise en œuvre… certains ne les appliquent pas.
Alain Maugard a évoqué la nécessité d’une « remise en ordre » des secteurs de l’autoconsommation et du stockage d’énergie électrique, en raison de l'existence d'entreprises peu scrupuleuses des pratiques techniques et commerciales
En réponse, Alain Maugard suggère que l’audit de chantier « devienne plus pédagogique. L’auditeur parle “métier” avec l’entreprise, et il doit se préoccuper de savoir s’il connaît les règles de l’art. Ensemble, ils doivent discuter afin de travailler sur des points de vigilance. »
Pour utile qu’elle paraît, cette évolution vers une attitude « juge et partie » des auditeurs a cependant encore besoin d’une approbation des pouvoirs publics. Ce que le président de Qualibat dit s’employer actuellement à défendre auprès de l’administration.
Par ailleurs, la qualification de quelque 60 000 entreprises par Qualibat produit un véritable examen de l’état des connaissances de la filière construction. Avec les autres certificateurs, Qualit'EnR et Qualif'Elec, l’Ademe s’est saisi du sujet pour rédiger des fiches d’alertes sur les points techniques les plus critiques à l’intention de toutes les entreprises.
Quelles seront les innovations du RGE dans les prochains mois ? Alain Maugard cite deux pistes de réflexion. La première porte sur la prise en compte de la maquette numérique par les entreprises RGE.
« Sont-elles “fluent” en BIM ? », s’interroge-t-il ? Il ne s’agira certainement pas d’une qualification de métier à proprement parler, mais d’une mention BIM sur une qualification existante. » Il réserve le même traitement aux objets connectés, « transverses à de nombreux métiers pratiqués par les entreprises RGE, chauffagistes ou menuisiers. »
Plus largement, et en ce qui concerne plus directement Qualibat, il évoque aussi la nécessité d’une « remise en ordre » des secteurs de l’autoconsommation et du stockage d’énergie électrique. Ils font actuellement l’objet d’un véritable investissement de la part d’entreprises peu scrupuleuses des pratiques techniques et commerciales.
Enfin, en bon connaisseur du secteur et soucieux de voir se développer l’activité de rénovation énergétique des bâtiments, Alain Maugard porte auprès de l’administration l’idée d’un soutien continu des propriétaires.
« L’idée, pour parvenir à un niveau BBC Rénovation, est de définir un parcours et de récompenser à chaque étape, explique-t-il. Ainsi, ceux qui se lanceraient dans une première étape de rénovation énergétique pourraient se voir offrir un audit énergétique. »
À 400 € l’unité et à raison 100 000 audits annuels, la dépense serait de 40 M€ et pourrait être supportée par les certificats d’économie d’énergie – donc, les fournisseurs d’énergie. « À la clé, les bénéficiaires s’engageraient à réaliser les travaux préconisés dans un carnet de rénovation énergétique, avec une aide à chaque étape et un bonus en fin de parcours. » Une piste qui recevrait l’assentiment des partisans de la rénovation globale – en une opération –, et qui aurait déjà été approuvée par les organisations professionnelles.
Source : batirama.com/ Bernard Reinteau