Pièces de moins de 7 mètres carrés, appartements sans fenêtres, installations électriques dangereuses, cafards et humidité: cet ex-chef d'entreprise indien de 64 ans est poursuivi pour avoir loué pendant des années des appartements insalubres dans un immeuble du Bourget et un pavillon de Drancy divisé en logements dortoirs.
Assis sur le banc des prévenus depuis mardi aux côtés de sa femme, de son fils et de sa belle-fille, ce sexagénaire élégant, barbe longue et turban sur la tête, a assuré, en larmes, "ne jamais avoir profité de la nécessité de personne". "Ca fait 39 ans que je suis en France, au moins 10.000 personnes me connaissent", "les maires de Drancy et Bobigny me connaissent", avait plaidé dans sa langue maternelle celui qui s'était fait connaître en fondant un temple et en finançant la création d'un lycée sikh à Bobigny, en 2007.
Une centaine de victimes - aucune n'a déposé plainte - ont été recensées entre 2014 et 2018. Aucune n'était présente à l'audience. "Ce procès, c'est celui du sacrifice de la dignité humaine sur l'autel du profit. Ce procès, c'est celui du fléau que constitue l'habitat indigne et les marchands de sommeil, particulièrement dans le département de la Seine-Saint-Denis", a estimé la procureure, Julie Fraudeau.
En trois ans, le propriétaire aurait encaissé plus de 360.000 euros de loyers.La magistrate a requis contre lui 30 mois de prison dont 24 avec sursis, 50.000 euros d'amende, la confiscation de ses biens immobiliers et l'interdiction d'acquérir pendant cinq ans. Des peines de prison avec sursis ont été demandées contre son fils (18 mois, assortis de 20.000 euros d'amende) et ainsi que contre sa femme et sa bru (trois mois).
"On est loin du procès d'un marchand de sommeil, d'un monstre. Lui-même a connu des difficultés quand il est arrivé en France. Il n'a jamais pensé faire quelque chose de mal", a insisté l'avocate de ce "patriarche renommé", Azia Taj. "Quand vous êtes en situation irrégulière dans le 93, allez contacter une agence immobilière! Ces personnes ont besoin d'être hébergées", a-t-elle plaidé.
En Seine-Saint-Denis, plus de 28.000 logements sont "potentiellement indignes", soit 7,5% du parc privé, selon l'Institut d'aménagement et d'urbanisme (IAU) d'Ile-de-France. "L'habitat indigne tue. A Marseille, à Londres, mais aussi à Drancy ou Bobigny", a rappelé la procureure, soulignant que la Seine-Saint-Denis, un des départements les plus touchés par ce phénomène, détient un "triste record", avec un quart des intoxications au monoxyde de carbone enregistrées en France.
Début janvier, un ancien médecin a été condamné à trois ans de prison avec sursis et à une amende de 150.000 euros pour avoir logé une quarantaine de familles dans sa clinique. Le jugement sera rendu le 4 juin.