Smart City : une expérience pilotée par Siemens près de Vienne

Smart City : une expérience pilotée par Siemens près de Vienne

A Aspern en Autriche, Siemens mène un chantier expérimental de Smart City, à la fois sur les réseaux électriques et sur l’autosuffisante énergétique des bâtiments.




Cette expérience de Smart City se déroule à Aspern, dans la banlieue de Vienne, en Autriche. Le lieu était un ancien aéroport de l’Otan, désaffecté, sur lequel a été édifiée de toutes pièces, Seestadt, une ville nouvelle qui s’étend sur 240 ha.

 

 

Dans la banlieue de Vienne en Autriche, Seestadt est un quartier entièrement nouveau, construit sur une ancienne base aérienne de l’Otan. Le fait de partir d’une feuille blanche a permis de définir et d’installer dès le départ un réseau de distribution électrique intelligent. Le poste source HT/MT est étroitement instrumenté. Tous les postes de distribution MT/BT également, ainsi que chacun de leurs départs BT et chaque point de livraison en pied de bâtiment. Les données recueillies toutes les minutes sont la tension, la puissance appelée et le courant réactif. De manière surprenante, les opérateurs du réseau électrique se sont rendu compte que de multiples appareils électriques contiennent désormais des variateurs de fréquence, ce qui génère du courant réactif qui doit être compensé. ©PP

 

Connecter le réseau de distribution électrique et le réseau de données

 

Commencée en 2008, Seestadt a dès le début été conçu avec un souci d’interconnexion du réseau d’électricité, du réseau de chauffage urbain et du réseau de données. A l’horizon 2030, Seestadt abritera 20 000 habitants et 20 000 emplois. Logements, bureaux, commerces et écoles, ainsi que les ateliers municipaux, fournissent des données sur leurs consommations d’énergie, la température ambiante et la qualité de l’air intérieur.

 

Le monitoring, développé par Siemens, apprend de ces données, les agrège et détermine quelques heures à l’avance, en fonction de la météo et de la journée (semaine, week-ends, vacances, etc.), quelle sera la consommation d’énergie – électricité et chaleur – globalement et en divers points de la zone.

 

Avant de faire appel à de l’énergie produite hors zone, le gestionnaire de zone déploie en priorité les moyens qu’il contrôle pour satisfaire cette demande prévisible : production photovoltaïque – trois installations sur des bâtiments : 250, 110 et 29 kWc -, solaire thermique (75 + 90 kW), pompes à chaleur sur nappe phréatique (800 + 510 kW), délesteurs, stockage d’énergie sous forme d’eau chaude (40 MWh), stockage d’électricité en batteries (120 + 20 kWh), automates pour réduire le chauffage et le rafraîchissement sans nuire au confort des logements et des bureaux.

 

De plus, Siemens a développé des analyseurs de charge et de tension pour les antennes du réseau de distribution publique d’électricité. Ils permettent au gestionnaire de réseau de savoir, avec une très grande précision, minute par minute, quelles sont les charges appelées et quelle est la variation de tension dans les différents segments de son réseau.

 

 

Plusieurs centaines de logements participent à l’expérience du Smartgrid de Seestadt. Les occupants sont informés en détail de leurs consommations d’énergie, de la température et de la qualité de l’air intérieure, de l’hygrométrie. Ces données sont – anonymement – remontée au PC central du réseau, comparées avec le comportement des habitants – que se passe-t-il quand l’humidité relative augmente ? - et analysées. Le but est de modéliser le fonctionnement des installations techniques en regard du comportement des occupants pour proposer des programmations mieux adaptées, conduisant à une réduction des consommations d’énergie. ©PP

 

Dimensionner les réseaux

 

Le but est d’utiliser ces informations pour définir de nouvelles règles de dimensionnement des réseaux électriques, de manière à éviter surdimensionnements et surinvestissements. Le but de Seestadt est de constituer une sorte de laboratoire grandeur nature des futurs réseaux d’électricité et des futurs bâtiments à énergie quasi-nulle.

 

Il s’agit aussi de clarifier les responsabilités entre les différents participants à un Smartgrid, de manière à définir des rôles-types, dont les tâches, le coût et les conditions de rémunération seraient prévues et qui pourraient du coup être déployés en d’autres lieux, en Autriche d’abord, mais ailleurs en Europe également.

 

Les partenaires principaux de l’expérimentation Smart City de Seestadt, sont Siemens AG Österreich, Wien Energie GmbH (le producteur/distributeur d’électricité historique), Wiener Netze GmbH (le gestionnaire des réseaux d’eau, de chauffage urbain, de gaz et d’électricité) et AIT (Austrian Institute of Technology, une université technique).

 

En tant que partenaire industriel exclusif, Siemens a investi 38,5 millions d’euros, complétés par 4,5 millions d’Euros d’aides publiques. La rémunération du gestionnaire local n’est pas prévue dans l’expérimentation actuelle. Son coût est pour l’instant couvert par les principaux participants.

 

 

Seestadt comporte plusieurs installations de production photovoltaïques, dont la production fait l’objet d’une prévision à 12 heures et à 6 heures de distance, de manière à maximiser l’autoconsommation locale. Ce tout nouveau bâtiment de bureaux porte du photovoltaïque en bardage sur les façades et une installation plus traditionnelle sur le toit. ©PP

 

 

100 millions d’euros investis en 10 ans

 

La première tranche de l’expérimentation s’est terminée fin 2018. Elle a permis de développer les outils techniques nécessaires à la gestion du Smartgrid. Une seconde tranche a été lancée, au même endroit, pour la période 2019 – 2024, dans le but de clarifier les aspects financiers et commerciaux.

 

Cette seconde période s’accompagne d’un nouvel investissement de 44 millions d’Euros, complété par des fonds publics. Au total, environ 100 millions d’Euros auront été investis en 10 ans dans l’expérimentation Smart City de Seestadt.

 

Les buts de l’expérimentation ont évolué dans le temps, mais dès le début elle portait à la fois sur la gestion fine des réseaux d’électricité, de chaleur et de distribution d’eau. Début 2019, les organisateurs veulent vérifier s’il est possible de réduire suffisamment les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments pour atteindre une neutralité carbone et contribuer à l’objectif de neutralité carbone de l’Autriche en 2050.

 

Ils tentent aussi de vérifier la possibilité de construire et d’exploiter dans le temps des bâtiments à énergie quasi-nulle, comme le demande la Directive Européenne sur l’Efficacité Energétique des bâtiments.

 

Ils souhaitent aussi s’approcher d’un modèle technico-économique dans lequel chaque bâtiment devient un véritable acteur du Smartgrid, c’est-à-dire décide souverainement, jour par jour, voire d’heure en heure, de vendre ou de ne pas vendre sa production d’électricité au réseau, d’en acheter au réseau ou de consommer son stockage et son autoproduction.

 

 

Siemens développe des boîtiers analyseurs et des compteurs spécifiques pour renseigner très précisément l’exploitant du Smartgrid sur les conditions de fonctionnement de son réseau. ©PP

 

 

Des premiers résultats encourageants

 

Si l’ensemble du réseau électrique et du réseau de chauffage urbain de Seestadt, des sous-stations de chauffage urbain, dès les postes de transformation électriques MT/BT et jusque dans les logements, tous équipés de compteurs intelligents pour le chauffage et l’électricité, ont été smartifiés, ce n’est pas le cas de tous les bâtiments de la ville.

 

Durant la première phase de l’expérimentation, seuls trois bâtiments étaient smart : une école, un bâtiment de logements étudiants et un immeuble de logements collectifs. Au cours de la seconde phase, un bâtiment de bureau les a rejoints.

 

Occupé depuis le début du mois de septembre 2019, il contient un parking souterrain, des bureaux, un terrain de football sur le toit, ainsi qu’une cinquantaine de prises pour chargement rapide de véhicules électriques.

 

 

 

Les différents bâtiments comportent des équipements spécifiques : stockage d’eau chaude de grand volume, stockage d’électricité en batterie, délestages, … Le but est de juger de leur efficacité respective dans une stratégie de maximisation de la production et de la consommation locale d’énergie d’origine renouvelable, sans peser sur le confort des habitants. ©PP

 

 

Des bâtiments acteurs du Smartgrid

 

Les organisateurs tentent de développer les conditions permettant à une ville d’être entièrement alimentée en énergie par des ENR produites sur place. Déjà en 2018, le bâtiment de logements collectifs et le bâtiment de logements étudiants n’on pas fait appel au réseau de chauffage urbain auquel ils sont raccordés.

 

Avec leur propres équipements – production PV, pompes à chaleur, stockage d’énergie à la fois en batteries et sous formes de chaleur dans l’eau et dans la terre -, ils ont couvert leurs besoins de chauffage et d’ECS annuels et environ 70% de leurs besoins d’électricité.

 

Ensuite, Siemens a entamé le processus de pré-qualification technique, qui devrait aboutir en Novembre 2019, permettant à un bâtiment de devenir acteur sur le marché de l’électricité. En combinant équipements techniques de production, de stockage et de mesures, production d’informations et mise à disposition de ces informations dans un format défini, un bâtiment devrait pouvoir participer à un programme d’agrégation de productions décentralisée d’électricité.

 

L’analyse et la qualification sont menés par le ministère fédéral de l’énergie autrichien. Wien Energie est pressenti comme opérateur d’agrégation dans la région de Vienne. Wien Energie estime que si 20% des bâtiments de sa zone étaient équipés d’une production PV, cela pourrait générer un chiffre d’affaires annuel d’environ 30 millions d’euros, à partager entre les bâtiments producteurs et l’agrégateur.

 

 

Toutes sortes de bâtiments – logements collectifs, écoles, bureaux, commerces, ateliers municipaux – participent à l’expérimentation du Smartgrid de Seestadt. Siemens et Wien Energie veulent aboutir à un modèle spécifique d’équipement et de pilotage de ces divers bâtiments, qui soit reproductible à l’échelle de l’Autriche et ailleurs en Europe. ©PP

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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