Le bois va mieux. C’est en tous cas ce qu’il est ressorti de l’enquête nationale de la construction bois dévoilée en juin dernier (cf : encadré). Après avoir essuyé avec beaucoup d’inertie les affres de la crise du secteur du bâtiment qui s’est traduite par une année noire en 2016 : « en 2018, la construction en bois de logements collectifs a augmenté de 19,4 % et l’activité d’extensions-surélévations de 9,1 % », indique l’étude du secteur.
« À court terme, les entreprises prévoient une forte hausse de ces marchés qui n’ont véritablement décollé qu’en 2016 ». Avec peut être même des perspectives sur le plus long terme dans un marché mis en lumière par des réalisations emblématiques.
À Bordeaux (33), Hypérion née sous la plume de Jean-Paul Viguier et Associés, est un projet de tour R+9 qui mixte noyau béton et structure en bois. Et lui offre une merveilleuse vitrine.
Mais comme partenaire mixé avec d’autres matériaux, apportant ainsi à ces constructions hybrides le meilleur du bois le cas échéant : esthétique, isolations thermique et acoustique, sécurité incendie. Ou alors uniquement sur des bâtiments de moyenne hauteur de R+4 à R+15, soit jusqu’à 50 mètres, après que l’association Adivbois* a réalisé une étude afin de l’inscrire dans la demande réelle de ce marché, et dans ces capacités techniques connues.
Résultat : le bois devrait se tailler de belles parts dans le gâteau des Jeux 0lympiques d’été 2024 en se fondant à 100 % dans des bâtiments jusqu’à R+8 et partiellement au-delà. Objectif annoncé : 50 % de bois dans les constructions.
Notamment pour élever ces immeubles de moyenne hauteur, le bois en panneau à usage structurel (CLT) connaît un engouement. La preuve : toujours selon l’enquête réalisée dans le cadre de l’Observatoire national de la construction bois, le recours aux panneaux massifs pour la construction de bâtiments collectifs grimpe à 10 % en 2018, contre 4 % en 2016.
Et la maison individuelle n’est pas en reste. Au cours de la même période, les panneaux massifs atteignent 5 % contre 3 % auparavant. Néanmoins, avec des entreprises qui affichent une plus forte technicité pour l’ossature bois, ce système constructif reste encore largement leader : 84 % dans la construction de maison individuelle, 83 % dans les bâtiments collectifs et 75 % dans les bâtiments tertiaires.
RE 2020 : encore des efforts à faire
Si la construction bois voit rose, un frein reste à lever à l’aube de la prochaine Réglementation environnementale (RE) 2020 et son objectif bas carbone sous tendu par une dimension d’économie circulaire.
Certes, issu de forêts gérées de manière durable, ce matériau naturel affiche une image de produit écologique…. Image d’Épinal ? Certes, des projets mettent la lumière sur le réemploi. À l’image de cette ombrière éphémère de 175 m2 dans la maison des économies solidaires et innovantes Les Canaux à Paris (XIXe arrondissement) qui a utilisé 89,5 % de bois en réemploi.
Cependant, la gestion des déchets et du transport – tous les bois ne viennent pas de France, mais de l’Europe entière - demeurent pénalisantes pour la construction bois. D’ailleurs, elle travaille encore à affiner ses FDES (Fiches de déclaration environnementale et sanitaire) quand le principal débouché en déconstruction et réemploi est… celui du bois énergie. Une filière dédiée reste à construire pour répondre pleinement aux enjeux de la RE 2020 en donnant une véritable dimension locavore et recyclable au bois. |
Une embellie en bois sur le marché du logement
© F. Leroy
25 655 logements (maisons individuelles en secteur diffus et groupé et logements collectifs) ont été construits en bois en France en 2018, en hausse de 20 % par rapport à 2016.
Au total, la part de la construction bois dans le marché du logement (maisons individuelles secteur diffus et groupé, logements collectifs) s’établit à 6,3 % pour l’année 2018 contre 5,9 % en 2016, le nombre de réalisations en bois évoluant sur un rythme quasi-similaire au reste du secteur du Bâtiment. À noter dans ce contexte qu’avec un + 9 % en 2018 par rapport à 2016, le nombre d’extensions-surélévation en bois atteint son plus haut niveau de réalisations depuis 2012.
Un chiffre d’affaires de 1,9 milliard d’euros en 2018
Par ailleurs, 10 700 logements collectifs ont été construits en bois en France en 2018 contre 8 960 en 2016, soit une hausse de 19 %, dans un contexte national de progression du nombre total de mises en chantier de logements collectifs (+ 12-%).
Ce nombre de réalisations en bois peut intégrer du logement intermédiaire ou collectif horizontal ainsi que des réalisations mixtes bois-béton ou bois-métal. Ainsi, la part de marché des logements collectifs construits en bois s’établit à 4,3 % en 2018 contre 4 % en 2016. 2 080 entreprises sont présentes sur le marché de la construction bois en France, réalisant un chiffre d’affaires de 1,9 milliard d’euros HT en 2018, soit une hausse de 13 % par rapport à 2016, et employant 27 445 salariés. |
Interview de l'expertBenoit Cauchard, ingénieur ENSTIB, responsable technique menuiserie intérieure et agencement de l’Union des métiers du bois - Fédération française du bâtiment « La construction bois est inscrite dans une gestion durable des forêts »
Quelles innovations majeures marquent la construction bois ?
Benoit Cauchard : Le CLT pour les immeubles de moyenne hauteur va révolutionner la conception d’étages, de façades. Mais il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de bâtiments existants, écoles, gymnases, etc., sont en bois. C’est le premier matériau de construction depuis la nuit des temps. À noter aussi que de nombreuses innovations vont arriver sur tout ce qui touche au bien-être, au sensoriel, à la qualité de l’air intérieur. Certaines essences naturelles sont capables de neutraliser sensiblement les émissions de COV.
Quels sont les enjeux ?Se battre encore contre des idées reçues telle que celle qui porte à croire que la construction bois déforeste la planète. Ce n’est pas le cas. La construction bois est inscrite dans une gestion durable des forêts. Par ailleurs, nos innovations techniques aujourd’hui visent à se perfectionner sur les détails de la réglementation et de la normalisation.
Une nouvelle version du NF DTU 31.2 Construction de maisons et bâtiments ossature en bois vient de sortir. Dans un contexte de sécurité incendie renforcée, beaucoup de normes d’essais feu sont encore fondées sur un support béton. En construction bois, nous devons donc encore plus caractériser précisément les ouvrages. Une porte résistant au feu par exemple sera testée sur support plâtre ou béton, mais pas sur support bois sauf à passer par des procédures plus complexes comme les avis de chantier.
L’objectif est d’apporter les solutions pour fiabiliser la technique des entreprises et perfectionner encore plus les métiers.
Quels sont les vecteurs de croissance pour les entreprises ?
Nous avançons sur le BIM. La filière bois reste un des rares métiers où les produits sont fabriqués dans l’entreprise avec des bureaux d’études intégrés donc informatisés. Les entreprises moyennes réalisent déjà des projets en BIM ou semi-BIM (maquettes partielles sur quelques lots). Mais si les artisans et TPE veulent rester dans la course, il va vraiment falloir prendre le train des nouvelles technologies et se numériser. C’est un challenge à relever. |