Six instituts supérieurs de formation d’ingénieurs de la construction bois répartis sur cinq pays et deux continents ont créé en 1994 le Forum IHF pour permettre à leurs jeunes diplômés de montrer leurs talents.
Un quart de siècle plus tard, le Forum est devenu une grosse machine qui draine, au fil de ses manifestations réparties dans un nombre toujours croissant de pays, près de 7000 congressistes par an. Traditionnellement ancré dans la station de ski allemande de Garmisch-Partenkirchen en Bavière, juste avant le démarrage de la saison d’hiver, le navire amiral de cet ensemble de congrès avait atteint depuis des années déjà son point de saturation, plafonnant à 1700 participants.
A l’occasion de son 25e anniversaire, ce Forum s’est déplacé au palais des congrès d’Innsbruck, qui lui va d’emblée comme un gant. D’un coup, le nombre des participants a fait un bond, passant à quelque 2450 congressistes. Selon Uwe Germerott, qui tient depuis des lustres les rênes de la manifestation, et coordonne les congrès satellites, l’urgence climatique semble booster la fréquentation de tous les Forums du réseau.
Ainsi, en octobre dernier, le Forum de Cologne, orienté vers l’architecture bois, est passé d’un coup de 700 à 800 congressistes. Pour l’édition d’avril 2020 au Grand Palais, la dixième édition du Forum français FBC attend pour sa part 2000 congressistes, sans compter les visiteurs du grand public.
Le Forum d’Innsbruck se place dans la continuité de la formule de Garmisch, avec une forte présence des pays germanophes, mais tout de même un esprit d’ouverture internationale nourri notamment par l’interaction avec le Forum français.
A noter le retour de la traduction simultanée en français pour toutes les conférences dans l’immense salle Tyrol, ce qui a bien facilité la compréhension de la mission d’études de 25 personnes que Nicole Valkyser, l’organisatrice du Forum français, a acheminé comme chaque année, en bravant les grèves des transports.
L’espace d’exposition, nettement plus vaste, a permis de réunir un concentré unique de l’offre technique du secteur. Les exposants sont très souvent aussi des acteurs du marché français. Qu’y constate-t-on ? Les solutions élastomères de correction acoustique se multiplient et se banalisent, alors que leur usage reste confidentiel en France où elles servent au mieux d’appoint pour apporter quelques décibels permettant d’assurer une conformité de l’ouvrage à la NRA.
Les solutions d’assemblage de panneaux en CLT sont toujours en phase de diversification, tout comme celles de fixation d’ouvrage sur les panneaux. La protection des ouvrages en phase travaux, notamment des constructions édifiées niveau par niveau avec des planchers en CLT, est un sujet international qui suscite des réponses de plus en plus variées.
Il s’agit non seulement de protéger le panneau supérieur exposé aux intempéries, mais aussi d’éviter que l’eau ne pénètre aux étages inférieurs, en créant le plus vite possible une sorte de hors d’eau, sans recourir au chapiteau trop onéreux, même dans la zone de prospérité qui entoure les Alpes.
Jamais à court d’idées, l’Autrichien Knapp, roi des assemblages cachés, développe une option originale et élégante pour assembler des parois en CLT. ©JT
On retrouve également, comme au Forum français, une juxtaposition de deux milieux finalement complémentaires : le premier regroupe les grands acteurs industriels, le second, moins présent à Innsbruck, ceux de la frugalité.
Côté industrialisation, l’idéologie du hors-site est toujours très présente, surtout dans la tête des intervenants, moins parmi les stands. La frontière entre le camp industriel-productiviste et le camp alternatif de la neutralité carbone n’est pas aussi tranchée qu’on pourrait le croire. Ainsi, une visite de la nouvelle extension du site tyrolien de production de lamellé-collé de Binderholz, par la délégation française, a révélé les capacités du groupe à développer l’acheminement des colis par chemin de fer.
Binderholz investit beaucoup de temps et d’efforts pour fluidifier ce mode de transport bas carbone, notamment vers la France, et joue un rôle de pionnier européen en la matière. Chaque pays demande des efforts spécifiques et des délais. Pour autant, Binderholz livre déjà intégralement par voie ferrée en Norvège, où cela fait partie il est vrai des exigences réglementaires.
A l’inverse, un acteur frugal comme Agaton industrialise la tendance BTP (bois-terre-paille) avec des panneaux calibrés à base d’argile. De son côté, Thermo Natur commercialise des panneaux à base de toiles de jute utilisées pour le transport du cacao.
L’acteur historique suisse de la machine pour la construction bois, Krüsi, propose avec sa fraise rotative BF-19 une solution simple pour recycler des chutes de hêtre en dalles techniques pour le chauffage au sol. Enfin, le grand constructeur bois bavarois met en avant sa réalisation du siège social de Alnatura, à Darmstadt, caractérisé par d’incroyables murs porteurs en argile compacté montant jusqu’à 16 mètres et de multiples solutions faisant intervenir le recyclage de matériaux.
L’alliance entre la frugalité et la fonctionnalité est illustrée par VHE. ©JT
La mixité est également un sujet international qui se couple parfois avec la frugalité, à l’exemple de l’offre originale de l’Autrichien VHE, qui crée des dalles de plancher collaborant à partir de grumes équarries retranchées, tirant partie de la géométrie des sections de bois.
Dennert associe la construction bois à des planchers alvéolaires en béton, tandis que Rothoblaas déploie ses solutions pour la mixité bois-acier-béton. La question de la protection incendie des ouvrages reste bien présente malgré des réglementations qui varient même d’un Land allemand au Land voisin, comme si le bois ne brûlait pas de la même manière partout.
De même, à cause de l’insuffisante convergence des conditions d’essais dans les laboratoires, les industriels doivent multiplier les certificats. Le problème semble bien être de plus en plus non les solutions techniques qui se multiplient à l’exemple de l’offre de Hilti, à peu près complet en matière de traitement des traversées de parois, ou des traitements de surface du CLT comme ceux proposés par Nord Treat, ouvrant en principe la voie au maintien de paroi visibles.
Le problème de la protection incendie émane surtout des laboratoires qui veulent abusivement exploiter cette manne financière au maximum, sous couvert de garantir la sécurité des usagers. A cause des freins endémiques à la filière bois, certaines pistes sont encore insuffisamment explorées, comme celle des façades colorées en bois ou le recours plus systématique à des solutions biosourcées.
Les panneaux d’argile en qualité de fournitures industrielles sont une réalité chez Agaton. ©JT
Le 25e Forum IHF n’a pas vu défiler des sommités politiques et n’a pas versé dans les paillettes, conservant autant que possible son climat convivial particulier, où tout le monde se connaît et se retrouve, sans chichis, où les jeunes côtoient et questionnent sans difficultés les plus grandes pointures mondiales de la profession.
Pour l’heure, les organisateurs n’ont pas fait le choix d’utiliser cette plateforme comme une arme médiatique pour peser dans les débats autour de la construction neutre en carbone, face aux filières traditionnelles qui se défendent pied à pied. En tout cas, les organisateurs se mettent en position de faire face aux polémiques à venir en position de force.
Impressionnante mise en scène de la résistance au feu des trémies du bois massif grâce aux solutions d’Hilti. © JT
Source : batirama.com / Jonas Tophoven