Ce thème qui interpelle à plus d’un titre « La forêt et le bois vont-ils sauver la planète ? » a commencé à nourrir les débats organisés par l’interprofession francilienne du bois, Francîlbois, à la Cité fertile de Pantin.
Pas moins de 250 personnes s’étaient inscrites pour participer à cette journée complète de réflexion autour d’une future charte qui sera mûrie d’ici avril à l’occasion de plusieurs demi-journées. La version définitive devrait être officiellement signée au Grand Palais le 16 avril sous la grande voûte, lors de la tenue du Forum International Bois Construction
L’objectif affiché par le président de l’interprofession régionale du bois, Paul Jarquin, est de parvenir à massifier la construction bois et biosourcée dans un contexte climatique dramatique qui ne laisse selon lui aucune alternative au monde de la construction.
Photo de groupe des adhérents de l’interprofession francilienne Francîlbois, réunis le 13 janvier à la Cité Fertile de Pantin. ©JT
A cette fin, l’interprofession a choisi d’élaborer une charte en s’appuyant sur les attentes et suggestions des acteurs de la filière bois, en optant pour une session de départ presque ludique, dans un cadre original et en parfait contraste avec le monument où se tiendra le Forum dans trois mois exactement.
Ainsi, après une présentation générale, les participants ont été répartis ad hoc en quatre groupes thématiques comme « la construction neuve », « la réhabilitation », « l’intégration des matériaux biosourcés » et « la traçabilité de la ressource ».
A la suite de ces ateliers parallèles, les participants ont eu la possibilité de réfléchir sur les thèmes complémentaires, puis, une séance de restitution s’est concrétisée par l’affichage de proposition pour les quatre sujets de réflexion, en mode dazibao.
L’après-midi a donné lieu à l’organisation de trois « controverses » qui n’en étaient finalement pas vraiment, mais plutôt des tables rondes : l’une regroupant des élus, la seconde tentant de concilier « une logique écologique de préservation de la forêt et une logique économique de développement de la construction bois ».
En guise de bouquet final, l’ancienne ministre Emmanuelle Cosse, la présidente de l’Ordre des Architectes d’Ile-de-France Christine Leconte et Ariane Bouleau Saide du promoteur public PariSeine, ont débattu du projet commun possible entre forêt et construction bois.
C’est Brice Lefranc qui a tenté depuis le début du siècle de créer à la force du poignet une interprofession francilienne reconnue de la filière bois, au même titre que les autres interprofessions regroupées au sein de l’association France Bois Région.
Ses efforts ont finalement débouché en 2013 sur une existence institutionnelle de Francîlbois, et en 2015 à la signature d’une première Charte Bois Construction Publique Exemplaire qui avait alors engagé une dizaine de bailleurs régionaux à construire en bois.
L’émergence d’une interprofession francilienne sans tissu d’entreprises comparable aux autres régions, mais canalisant un grand nombre d’interventions d’acteurs provinciaux, ne fut pas du goût des autres interprofessions. Brice Lefranc dut jeter l’éponge, l’interprofession vivota sous la présidence du charpentier Sébastien Méha avec des moyens dérisoires.
Depuis mars 2019, le promoteur Paul Jarquin a repris la présidence de l’association. Il ne s’agit pas tant pour lui de la stabiliser que d’en faire à marche forcée un outil de transformation systémique de la construction en Ile-de-France.
Objectif assigné et chiffré : créer 3000 nouveaux emplois dans la filière forêt-bois francilienne d'ici 2021 et accompagner les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de leur plan climat et stratégie bas carbone.
Le jeune promoteur francilien du bois que personne n’attendait, un temps responsable communication d’AdivBois, organisateur d’un Printemps du bois à Paris avec la bénédiction de l’adjoint à la maire Jean-Louis Missika, semble avoir trouvé l’instrument adapté à son ambition citoyenne. Selon lui, la première charte a eu l’intérêt de susciter la réalisation de prototypes.
La nouvelle charte doit élargir le cercle à tous les acteurs de la construction et permettre de massifier enfin l’architecture biosourcée face aux pratiques constructives actuelles qui tiennent, il faut bien le dire, de la criminalité écologique.
Sous l’impulsion de Paul Jarquin, Francîlbois s’est doté d’une nouvelle structure, dont la Déléguée générale, Céline Laurens, vient fort opportunément de la Solideo.
Belle prise de risque prolongée dans la préparation de cette journée d’ouverture qui a bravé les grèves, les intempéries prévisibles pour un 13 janvier dans un local non chauffé, et les risques associés de démobilisation dès lors que les Parisiens doivent passer de l’autre côté du périph’.
L’association a trouvé les financements, y compris pour publier une épaisse brochure intitulée « Histoires de forêt et de bois – Le réseau des acteurs de la filière forêt-bois en Ile-de-France ». De fait, on y présente généreusement les membres de l’association, en allant de l’amont forestier jusqu’à l’aval et ses nombreux architectes.
Ainsi sont choyés les premiers fidèles, et lors de la journée, trois nouveaux adhérents ont eu l’occasion de se présenter, à savoir la puissante RIVP, le scieur, transformateur et négociant PiveteauBois, et l’agence Moon.
Beaucoup d’idées pour rédiger une nouvelle version de la Charte Bois Construction Publique Exemplaire. ©JT
Si Francîlbois n’apparaît pas (encore) sur le site de France Bois Régions, c’est une question de mise à jour. La querelle semble bien enterrée, mais la grande question reste de savoir comment s’y prendre pour développer enfin la construction bois et biosourcée au-delà des annonces et des beaux discours.
Un début de réponse est apporté par le président lui-même, qui a eu l’occasion de prouver ponctuellement qu’une telle évolution est possible. De là à massifier, il y a un grand pas que l’évolution climatique impose, certes, mais que la réalité du monde de la construction ne cesse de remettre en question.
Exemple : le Village olympique des Jeux de Paris 2024 qu’on croyait acquis à la construction bois, fait actuellement l’objet d’une offensive du béton « bas carbone ». S’y ajoutent les nombreux a priori parisiens contre la construction bois « qui brûle, qui utilise du bois venu d’on ne sait où, en décimant les forêts, avec de la colle e »…. Au point qu’on pourrait penser que le biosourcé, selon l’adage, « n’a aucune chance, mais qu’il faut la saisir ».
Luc Charmasson, président du Comité Stratégique de la Filière Bois (au second plan Paul Jarquin et Céline Laurens), visiblement inquiet quant à l’issue de la bataille de prescription du Village olympique. © JT
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven