L’économie circulaire est un thème de plus en plus présent. En discussion depuis juillet 2019, la première loi française sur ce sujet a été adoptée définitivement par l’Assemblée Nationale le 21 janvier.
Sans attendre, l’AFPAC (Association Française des Pompes à Chaleur) avait demandé à l’Institut National de l’Economie Circulaire (INEC), une étude sur les pompes à chaleur et l’économie circulaire. Le résultat a été présenté par l’INEC le 23 janvier.
Premier enseignement, les pompes à chaleur utilisent de l’énergie infiniment disponible dans l’environnement, l’amplifient et en restituent jusqu’à 5 fois plus. Une donnée connue. En plus, ajoute l’INEC, les Pac, par nature, valorisent les énergies fatales. C'est une donnée moins connue.
On connaît une petite vingtaine d’installations de Pac eau/eau sur des eaux grises en logement collectif ou quelques modèles de chauffe-eau thermodynamiques air/eau sur l’air extrait. Une étude de l’AQC (Agence Qualité Construction), déjà ancienne (septembre 2014), sur le suivi instrumenté de 20 chauffe-eau thermodynamiques pointait justement le risque de mise en dépression des locaux où sont installés des chauffe-eau thermodynamiques sur l’air extrait.
Mais ça ne fait rien, parce que tout va changer en passant à « l’économie de fonctionnalité ». C’est une grande prescription de l’économie circulaire : vendre la fonction, le service, plutôt que l’objet. Appliquée à des équipements mutualisables, c’est d’ailleurs une vraie bonne idée. Par exemple, en ville, pourquoi être propriétaire d’une voiture s’il est possible d’en utiliser une quand nécessaire ? On réduit le nombre d’automobiles en circulation, chacune est davantage utilisée, etc., d’où une économie de matière puisque l’on fabrique moins de véhicules.
Appliqué aux pompes à chaleur, cette idée pousse l’INEC à prescrire de ne plus acheter de pompes à chaleur, mais de payer le service qu’elles rendent à un tiers-investisseur. Pourtant, y-aura-t-il quand même une Pac par maison ? Oui, mais elles seront entretenues, parce que le tiers-investisseur aura intérêt à les faire durer le plus possible pour rentabiliser son investissement au maximum. D’accord, mais que fait-on quand le propriétaire de la maison veut la vendre ? Ce sera prévu, naturellement.
Finalement, est-ce que ce ne sera pas nettement plus coûteux pour l’utilisateur ? Après tout, l’UFC-Que Choisir a publié une étude le 22 janvier montrant, pour le gros électroménager, que la LLD (Location Longue Durée) se révèle beaucoup plus cher que l’achat. Les surcoûts allant de 79% pour un téléviseur à 14% pour un ordinateur.
Certes, mais, une Pac bien entretenue consomme moins et l’utilisateur s’y retrouve ! En étant très généreux, la différence de consommation sera de 10% par an. Etant donné le prix de l’électricité, le temps de retour dépassera la durée de vie de la Pac. De plus, c’est le consommateur qui paiera le contrat d’entretien et le coût du financement de cet équipement.
Plusieurs représentants des organisateurs d’installateurs, dont Julien Barthou pour la Capeb et Jean-François Cerise de l’UMGCCP, ainsi que Roland Bouquet pour le Synasav, ont assisté à la présentation de l’INEC. Elle leur a rappelé de mauvais souvenirs tout récents, nés du développement des chaudières et des Pac à 1€. La location des Pac priverait l’installateur du contact commercial avec le client.
Pour réduire les coûts, le tiers-financeur aurait tendance à acheter des Pac en volume lui-même et à rémunérer les artisans au forfait pour l’installation. Bref, ils n’y sont pas franchement favorables. D’ailleurs, soulignait Julien Barthou, le client est le plus ouvent à la recherche d’un crédit pour lisser le paiement du coût d’installation sur un an, plutôt que d’une solution de LLD.
L’idée d’économie circulaire contient aussi celle de réparabilité, voire de ré-emploi. Là, très curieusement, Jean-Pascal Chirat, représentant la FNAS, se déclarait tout à fait prêt à transformer une partie des entrepôts des grossistes en stations de réparation et de remise en état de pompes à chaleur, qui seraient ensuite revendues, d’occasion, aux installateurs. Lesquels ont aussitôt délicatement expliqué qu’il n’y avait aucune, non vraiment aucune, demande de pompes à chaleur d’occasion de la part de leurs clients.
Sans compter que la loi les oblige à produire un certificat de performance, une étiquette d’efficacité énergétique, lorsqu’ils vendent un équipement consommant de l’énergie et qu’ils ne voyaient pas qui allait l’établir, ni comment et qui endosserait la responsabilité de la véracité des informations, sous-entendu : pas eux.
Certains adhérents de la FNAS, rappelait pourtant Jean-Pascal Chirat, avaient déjà mené avec succès une activité proche, en récupérant, testant et reconditionnant des régulateurs et des thermostats d’ambiance. Silence enthousiaste des autres participants.
Les fabricants présents, Daikin, Atlantic et France Energie, notamment, soulignaient qu’ils ne sont pas totalement étrangers aux prescriptions de l’économie circulaire. Pour la fabrication de leurs produits, ils sont parfaitement capables d’utiliser des métaux – cuivre, aluminium, acier – recyclés si leurs performances sont similaires à celles des métaux neufs.
De plus, soulignait François Deroche (Daikin), les fabricants sont capables d’utiliser des fluides frigorifiques recyclés dans leurs machines neuves, ainsi que dans l’entretien des machines existantes. Les progrès technologiques ont également conduit à une réduction de matière dans les nouvelles générations de Pac.
La généralisation du pilotage par inverter, par exemple, a modifié la conception des machines. Au lieu de deux, voire de trois compresseurs de puissances différentes pour fournir une variation de puissance par paliers, les constructeurs n’utilisent plus qu’un seul compresseur, piloté par inverter, garantissant en plus une variation de puissance continue dans une plage plus étendue.
Quant à utiliser des pièces d’occasion pour construire et réparer leurs pompes à chaleur, les constructeurs n’étaient pas très enthousiastes. D’abord, il n’existe pas de filière de récupération et de reconditionnement. Ensuite, la conception des composants ne s’y prête pas toujours.
Considérons par exemple les compresseurs. Autant il existe une filière et des entreprises spécialisées dans le reconditionnement de compresseurs pour groupes froids, parce qu’ils peuvent être démontés. Autant, les compresseurs hermétiques qui équipent les pompes à chaleur sont soudés. Il faut les découper pour accéder à leur mécanisme, éventuellement le réparer, puis souder à nouveau. Il n’existe pas de filière pour cela et il n’est pas certain que la résistance à la pression interne soit la même que pour un compresseur neuf.
En revanche, soulignaient les fabricants, la connectivité qui se généralise sur les pompes à chaleur permet, si l’utilisateur final l’autorise, de surveiller le fonctionnement à distance, de modifier des réglages à distance pour minimiser les consommations d’énergie, de détecter des anomalies, de prévoir les pannes avant qu’elles n’interviennent, d’identifier la pièce en cause, de la commander directement et de la livrer à l’entreprise de maintenance.
Oui, oui, c’est vrai, acceptait volontiers le représentant du Synasav, n’oublions pas toutefois le coût des fluides et des pièces. Il citait par exemple un prix de 100 €/kg pour le fluide (R410A), 300 à 1000 € pour une platine électronique, 500 à 1000 € pour un compresseur de pompe à chaleur, etc. Si le compresseur est à remplacer, ainsi que la platine électronique, plus recharge de fluide et main d’œuvre, nous sommes proches de 4000 €, soit le prix d’une Pac neuve.
Ce qui peut immédiatement faire penser aux opérations d’installation de Pac à 1€ pour les ménages très modestes, financées par l’Anah et les CEE, durant l’année 2019. Si la Pac tombe en panne, le ménage risque de se trouver face à des coûts de réparation qui dépassent ses possibilités financières.