Autoconsommation photovoltaïque collective : un pas en avant, deux pas en arrière !

Autoconsommation photovoltaïque collective : un pas en avant, deux pas en arrière !

La France est en retard sur ses objectifs de développement des énergies renouvelables. Pourtant, elle imagine régulièrement de nouveaux obstacles administratifs à leur développement.




Photo/ Source schéma : Urban Solar Energy

 

Pour commencer, rappelons quelques faits incontestables. L’électricité d’origine photovoltaïque est devenue la moins coûteuse, tous moyens de production confondus. En 2019, un appel d’offres au Portugal a généré une proposition de production d’électricité photovoltaïque à 14,76 €/MWh pendant 25 ans fin 2019.

 

Le coût de production des centrales électriques à gaz ou à charbon varie de 50 à 60 €/MWh. Le contrat signé entre Edf et le gouvernement britannique en 2012, pour la construction et l’exploitation de centrales nucléaires à Hinkley Point, repose sur un prix d’achat garanti de 92,5 £/WMH, soit environ 110 €/MWh.

 

 

 

ComWatt rappelle que l’électricité d’origine photovoltaïque affiche le meilleur prix, tous types de génération confondus. ©PP

 

Dans le même temps, le prix de revient du kWh nucléaire ne cesse de croître. Le contrat de Hinkley Point devait générer une marge d’exploitation de 9% pour Edf, cette marge est désormais descendue à moins de 7,6% en raison des surcoûts du chantier : c’est vraiment une surprise ! La mise en service des deux réacteurs de Hinkley Point doit intervenir en 2025. Si le retard dans la mise en service atteint 8 ans, la garantie de prix d’achat tombe et les deux centrales devront vendre leur production au prix du marché. Le mercredi 4 mars 2020, le prix de gros au Royaume-Uni était de 31,01 €/MWh à 14 heures.

 

Rappelons que l’EPR finlandais qui devait entrer en service en 2009 n’est toujours pas raccordé au réseau : 11 ans de retard pour l’instant. L’EPR de Flamanville, quant à lui, devait entrer en service en 2012 pour un coût de construction de 3 milliards d’Euros. Son raccordement au réseau est désormais prévu en 2022 – 10 ans de retard – pour un coût total dépassant 12,5 milliards d’Euros. Donc, il ne faut pas s’inquiéter pour les deux EPR de Hinkley Point, vraiment pas.

 

Pendant ce temps-là, le prix des panneaux photovoltaïques ne cesse de baisser, moins vite, mais sûrement. En moyenne tous les 20 mois depuis 20 ans, la capacité de production des panneaux photovoltaïque double et leur coût baisse de 20%. Voilà, le décor énergétique est campé. Passons au contexte réglementaire européen et français.

 

 

 

L’autoconsommation collective consiste à produire sur un ou plusieurs bâtiments et à consommer dans un ou plusieurs bâtiments regroupant plusieurs clients différents. ©PP

 

Seulement 16 opérations en autoconsommation collective

 

Le 21 décembre 2018, la refonte de la Directive (UE) 2018/2001 du Parlement Européen et du Conseil relative à la promotion de l’énergie produite à partir de ressources renouvelables a été publiée au Journal Officiel de l’Union Européenne. Elle a pour but de massifier la décentralisation énergétique. Plusieurs de ses attendus et de ses articles insistent sur le fait qu’il faut développer l’autoconsommation photovoltaïque, tant individuelle que collective. Et, surtout, éviter de créer des obstacles indus au développement de l’autoconsommation.

 

Cette Directive a été adoptée par le Parlement Européen et, à l’unanimité, par le Conseil Européen qui rassemble les Chefs d’Etat et de Gouvernement. Mais voilà, une fois revenus en France les représentant de l’Etat Français ont oublié ce qu’ils venaient d’approuver. Pourtant, nous ne sommes pas en avance, côté photovoltaïque. Selon enedis, à la fin du quatrième trimestre 2019, la France comptait 65 314 installations en autoconsommation avec injection du surplus et 13 119 installations sans injection du surplus, sur un total de 435 773 installations photovoltaïques raccordées au réseau.

 

En septembre 2019, toutefois, la France ne comptait que 16 opérations en autoconsommation collective. Le rythme progresse, nous serions fin février 2020 à une trentaine d’opérations en autoconsommation collective. Une opération d’autoconsommation collective apparait lorsqu’une installation photovoltaïque alimente plusieurs consommateurs : les appartements d’un immeuble collectif, par exemple, ou encore les bâtiments municipaux d’une localité alimenté par une installation photovoltaïque sur le toit des ateliers municipaux, etc.

 

 

 

Il n’existe plus d’obstacle technique à l’autoconsommation collectif. Plusieurs entreprises, dont Tecsol, savent compter, vérifier et répartir une production photovoltaïque entre plusieurs clients. Tecsol travaille sur ce thème avec enedis depuis 2017 pour adapter leurs outils informatiques respectifs et pouvoir généraliser ce type d’opérations. ©PP

 

Les obstacles administratifs et fiscaux à l’autoconsommations collective étendue

 

La Loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 a été prise pour transposer en droit français la Directive 2018/2001. Puis un arrêté a été publié le 21 novembre 2019 pour fixer le critère de proximité géographique de l’autoconsommation collective étendue (au-delà d’un seul bâtiment).

 

Premièrement, cette procédure est une expérimentation d’une durée de 5 ans. Après, on verra. Deuxièmement, la distance séparant les deux participants les plus éloignés ne dépasse pas 2 km. Troisièmement, les participants doivent toujours se trouver en aval du même poste de public de transformation d’électricité de moyenne en basse tension (Art L.315-2 du Code de l’énergie).

 

Quatrièmement, la puissance cumulée de production dans le cadre d’une opération d’autoconsommation élargie ne doit pas dépasser 3 MWc sur le territoire métropolitain. En revanche, cinquième point, le recours aux Tiers-Financeurs est désormais autorisé (art. 40 de la loi 2019/1147). Une opération d’autoconsommation collective est conduite par une Personne Morale Organisatrice (PMO), et les bailleurs sociaux peuvent désormais devenir PMO (art. 41).

 

Le producteur en autoconsommation collective - étendue ou pas – reste soumis à des taxes (CSPE) et au Turpe (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité). Ticfe + Turpe représentent environ 7 c€/kWh. Précisons la portée de cette obligation. Si un bailleur social décide d’installer une centrale photovoltaïque sur le toit d’un de ses bâtiments et de donner gratuitement l’énergie produites aux locataires de l’immeuble, ceux-ci devront tout de même acquitter TICFE + Turpe.

 

De plus, le Turpe comprend deux tarifications depuis le 1er août 2018 dans le cas des opérations d’autoconsommation collective : un tarif pour les flux d’énergie autoconsommés, un tarif majoré de 15% (Turpe + 15%) pour les kWh achetés au réseau. Les opérations d’autoconsommation collective ne sont pas exonérées de la TICFE (résultat de la fusion de la CSPE et de la taxe sur la consommation finale d’électricité), alors que les opérations en autoconsommation individuelles sont exonérées de la TICFE.

 

Enfin, les démarches administratives à accomplir auprès d’enedis sont extrêmement longues et complexes.

 

 

 

Le cabinet Huglo Lepage Avocats, Greenflex, Tecsol et ComWatt veulent que les mesures qui seront introduites à la suite de la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 sur l’énergie aillent bien dans le sens prévu par la Directive Européenne de décembre 2018 et ne contiennent pas de restrictions indues au développement de l’autoconsommation collective. ©PP

 

Alerte Ordonnances

 

La Loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 prévoit une dizaine d’ordonnances, plusieurs concernent le code de l’énergie, ses ordonnances seront accompagnées de décrets, eux-mêmes suivis d’arrêtés, … autant de textes que le gouvernement va rédiger seul dans son coin, même si les ordonnances doivent tout de même être approuvées par le Parlement.

 

Quoiqu’il en soit, le cabinet d’avocats Huglo Lepage – Lepage comme Corinne Lepage, ancienne ministre de l’environnement de 1995 à 1997 – a réuni une conférence de presse mardi 3 mars 2020 pour faire part de ses craintes. Avec leurs partenaires – ComWatt, Greenflex et Tecsol –,  Corinne Lepage et Andréa Marti, membres deHuglo Lepage Avocats, ont rappelé qu’ils fallait exercer la plus grande vigilance, convaincre les parlementaires pour éviter qu’à la faveur de ces ordonnances, décrets et arrêtés apparaissent de nouvelles restrictions.

 

Sébastien Delpont, Directeur associé de GreenFlex, a expliqué à quel point l’autoconsommation collective était naturelle et de bon sens, aussi bien en logements collectifs que pour un hypermarché et sa galerie commerciale. Tecsol a raconté ses laborieux efforts pour parvenir à réaliser de petites opérations en autoconsommation collective avec des municipalités très volontaires. ComWatt a fait miroiter un avenir, déjà techniquement possible, dans lequel une facture d’électricité ferait apparaître un solde entre ce qu’un bâtiment a acheté au réseau et vendu au réseau.

 

Bref, du point de vue technique, tout est prêt. Il ne manque plus qu’un cadre administratif et fiscal, même pas favorable, mais simplement non-pénalisant envers les opérations en autoconsommation collective. Tecsol a expliqué que nombre des études qu’il réalise pour ses clients échouent en raison du régime actuel du Turpe et de la TICFE. Si ces deux taxes étaient supprimées, les opérations en autoconsommation collective se multiplieraient.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
12 Commentaires
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  • par Pascal Poggi
  • 09/03/2020 08:44:03

Les prix affiches sont des prix de revient et des prix de vente. Si le mode de production est pilotable - centrale thermique et, dans une moindre mesure, centrale nucléaire -, cet aspect est valorisé implicitement. Il n'existe pas de barème de pilotabilité.

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  • par Yoann
  • 07/03/2020 22:06:40

Bonjour, Le prix des énergies affichés prend t il en compte le caractère pilotable ou non de ces énergies? Merci de votre réponse

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  • par Pascal Poggi
  • 07/03/2020 10:19:56

Critic Je veux juste souligner que le rendement global production/transport rendu chez l'utilisateur final sera bientôt plus important pour le photovoltaïque que pour le nucléaire. Mais naturellement, le PV a d'autres avantages : c'est une ENR, les panneaux en silicium cristallin peuvent être refondus en fin de fin pour refaire d'autres panneaux, c'est une énergie décentralisée, etc.

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  • par Critic
  • 06/03/2020 21:05:50

Pascal Poggi je ne comprends pas votre comparaison. Le PV fait de l'énergie avec un source inépuisable et gratuite. Peu importe le rendement du panneau, comme vous le dites les pertes en ligne sont minimes, c'est donc du 100% de rendement comparé aux autres solutions centralisées. Le soleil n'est pas une énergie primaire dans ce sens.

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  • par Pascal Poggi
  • 06/03/2020 17:09:50

A propos du stockage d'électricité L'idée de l'autarcie d'une maison - non-reliée au réseau - n'était pas abordée dans l'article. Cependant, plusieurs industriels développent des solutions d'autarcie à la fois pour des maisons individuelles et pour des bâtiments tertiaires, combinant PV, batteries, hydrolyse, production et stockage d'hydrogène sur site. Le prochain salon Intersolar, s'il n'est pas annulé, devrait en être la vitrine et nous vous raconterons les évolutions.

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  • par Pascal Poggi
  • 06/03/2020 17:05:59

Toujours à propos d’escroquerie intellectuelle Le développement des ENR, consommées localement dans le cadre d’une autoconsommation collective, offre aussi l’occasion d’améliorer le rendement global des systèmes de production/distribution de l’électricité. Une centrale nucléaire affiche un rendement de 33%, une centrale à gaz à cycle combiné atteint 58%. Les pertes du réseau transport + distribution sont évaluées à 30-33%. Lorsque l’on entre 100 en énergie dans une centrale nucléaire, le client final reçoit 22. Les meilleurs panneaux PV affichent pour l’instant des rendements nominaux de 17 à 20%, mais progressent d’année en année. Les pertes de distribution sont très faibles grâce à la consommation locale. Le croisement est proche.

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  • par Pascal Poggi
  • 06/03/2020 17:04:57

A propos d’escroquerie intellectuelle L’insulte ne fait pas avancer les débats. Le solaire photovoltaïque et l’éolien ne sont pas pilotables. Des solutions apparaissent pour les coupler à des stockages – en batteries, en production/stockage/réutilisation d’hydrogène, en remplissage de retenues derrière des barrages, … - et rendre l’ensemble production + stockage pilotable. Par ailleurs, tous les types de centrales thermiques ne présentent pas la même souplesse : une turbine à gaz à cycle ouvert démarre en 10 à 20 minutes, varie sa puissance de 20 à 30% en 30 secondes et peut atteindre un gradient maximal de puissance de 20%/minute. C’est la solution la plus souple parmi les centrales thermiques. Une centrale nucléaire, en revanche, démarre en 2 heures à 2 jours, selon le chargement du combustible, offre une variation de puissance maximale de 5% en 30 secondes et un gradient de puissance de 1 à 5%/minute. Ce n’est pas la meilleure technique pour maintenir l’équilibre du réseau.

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  • par Pascal Poggi
  • 06/03/2020 16:20:30

TURPE et TICFE En effet, ma phrase n’était pas assez claire. Je parlais du montant TTC de ces taxes. Calculer le TURPE est ultra complexe. Donc j’utilise l’étude annelle d’Eurostats. Selon Eurostats, en moyenne en 2019, le coût du kWh pour les clients domestiques français, était de 17,65 c€ TTC, abonnement compris. Ce montant se répartissait en 3 éléments : fourniture de l’énergie pour 37% du total TTC – seul poste sur lequel peut s’exercer une concurrence entre fournisseurs -, taxes (CSPE, taxes locales) pour 35% et coûts du réseau (TURPE) pour 28%. Les coûts du réseau correspondent donc à 4,942 c€ TTC, ils sont effet soumis à une TVA à 5,5%. Le CSPE, en revanche est plus simple à calculer. Depuis le 1er janvier 2016, la CSPE, un des composants de la TICFE, est fixée à 2,25 c€/kWh « HT ». La CSPE est en effet soumise à une TVA de 20% : CSPE TTC : 2,7 c€/kWh. Total TTC TURPE + CSPE : 4,942 + 2,7 = 7,642 c€/kWh.

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  • par Macca
  • 05/03/2020 21:58:41

Bonjour. Sans stockage , une maison ne sera JAMAIS autonome énergétiquement. Les panneaux solaires sont branchés sur un réseau pilotable non intermittent.. sans ça les panneaux ne produisent RIEN Mais hélas le stockage de électricité est difficile .. Sauf évidemment si vous parlez la nuit pour produire votre courant quand le soleil se couche. Bon courage

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  • par jack
  • 05/03/2020 19:10:55

Bonjour désormais une installation solaire photovoltaïque en consommant le maximum de courant pendant la production des capteurs et une petite batterie pour le reste rend une maison complètement autonome et cela est amortie en moins de 10 ans (le nucléaire de se fait se retrouve dans les choux) les progrès sont permanent sur se type d’installation voir le nombre installées en Allemagne .Promouvoir aussi les centrales villageoises à bientôt

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  • par Macca
  • 05/03/2020 14:45:07

Bonjour.Dans votre article, vous comparez un système pilotable (nucléaire, charbon, gaz, etc. ) et un système intermittent non pilotable (éolien, photovoltaïque). C'est comme comparer des choux et des carottes. Un système intermittent non pilotable ne remplacera JAMAIS un système pilotable. Cet article est un non sens et une escroquerie intellectuelle. Bonne journée.

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  • par Critic
  • 05/03/2020 13:25:09

Bonjour et merci pour votre article. TICFE et Turpe représentent environ 7 c€/kWh. Ça me semble énorme, la moitié du prix du kWh. Vous êtes sûrs de ces chiffres ?

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