La climatisation va de Charybde en Scylla. Depuis 2014, le Protocole de Montréal a conduit à écarter du marché les CFC (chlorofluorocabures), comme le R11, le R12, le R502 ou le R504, pour cause de dégradation de la couche d’ozone, ainsi que les HFC (Hydrofluorocarbones, R134a, R152a, R404AA, R407C, …) et HCFC (Hydrofluorocarbones : R22, R410A, …) en raison de leur impact important sur l’effet de serre.
En Europe ces restrictions ont été mises en musique par le Règlement F-Gaz qui a poussé les industriels à développer des substituts à faible impact sur l’effet de serre, autrement dit à faible GWP (Global Warming Power) ou PRP (Pouvoir de Réchauffement de la Planète).
La plupart des grands fabricants mondiaux ont adopté, sans doute trop rapidement, les HFO dans leurs chillers de forte puissance. ©PP
L’une des principales solutions mise au point pour remplacer CFC, HFC et HCFC est le développement de la nouvelle famille des HFO, pour Hydrofluoro-oléfines, à très faible GWP, comme le HFO1234ze (GWP = 7) utilisé en remplacement du R134a avec des compresseurs à vis, le HFO1233zd (GWP = 4,5) employé dans des chillers de forte puissance et le HFO1234yf (GWP = 4) qui connaît un fort développement en climatisation automobile.
Mais voilà, les chimistes savent depuis leur apparition que ces fluides HFO, une fois relâchés dans l’atmosphère, se brisent en composants qui ne se dégradent pas dans l’environnement, d’où leur nom poétique de « Forever Chemicals » : les acides perfluorocarboxyliques ou PFCAS. Depuis une étude américaine publiée en juin 2018. on mesure mieux leur toxicité. Ils seraient des facteurs dans certains cancers, endommageraient le foie et pourraient jouer un rôle dans la baisse de la fertilité.
Ces PFCAS se trouvent un peu partout, notamment dans les mousses d’ameublement, dans les emballages alimentaires, dans certains tissus utilisés pour la confection de vêtements, … Ce que l’on ignorait encore, c’est à quel point ils sont présents dans l’environnement. Mais grâce à une étude de l’Université York à Toronto, on le sait désormais.
Il existe d’autres solutions que les HFO pour les chillers de forte puissance, dont le CO2. ©PP
Les chercheurs canadiens ont foré la glace arctique, extrait des carottes de glace. La profondeur des carottes de glace prélevées permet de remonter jusqu’à 1990, d’analyser et de dater précisément le contenu.
Première conclusion, la teneur en scPFCAS, des acides perfluorocarboxyliques à courte chaîne de carbone, dans ces carottes est multipliée par plus de 10 à partir de l’entrée en vigueur du Protocole de Montréal. Seconde conclusion, étant donné la prévalence des HFO dans la climatisation automobile depuis 2017 et dans de nombreux récents chillers et pompes à chaleur de forte puissance, les chercheurs s’attendent à ce que cette teneur croisse encore à l’avenir.
On trouve désormais des scPFCAS dans le corps humain – en Chine, mais c’est selon les chercheurs canadiens, parce que l’on n’a pas cherché ailleurs – dans les lacs et les rivières. Bref, les scPFCAS sont toxiques, à un point encore mal connu, il y en a déjà dans l’environnement, les chercheurs s’attendent à ce qu’il y en ait davantage et cette augmentation provient de la quantité croissante des HFO proposés en climatisation automobile et bâtiment.
Le propane est un excellent candidat au remplacement du R410A et du R134a dans des chillers et des pompes à chaleur. ©PP
En climatisation automobile, il existe une autre solution, le CO2, plus chère et plus complexe à mettre en œuvre en raison des pressions de fonctionnement élevées. Mais des équipementiers automobiles, dont le japonais Denso, maîtrisent la technologie et la commercialise.
En ce qui concerne la climatisation des bâtiments, les chillers de forte puissance peuvent fonctionner avec des fluides naturels sans danger pour l’environnement, mais toxiques, inflammables ou les deux à la fois : le propane (R290, GWP = 3), le CO2 (R744, GWP = 1) et l’ammoniaque (R717, GWP = 0). Plus d’une centaine de fabricants européens et mondiaux proposent des machines utilisant l’un de ces trois fluides.
En industrie, il n’y a guère de problème dans la mesure où toutes les usines disposent d’un personnel bien formé à la conduite et à l’entretien de machines utilisant des fluides dangereux d’une manière ou l’autre. En tertiaire, c’est très différent. Il faut renoncer aux grands systèmes dans lesquels le générateur contient une forte de charge de fluide, au profit de plus petits générateurs en cascade, chacun contenant de faibles charges de manière à minimiser le danger en cas de fuite.
Il est possible de prendre exemple sur le froid commercial qui s’est mis aux vitrines réfrigérées de petites puissances utilisant du R290 dans des circuits scellés en usine ou aux petites chambres froides équipées en CO2. En tout cas, il n’est sûrement pas utile d’aller au-devant de risques importants en multipliant les machines chargées en HFO. Si la pandémie du Covid-19 nous a enseigné quelque chose, c'est qu'il faut faire attention.
Il existe une offre importante de systèmes utilisant l’ammoniac, depuis les chillers, jusqu’aux dry-coolers. ©PP