La doctrine des sapeurs-pompiers de la Préfecture de Police de Paris a été publiée peu après le 10e Forum Bois Construction du Grand Palais Ephémère, sans lien avec celui-ci mais toutefois perçu comme une douche froide. Il semble que les préconisations développées par l’association ADIVBois pour le Village des Athlètes, avec la participation des pompiers, n’ont pas été reprises par la profession et qu’elles ont même conduit à brider puis supprimer cette association.
Grégoire Pianet du FCBA présente la V4 du Guide façade. © Nicolas Girod
On était quelques mois de l’entrée en vigueur de la RE2020 retardée de deux ans et suscitant un rejet quasiment unanime des principales fédérations de la construction dont l’UNSFA des architectes. En principe, l’entrée en vigueur de la RE2020 et sa comptabilisation du carbone devait propulser la construction bois, par trois paliers de 2025, 2028 et 2031 vers le système constructif standard, brisant la situation hégémonique que le béton a acquise il y a environ cent ans.
La publication de la doctrine a rebattu les cartes. Le gouvernement n’est pas parvenu à reprendre les choses en main, tiraillé entre sa volonté de décarboner la construction et la protection corporatiste des pompiers par le puissant ministère de l’intérieur. Cela n’a pas vraiment changé depuis trois ans malgré de multiples rebondissements, le dernier en date étant la dissolution de fait du gouvernement censé publier le fameux arrêté ERP réglementant la protection incendie des établissements recevant du public, et frappant au cœur de la construction bois portée en France par les constructions et réhabilitations scolaires. Selon les interlocuteurs, il semblerait que la dissolution de l’Assemblée Nationale aurait repoussé la clarification réglementaire d’un an. D’autant qu’il est probable que la parution d’un tel arrêté induise sa présentation à Bruxelles, avec un délai induit de facilement six mois.
Laurent Petit de WO2 milite pour le brouillard d'eau. © Nicolas Girod
L’arrêté ERP était censé engendrer d’autres arrêtés relatifs notamment au logement et refondre de façon fondamentale la protection contre l’incendie de la construction bois, d’une façon qui ne permettrait pas d’y retoucher avant 30 ans. L’association IBC des ingénieurs bois construction jugeait l’enjeu tel que lors de leur AG au début de l’année, ils ont décidé de remuer ciel et terre pour avertir les décideurs des conséquences éventuelles d’un arrêté visant en gros à recouvrir très largement toutes les structures en bois. L’absence d’arrêté ou sa suspension sans clarté sur la date de sa publication prolonge une situation tout aussi délicate pour la construction bois. Les sapeurs-pompiers imposent leur doctrine dans leur périmètre parisien et sont suivis dans quelques autres métropoles, comme à Bordeaux, mais pas partout. La carte de l’application de fait de la doctrine n’est pas clairement établie et sans doute existe-t-il une zone grise. Il n’en faut pas plus pour disqualifier la construction bois de fait dans un contexte de crise immobilière. Seuls l’urgence climatique et le bon sens permettent à la construction bois de poursuivre malgré tout son essor avec les solutions biogéosourcées.
Face à la perplexité des acteurs de la construction bois, le Forum Bois Construction a programmé trois fois de suite des ateliers dédiés. Le premier, difficilement co-construit par l’association IBC et l’UICB à Nancy en avril 2022, mettait face à face une Union des Industriels de la Construction Bois désignée comme seul interlocuteur face aux pompiers, imposant de parler d’une seule voix et s’en tenant à des engagements de confidentialité, et des ingénieurs bois sachants mais mal informés et extrêmement inquiets. À Lille en avril 2023, l’UICB a organisé l’atelier dédié seul et fait venir les représentants des sapeurs-pompiers, au moment où un projet d’arrêté était soumis à la profession, attisant la consternation des acteurs de la construction biosourcée.
Atelier B1 au Forum Bois Construction en avril 2024 à Nancy. Encore et toujours l'actualité brûante de la protection contre l'incendie. © Nicolas Girod
Pour l’édition d’avril 2024, toujours en attente de la publication de l’arrêté ERP, un atelier dédié avait été maintenu, sous la houlette de l’UICB, tandis qu’IBC a profité de l’organisation de son atelier dédié pour restituer les travaux d’un groupe de recherche qui s’est penché sur la conséquences pratiques d’un certain nombre de propositions apparues dans le cadre de la gestation de cet arrêté. Le Forum associait à cela, pour la première fois, un Village feu regroupant les acteurs de la protection incendie des ouvrages en bois et biosourcés, et une succession d’interventions sur le même sujet à la Tribune des Innovations. C’était début avril et deux mois plus tard, la dissolution de l’Assemblée Nationale a suspendu de fait la publication de l’arrêté qui semblait avancé, tout en interrogeant les organisateurs du 14e Forum au Grand Palais, fin février 2025, sur l’opportunité de programmer un atelier dédié pour la 4e fois, sans certitude sur une évolution réelle.
Les bonnes nouvelles se concentrent sur les façades. Il y a 15 ans, la remise en cause des solutions conventionnelles avait engendré une série d’essais en grandeur réelle plutôt malheureux, à quoi s’ajouta la catastrophe londonienne où le bois n’était pourtant pas en cause. Les précautions proposées par FCBA, onéreuses et perçues comme contraignantes sur le plan architectural, ont suscité des remous. En 2019, un essai LEPIR 2 chez Efectis avec nez de dalle en CLT, a déclenché une réaction en chaîne contre le bois apparent, passant par les conventions pour le Village des Athlètes, puis la doctrine et à présent la révolte des acteurs de la construction bois qui veulent sauver le bois apparent.
Les Atex B du Village des Athlètes, les perfectionnements actuels de la V4 du Guide Façade du FCBA et la perspective de revenir sur les résultats de l’essai calamiteux d’avril 2019 en redonnant une chance au bois de structure apparent donnent l’impression que la construction bois est finalement sortie victorieuse de cette longue crise. Les solutions techniques se multiplient et se banalisent, comme les écrans thermiques faisant également office de pare-pluie.
La remise en cause du CLT n’est pas achevée, notamment pour les planchers. Réduire les surfaces en bois visible dans les constructions semble acquis, mais les modalités interrogent notamment IBC qui évalue le coût carbone et le coût économique des certaines solutions. Parallèlement, les eurocodes revoient le comportement feu de bois collés et développent de nouveaux mode de calcul pour prendre en compte la délamination. Préconisé par WO2 pour les bureaux, la protection de locaux exposant le bois par des sprinklers et plus précisément les solutions de nuage d’eau butent sur les coûts induits et l’utilisation habituelle de ces moyens actifs pour protéger des objets mais pas la structure dans son ensemble.
Les incertitudes sur le CLT ont produit de multiples solutions hybrides dans une pays comme la France ou le réflexe du béton est bien ancré. Toutefois, l’évolution technique internationale du CLT est telle, et les résultats des solutions hybrides si discutables, que le match reste ouvert et indéterminé. Il est même possible que le balancier s’inverse et ouvre la voie à des solutions sèches sans chapes ciment pour conserver au chantier une logique d’hors-site.
Et cela et sans préjuger de l’arrivée de solutions biogéosourcées préfabriquées pour les planchers, comme les hourdis de terre crue expérimentés actuellement par l’agence Herzog et De Meuron.
L’exemple de la façade fait donner raison aux optimistes de la construction bois comme l’ingénieur Olivier Gaujard : les grands affrontements ont du bon et il faut passer par là pour avancer. D’ici la remise sur le tapis de l’arrêté ERP relatif aux constructions bois, le travail sur les eurocodes sera achevé, l’incidence économique et environnementale des solutions de protection des ouvrages en bois aura été constatée et, malheureusement, la catastrophe climatique aura encore progressé. La suspension de l’arrêté ERP ne se limite pas à l’imposition d’un nouveau délai. Tout change.
Source : batirama.com / Jonas Tophoven © Nicolas Girod
bonjour; nous défendons la construction bas carbone et durable avec notre média. Le problème de la protection feu est un sujet important pour les occupants, et peut entrainer une confiance ou une défiance pour les occupants. Si vous souhaitez nous apporter un article sur le sujet, nous en serions ravis. Bien cordialement marie
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Il n'y a pas eu de discussion de fond chez les sapeurs pompiers. Ceux qui ont crié haro sur le bois sont visiblement sous influence, leur jugement est au moins corrompu par l'ignorance, sinon peut être pire. Bon nombre des soldats du feu savent que le bois d'oeuvre et le bois menuisé massif (ép. >35mm) sont bien plus performants et moins nocifs que la plupart des autres matériaux, béton armé, ciment, plastiques, métal de structure, tant pour le retard au feu que pour l'effet léthal des émanations et fumées. Basta!