Légende : A Montparnasse, l’îlot Gaîté reconstruit comportera 62 logements sociaux en bois. Massification ou cache-sexe pour les grandes opérations de promotion ? © JT
La signature officielle de la nouvelle charte de l’interprofession francilienne devait avoir lieu à l’occasion du 10e Forum International Bois Construction, sous la voûte du Grande Palais, le 16 avril dernier à Paris.
En 2015, Francîlbois avait lancé une première charte bois à l’occasion d’une grande réunion de maîtres d’ouvrage dans le nouveau réfectoire de l’université Diderot, « le seul ouvrage parisien en structure bois donnant directement sur la Seine ». Les bailleurs, promoteurs et aménageurs s’engageaient à utiliser plus de bois dans leurs projets de construction franciliens.
« Cette première charte était bien conçue », souligne Céline Laurens, la déléguée générale de Francîlbois, « mais elle n’a pas porté comme il fallait à cause des difficultés durant les années suivantes par l’interprofession, qui ont empêché d’effectuer un suivi, de sorte que les engagements sont restés plus ou moins lettre morte ».
De fait, tant à Paris qu’en région Ile-de-France, il est actuellement difficile de faire le lien entre les ambitions biosourcées affichées par des acteurs comme la mairie de Paris ou la région, et la réalité quotidienne de la construction. A titre d’exemple, le réfectoire de l’université Diderot se situe à deux pas de trois projets de tours en bois qui ne sortent toujours pas de terre, tandis que l’érection des tours Duo de Jean Nouvel n’a été freinée que par le Covid.
En janvier dernier à Pantin, les Etats-Généraux de Francîlbois ont lancé les travaux d’élaboration du nouveau Pacte francilien pour le bois.© JT
L’interprofession francilienne de la filière bois a redémarré sur les chapeaux de roue l’an dernier, avec une nouvelle équipe, une nouvelle structure et un immense appétit de massifier enfin la construction bois dans cet océan francilien de béton.
En Janvier, l’interprofession a organisé à Pantin ses premiers Etats-Généraux, afin de lancer des ateliers destinés à élaborer, en étroite concertation avec les acteurs de la construction et notamment de la maîtrise d’ouvrage, un nouveau document ambitieux et contraignant, à la mesure du thème des Etats-Généraux de ce début d’année-charnière 2020, pour « sauver la planète ».
Six ateliers d’une demi-journée ont suivi avec une approche pédagogique et interactive : une heure d’information des acteurs sur les enjeux spécifiques et les tenants et aboutissants en matière de bois, puis deux heures de débat pour faire émerger une feuille de route.
Les deux derniers ateliers, juste avant le confinement, étaient centrés sur la formulation précise de ce nouveau Pacte. « Nous voulons prendre appui sur le Label Bâtiments Biosourcés (LBB) qui est actuellement en révision pour servir lui-même de référence à la future RE2020 », explique Céline Laurens, « mais nous ne pouvons pas attendre indéfiniment cette mise à jour. Le Pacte sera signé en novembre prochain et disposera d’un avenant relatif à la nouvelle version du LBB ».
Les Bains-Douches Castagnary, le plus haut immeuble d’habitation en bois de Paris et la fierté du programme Réinventer Paris (RED Architectes, Barcque). ©JT
La référence olympique du label BREEAM s’invite dans la formule du Pacte. Le signataire Or s’engage à intégrer 40 % de construction bois dans tous ses ouvrages neufs et ses opérations de rénovation. Pour le signataire Argent, c’est 20%, et 10% pour le signataire Bronze.
Le pourcentage se rapporte à la part de surface de plancher. 100% du bois doit être certifié PECF ou FSC, et la part minimale de bois français sera de 30% : « Un objectif réaliste, quand on sait que l’étude réalisée par FCBA en amont de la programmation du futur Village Olympique estime que cette part se situe déjà en moyenne entre 25 et 30% en France », explique Céline Laurens.
Les signataires qui le souhaitent peuvent s’engager de façon optionnelle à relever cette part à 50, voire 80%. « Chaque niveau d’engagement (or, argent, bronze) se rapporte à deux niveaux de prestation. Tantôt, le choix d’une façade à ossature bois couplée à un aménagement intérieur en bois. Tantôt un recours au bois pour au moins la moitié de la structure.
Les filières chanvre et paille sont intégrées dans la définition des procédés constructifs. Il est possible de s’inscrire dans des engagements complémentaires portant notamment sur les feuillus, la structure, le bois français, voire de s’engager dans la replantation francilienne.
Présenté au Sommet de la construction biosourcé l'automne dernier par Emmanuel Pezrès, le révolutionnaire centre de loisirs de l'école Félix-Eboué de Rosny-sous-Bois, baptisé Jacques Chirac, a pu être livré juste avant les élections municipales, après moins d'un an de travaux. ©Juan Sepulveda
Le signataire doit nommer un référent bois-biosourcés, il s’engage à faire appel à un AMO ou à former un interlocuteur compétent en interne, à s’adresser à des architectes ou BET compétents en matière de construction bois et enfin, à partager des retours d’expérience.
« Jusqu’à présent, nous avons encore beaucoup de mal à répondre concrètement à des questions cruciales comme celle de savoir combien coûte concrètement les opérations biosourcées ».
Céline Laurens table sur 15 premiers signataires. 15 signataires en niveau bronze, ce serait en soi une petite révolution et surtout, le lancement d’une dynamique de massification qui pourrait s’étendre aux autres régions.
L’aménageur Epamarne, déjà signataire de la première Charte, est un candidat « en or » dans sa pratique acquise de réaliser 40% au moins de ses constructions de logements en bois et biosourcé. Il lui resterait cependant à étendre sa démarche à tout le domaine non-résidentiel.
A Villeneuve-St Georges, le lotissement passif E3C2 du Domaine d’Adèle, par Ecolocost, démontre que l’ambition de Maxime Brard va plus plus le écolo-cost effective que l’éco-low cost. ©JT
Le PACTE francilien ne peut pas prétendre courir après la notoriété, dans un univers constructif où les labels et certifications font florès. Il faudrait du temps. Son intérêt principal réside dans le rapprochement et l’interaction d’acteurs de la construction souvent plus complémentaires que concurrents.
L’union fait la force, et la force de Francîlbois, c’est aussi la grande proximité géographique des grands décideurs, leviers de la construction française du futur proche.
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven