Légende : Vue de la lisière entre le nouveau quartier et le parc de L'Aire des Vents ©TVK - Solideo© Image My Lucky Pixel.jpg
Le Village Olympique cristallise les espoirs de la filière bois et aussi sa crainte de déceptions, face notamment au béton qui s’imposerait comme technique principale de construction, à la faveur du recours au béton dit bas carbone (voir article Ouvrages Olympiques : du bois et du béton bas carbone)
Le premier acte, fin 2018, s’est soldé par une programmation qui stipulait que tous les bâtiments d’une hauteur inférieure à 28 mètres seraient construits en structure bois, tandis que les ouvrages d’une hauteur supérieure à 28 mètres viseraient la mixité en intégrant une part de bois en structure.
Cette avancée prescriptive cadrait à la fois avec les objectifs d’un événement bas carbone et avec la volonté de Nicolas Ferrand, patron de la Solidéo qui a poussé à la massification de la construction biosourcée durant la période passée à la direction de l’aménageur Epamarne.
Cette spectaculaire prescription de moyens devait beaucoup à l’implication de Georges-Henri Florentin, directeur de l’institut FCBA en instance de retraite, et Luc Charmasson, le président du Comité Stratégique de la filière bois. Dans la foulée, l’association AdivBois a été élargie à une nouvelle entité, France Bois 2024, en charge de transformer l’essai.
Car la messe n’était pas dite. De mars 2019 à novembre 2019, Solidéo a cherché des groupements susceptibles de prendre en charge la réalisation des quatre quartiers constituant le Village Olympique des JOP2024, à St Denis, St Ouen et à l’Ile St Denis. Pour rappel, il s’agit d’héberger un peu plus de 14 000 participants pour la durée des Jeux, en ajoutant une part d’équipements tertiaires, avant de réadapter les bâtiments pour un usage d’habitation ou tertiaire.
Comme le souligne Antoine du Souich, Directeur de la stratégie et de l'innovation de Solidéo, « il fallait trouver des lauréats qui s’engagent sur le délai, le programme et financent les charges foncières ». Que reste-t-il finalement des intentions initiales ? Une clarification est attendue, au moment où les groupements précisent leurs projets constructifs afin de déposer leurs demandes de permis de construire.
Jusqu’à présent, la ventilation des techniques constructives indiquait cette limite de 28 mètres, mais seuls les initiés pouvaient dire à quoi cela correspondait en termes de volume. On sait maintenant que le quartier Universeine de Vinci Immobilier est essentiellement composé de bâtiments de plus de 28 m, avec un recours au béton, tout comme les autres tours de plus de 28 mètres dans les autres quartiers.
Explication d’Antoine de Souich : « Malgré un programme demandant pour le moins une approche constructive basée sur la mixité, aucun opérateur immobilier n’a été capable de produire une solution compatible avec l’économie du projet. L’écueil principal est la réglementation incendie ».
Les dispositions introduites pour ouvrir la voie à des tours en structure bois, par une approche au cas par cas de l’ingénierie du feu, n’ont pas fonctionné en pratique. Dès juillet 2018, AdivBois a réuni un groupe de travail, afin de pallier cette « absence de règles relatives à la construction des ouvrages en bois de plus de 28 mètres », dans un contexte favorable.
En effet, plusieurs immeubles à structure bois, de logements (Bains-Douche Castagnary, Sensations) ou tertiaires (Themis, Pulse, Perspective, Palazzo Méridia, Opalia, Aquarel II) sont alors en cours de travaux, doivent dépasser les 28 mètres et ont été livrés avec succès depuis.
Les réflexions du groupe de travail n’ont cependant pas permis de trouver une solution acceptable par les groupements lauréats pour les ouvrages de plus de 28 mètres, qui seront donc construits en structure béton.
En fait, le groupe de travail a conduit à remettre en cause les règles qui prévalaient pour les ouvrages d’habitation de 3e catégorie, parallèlement à l’évolution réglementaire marquée par l’arrêté du 6 août 2019.
En clair, la nouvelle configuration réglementaire préconise d’habiller l’ensemble des ossatures bois avec du plâtre, pour des raisons de sécurité incendie. Or, certains ouvrages du Village doivent accueillir des participants aux JOP24 pour changer ensuite de destination et devenir des espaces tertiaires et/ou des logements. « Cela suppose de coffrer et décoffrer les ossatures bois, et constitue donc un non-sens sur le plan du carbone », admet Henri Specht, directeur du Village olympique à la Solidéo.
Pour l’heure, on ne dispose pas d’un inventaire complet du nombre des immeubles en béton et du nombre des immeubles en bois, par quartier. Ce qui complique le dénombrement final de la catégorie des immeubles de moins de 28 mètres à destination finale résidentielle, qui seront construits « en structure bois ou mixte ».
Vue du pôle de commerces et services de proximité ©TVK - SOLIDEO © Image My Lucky Pixel
Conscients du glissement qui s’est opéré de fait vers le béton, Solidéo pèse pour qu’au moins les façades non apparentes des immeubles soient le plus possible en bois. Mais là encore, on rencontre un problème de taille, car le nombre de solutions d’habillage associé est réduit (cassettes métalliques) et ne convient pas à l’image bas carbone que la Solidéo veut donner au Village.
Un gros travail est donc en cours pour faciliter la mise en œuvre d’ETICS (isolation sous enduit sur support en bois) et habillages en terre cuite (toujours sur support bois). L’objectif est que ces solutions puissent être mises en œuvre par Atex simple (Appréciation techniques d’expérimentation) sur le Village puis « léguées » à la filière comme technique courante.
Dans ces conditions, la Solidéo estime que le volume total de bois mis en œuvre sur le Village en structure et façade sera de l’ordre de 30 000 m3, qui se ventilent de la façon suivante : pour Universeine, environ 15 000 m3 de façade à ossature bois et de bois en structure ; pour le secteur D, 5800 m3 de façade OB, plus le volume de bois structurel pour les bâtiments de moins de 28 mètres ;
Pour le second lot de St Ouen, Solidéo compte 5000 m3 de bois en structure et n’a pas évalué le volume de façade OB ; enfin, pour le quartier Ecofluvial où la Solidéo n’est pas maître d’ouvrage mais simplement superviseur, l’estimation porte sur 6000 m3.
Dès les annonces des lauréats, la réduction de la part du bois structurel par rapport aux attentes initiales a été compensée par des engagements sur le recours à du « bois français ».
Il s’agira de bois certifié à 100%, avec finalement une part de bois français de 30%, sauf engagements particuliers, part qui permet de s’assurer d’une réponse appropriée sans multiplier les contrôles, en tenant compte des habitudes de production des transformateurs français.
Il y aura du bois au Village Olympique, sur pied. La Solidéo s’efforce de trouver des solutions pour planter des arbres viables dans le cadre du choc climatique. Globalement, l’objectif du bilan carbone réduit d’au moins 30 %, devrait être tenu.
« Il n’existe sans doute pas d’autres ensembles de cette taille en France qui aient fait l’objet d’autant de calculs en matière de carbone », souligne Henri Specht, qui réaffirme son intérêt pour la construction biosourcée en réponse au changement climatique et considère que le Village Olympique sera un levier de massification.
Source : batirama.com / Jonas Tophoven