Désordre dans le bâtiment sanitaire d’un camping : quelle responsabilité ?

Désordre dans le bâtiment sanitaire d’un camping : quelle responsabilité ?

Le désordre consiste en l'absence d'écoulement des eaux de lavage entraînant leur stagnation à raison d'un défaut de pente. Mais le maître d’ouvrage n’a pas réceptionné les travaux…




Courant 2012, la SAS Flower Exploitation Campings (ci-après Flower Campings) a fait procéder, en qualité de maître de l'ouvrage, par la société E., à des travaux de construction d'un bâtiment sanitaire à usage de sa clientèle. Le 20 juillet 2012, Flower Campings a signalé à la société E. un désordre consistant en l'absence d'écoulement des eaux de lavage entraînant leur stagnation à raison d'un défaut de pente.

 

A défaut de reprise amiable, Flower Campings a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance du Havre une mesure d'expertise et, par ordonnance du 17 septembre 2013, Monsieur T. a été désigné en qualité d'expert.

 

Suite au rapport d’expertise, le tribunal de commerce de terre et de mer du Havre a condamné la société E. à payer à la société Flower Campings la somme de 43.790,50 € au titre des travaux de reprise. L’affaire va en appel.

 

Impropriété à destination liée au risque de chute et à l'absence d'hygiène

 

La Cour reprend les termes de l'article 1792 du code civil qui dispose que : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages […] qui […] le rendent impropre à sa destination. ».

 

L'expert déclare dans son rapport qu'en raison de l'absence de pente de la chape, l'eau projetée au sol lors de l'utilisation des douches ou de l'entretien du bloc stagne au lieu de s'écouler naturellement, ce qui engendre une impropriété à destination liée au risque de chute de la clientèle et à l'absence d'hygiène. L'eau stagnante entraîne par ailleurs un gondolement et un pourrissement des bois de structure, des poutres, et des plinthes de ce bloc sanitaire.

 

En ce sens, l'expert a indiqué que le désordre présentait les caractéristiques d'un désordre décennal, ce qui n'est pas contesté. En revanche, la question de savoir si la responsabilité décennale des constructeurs est engagée au titre de ce désordre nécessite, ainsi que l'indique société E, de déterminer si l'ouvrage a bien été réceptionné.

 

L'article 1792-6 du Code Civil dispose que : « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. » La société E. demande à la Cour de reconnaître l'existence d'une réception tacite et de condamner en conséquence son assureur décennal en garantie.

 

Pas de réception tacite sans volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage

 

L'existence d'une réception tacite suppose l'expression d'une volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage. Cette réception est présumée dans l'hypothèse d'une prise de possession non équivoque de l'ouvrage et d'un règlement total ou quasi-total du prix des travaux.

 

Il revient à la société E., qui soutient l'existence d'une réception tacite, d'apporter la preuve que les conditions d'établissement de cette présomption sont réunies, étant précisé que le maître de l'ouvrage reste taisant sur ce point devant la cour d'appel.

 

Mais la société E.,  ne démontre pas l'existence d'un paiement intégral ou quasi-intégral du prix de l'ouvrage puisqu’elle reconnaît elle-même, par voie de conclusions, que la facture de 6.525, 37 euros, émise le 29 juin 2012 n'a pas été réglée.

 

Or, cette seule facture représente en elle-même 14 % du coût total de l'ouvrage, et il convient d'y ajouter la facture de 1.069, 22 euros qui est postérieure aux derniers paiements reçus et n'a donc manifestement pas été réglée. Par ailleurs, la prise de possession est équivoque puisque la date de fin des travaux n'est pas établie.

 

La volonté du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage est donc équivoque. Dès lors, le fondement décennal des demandes formées à l'encontre de la société E.,  ne peut être retenu. Par conséquent, la responsabilité de son assureur décennal ne saurait être engagée. La Cour condamne donc la société E. à indemniser la société Flower Campings au titre des travaux de reprise, mais elle met son assureur hors de cause.

 

Source : Cour d'appel de Rouen, 29 juin 2020

 

Source : Batirama.com / Damien Aymard

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