Le mot Gigafactory contient le préfixe Giga ou milliard, signifiant qu’une telle usine produira chaque année assez de batteries pour stocker des milliards de Wh.
La plus connue des Gigafactories est celle construite par Tesla dans le Nevada en 2014. Sur une surface au sol de 180 000 m², mais une surface utile de 492 000 m², cette usine Tesla a produit en 2018 environ 20 GWh de batteries.
Depuis, Tesla a entamé la construction d’une autre Gigafactory à Shanghai, une troisième près de Berlin qui devrait être opérationnelle fin 2021 et en a annoncé une quatrième au Texas. Chaque nouvelle Gigafactory de Tesla est plus grande que la précédente. Cette course au gigantisme vise à engranger des économies d’échelle pour réduire le coût des cellules – une batterie contient plusieurs packs en parallèle, chaque pack contient plusieurs cellules – et diminuer celui des batteries qui représente pour l’instant environ 40% du prix de revient d’un véhicule électrique. ©Tesla
Les batteries pour véhicules électriques sont les mêmes que celles que l’on utilise dans les stockages d’électricité dits stationnaires que l’on déploie pour assurer la stabilité de la fréquence des réseaux de transport et de distribution ou que l’associe à une production d’électricité photovoltaïque décentralisée dans le but de maximiser l’autoconsommation et de pallier à l’intermittence de la production PV.
La baisse des coûts des batteries pour véhicules électriques se répercutera directement sur le prix des stockages stationnaires.
En France, un premier projet de Gigafactory a été annoncé en novembre 2019, par PSA et Saft. Saft est un spécialiste des batteries appartenant à Total. Cette première usine approvisionnera PSA, sera construite à Douvrin près de Lens dans les Hauts-de-France et fera l’objet d’un investissement de 2,2 milliards d’Euros.
L’usine sera la propriété d’une société rassemblant PSA, Saft et Opel (propriété du groupe PSA). Elle devrait être opérationnelle en 2023 et afficher une capacité de production annuelle de 24 GWh.
La même entité a également annoncé en février 2020, un second projet de Gigafactory à Kaiserslautern près des usines allemandes d’Opel. Juste au moment de la proclamation du confinement en France en Mars 2020, la start-up Verkor a été créée avec comme objet la construction d’une seconde Gigafactory en France.
Verkor s’inspire clairement du modèle du suédois Northvolt qui a lancé son projet de Gigafactory en 2017 en suède et a réuni fin juillet 2020, un financement bancaire de 1,6 milliard de dollars pour achever la construction de son usine. Northvolt est soutenu par ABB et, depuis sa création, a multiplié les accords commerciaux pour écouler sa future production : avec Volkswagen, puis avec BMW pour la fourniture des batteries pour véhicules électriques, avec Vattenfall pour le développement de stockages stationnaires modulables, avec Mälarenergie pour déployer des bornes de stockages-rechargement pour les véhicules électriques, etc. ©Northvolt
Verkor n’en est pas encore là. Mais la toute nouvelle entreprise, qui a déjà réuni le financement de quelques dizaines de millions d’euros, nécessaire à ses études de faisabilité, est soutenue par Schneider Electrique, par Eit innoEnergy et par le groupe IDEC. Chacun de ces partenaires a un rôle précis.
Installé au Pays-Bas, Eit innoEnergy est un organisme très particulier, soutenu par l’Eit (European Institue of Innovation & Technology), une autorité européenne indépendante. Eit innoEnergy se donne pour but d’accélérer l’innovation en matière d’énergie et agit à travers plusieurs programmes. Tout d’abord, Eit innoEnergy a investi dans environ 500 entreprises, dont il attend à terme un retour sur investissement de l’ordre de 16 milliards d’euros.
Ensuite, il a créé des programmes de Master et de PhD qui ont déjà diplômé 1200 personnes. Eit innoEnergy a été chargé par l’Europe d’organiser et d’administrer au jour-le-jour, le programme European Battery Alliance (EBA), lancé en octobre 2017. Bref, il est tout désigné pour participer au tour de table d’une Gigafactory.
Schneider Electric, qui en décembre 2015 avait lancé Ecoblade, un système de stockage d’électricité en rack, pour l’abandonner moins un an plus tard, participe à l’aventure Verkor au titre de son savoir-faire en industrie 4.0 (le 2.0 est tellement dépassé). Schneider Electric apportera à Verkor toute son expérience en numérisation et pilotage d’un processus de production industrielle. Benoît Lemaignan, CEO de Verkor, estime en effet qu’il existe d’importants gisements de productivité à exploiter dans la production des batteries.
Le troisième larron, le groupe IDEC, accompagne Verkor en raison de son expérience de développeur foncier et de son savoir-faire de constructeur de bâtiment en atmosphère contrôlée. L’usine Verkor, dont le site n’est pas encore choisi, sera en atmosphère sèche. Verkor qui compte une douzaine de salariés en ce moment et devrait attendre un effectif de 20 personnes à la fin de l’année 2020, vise avant tout le marché de la traction électrique, depuis les voitures particulières jusqu’aux gros engins comme les camions, bus et engins de travaux publics, puis celui du stockage stationnaire ensuite.
Verkor, dont l’usine devrait être opérationnelle en 2023 sur un terrain de 200 ha, vise un objectif de coût de l’ordre de 100 €/kWh au niveau du pack en 2023-2024, avec une technologie de batteries Li-ion, cathode cobalt et anode graphite. Tout ça pour alimenter les marchés de l’Europe du sud : France, Italie, Espagne et Portugal.
L’usine Verkor sera un gros consommateur d’électricité, donc nécessairement construite à proximité immédiate du réseau de transport ou d’une centrale. Il faut en effet au moins 1 TWh d’électricité pour fabriquer quelques dizaines de GWh de stockage en batteries. Le tour de table pour le financement de la construction de l’usine devrait être réuni durant la seconde moitié de 2021. L’investissement atteindra 1,6 Md €. La capacité initiale de l’usine sera de 16 GWh/an, pouvant monter ensuite à 50 GWh. ©Verkor
La construction de l’usine démarrera en 2022. En fonctionnement à 16 GWh/an, elle emploiera 2000 personnes et génèrera plusieurs milliers d’emplois indirects supplémentaires.