Pour faire face à l’engorgement des services de réanimation des hôpitaux en raison de l’afflux de malades du Covid-19, la commission Architecture et Ingénierie de la conférence des directeurs généraux de CHU (32 établissements) et l’Association des Ingénieurs Hospitaliers de France (IHF) avaient lancé, le 21 avril dernier, un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour la fourniture d’unités de réanimation modulaires et mobiles.
Le but est d’augmenter la capacité des hôpitaux avec des structures autres que des tentes de type militaires ou des locaux modulaires de type « hôpital de 1 000 lits monté en 15 jours », inadaptés aux besoins sanitaires propres à cette pandémie. Bouclé le 30 mai, cet AMI a reçu une vingtaine de dossiers. Mi-septembre, trois groupements ont été sélectionnés sur la base de leur offre technologique : Cougnaud Construction, IMeBIO et Mangini.
Rejoints par le groupement coopératif d’achat UniHA, les hôpitaux civils de Lyon et l’association française des ingénieurs biomédicaux (AFIB), les initiateurs de la démarche avaient formulé un cahier des charges exigeant dont une modularité des solutions à 15, 20, 25 ou 30 lits.
Autres critères exigés : des unités de 15 chambres divisibles en sous-modules de 5 lits autour d’un poste de personnels soignants ; S’y ajoutent l’obligation de prévoir des aménagements spécifiques pour la réanimation en termes d’ergonomie de travail et d’équipements techniques (ventilation, filtration de l’air) ainsi que la possibilité de démonter et de réutiliser les installations.
Les délais de livraison, montage et démontage figuraient aussi parmi les critères de sélection. En clair, des locaux de réanimation certes provisoires mais d’un niveau d’épuration de l’air ISO 8.
Cougnaud Construction, IMeBIO et Mangini ont donc chacun mis au point leur offre technologique. Premier concept, Réa-Mod, celui de Cougnaud Construction (12 sites), peu familier avec ce type de production. Il s’est donc entouré de l’assistant à maîtrise d’ouvrage A2MO, du cabinet TLR architecture basé à Bordeaux et Paris, spécialistes des locaux de santé, et de l’entreprise de génie climatique Hervé Thermique.
Hervé Thermique, fort de 70 agences en France, connaît bien les solutions d’approvisionnements des fluides sur ces sites (énergie, confort, mais aussi les fluides médicaux). Autre partenaire du premier concept : l’entreprise suédoise spécialisée en équipements médicaux Getinge.
Le module standard de ce concept, de 66,51 m de long par 42,55 m de large rassemble des modules classiques de son catalogue disposés en deux unités de 15 lits, chacune de 3 sous-modules. Ce fournisseur propose des variantes en équerre ou en carré pour s’adapter à la plateforme disponible.
Le groupement constitué de Cougnaud Construction entouré de spécialistes proposera des modules standard de 66,51 m de long par 42,55 m de large
Second concept : Hoplite d’ImeBio. Basée en Isère, cette entreprise est spécialisée en production de laboratoires en conteneurs métalliques de niveau de protection P2 et P3. Ici, sa solution de base mesure 66 m de long sur 26,35 m de large.
Son offre se distingue par la couverture de l’ensemble des modules (30 lits) avec un chapiteau revêtu d’une bâche transparente. Jean-François Jung, directeur d’IMeBIO justifie doublement son choix : « Au cours de quelle saison ferons-nous l’assemblage ? Sous tente, les opérateurs seront à l’abri des intempéries. Et pendant la pandémie, le secteur de l’événementiel est à l’arrêt. Notre concept leur offre un débouché d’activités. »
ImeBio s’est entouré d’Aspida, un expert en confinement rapide des installations (notamment à l’aide de peintures), du fournisseur de matériels pour l’événementiel d’envergure international GL Events, des architectes grenoblois de Groupe 6, spécialistes des locaux hospitaliers, de l’entreprise belge Erinha connaisseuse des solutions de confinement de type P3 ou P4. Citons enfin, le bureau d’études tous fluides Life Ingénierie, retenu pour sa maîtrise des sujets électricité, chauffage, ventilation et alimentation en fluides médicaux.
Second concept : Hoplite d’ImeBio avec sa solution de base mesurant 66 m de long sur 26,35 m de large
Troisième concept, celui de l’industriel italien Mangini, connu pour ses systèmes préfabriqués pour les urgences sanitaires, a composé des unités de 30 lits sur un espace de 60,21 m de long par 40,8 m de large à partir de conteneurs métalliques : deux sous-unités de chacune 3 modules de 5 lits sont réparties autour d’un bloc central qui rassemble le personnel soignant.
Pour les petits sites, une variante sur deux niveaux est proposée. Mangini s’est associée avec trois partenaires : le constructeur italien de solutions modulaires tous climats et toutes activités (mines, pétrole) Edilsider, les architectes du cabinet belge Assar Architects et le bureau d’études parisien OTE Ingénierie.
L'industriel italien Mangini a composé des unités de 30 lits sur un espace de 60,21 m de long par 40,8 m de large à partir de conteneurs métalliques.
Les règles du jeu de cet appel à manifestation d’intérêt sont claires : les projets retenus seront remis en concurrence lors du lancement des marchés. Pour accélérer les procédures, les groupements avaient précisé leurs prix dans leurs dossiers – ils s’établissent entre 6 et 13 millions d’euros, pour chacune des solutions. En cas de besoins, la négociation sera ainsi cadrée. Quant aux modalités de fourniture, elles demandent, selon l’offre, entre 4 et 6 mois de délai.
Christophe Cougnaud, directeur général de Cougnaud Construction
« Il nous a fallu nous adapter au cahier des charges des salles de réanimation »
Déjà impliqué dans la mise au point des ouvrages hors site, Cougnaud Construction a mené le développement d’une solution complète à installer en moins de trois mois.
Batirama : Quelle est l’originalité de cet AMI ?
Christophe Cougnaud : le délai était court – une annonce fin avril pour une présélection mi-juin et une réponse le 17 juillet –, pour une demande très technique, avec en particulier un niveau de filtration absolue ISO 8, très élevé. Nous avions déjà de l’expérience dans le domaine de la santé, mais pas à ce niveau. C’est la raison pour laquelle nous avons travaillé avec des spécialistes, qu’il s’agisse des architectes, des prestataires ou des fournisseurs d’équipements.
Quelles sont les particularités de votre solution ?
Christophe Cougnaud : Techniquement, le module retenu fait partie des dimensions présentes dans notre catalogue. Par ailleurs, avant la pandémie du Covid-19 du printemps, nous avions déjà lancé une réflexion sur les réponses du hors site dans des cas d’urgence de construction. C’est une application concrète, et il se trouve que nous disposons d’une certification CSTB hors site, un gage de qualité.
Nous savons traiter les problématiques du bâtiment – l’incendie, la thermique… –, mais il a fallu s’adapter aux demandes telles que l’étanchéité totale à l’air – qui est bien plus exigeante que celle applicable en résidentiel –, la filtration de l’air, et aussi le caractère déplaçable et réutilisable des installations.
Justement, votre solution a été retenue selon la formule d’un accord cadre attributaire. Comment vous organisez-vous commercialement en cas de lancement de commande ?
Christophe Cougnaud : Ce type d’équipement s’adresse à près d’un millier d’établissements hospitaliers. Cependant, ils devraient mutualiser leurs commandes pour répondre aux besoins des régions, des grandes agglomérations, des groupements d’hôpitaux. Ce qui explique que l’AMI ait été lancé par la coopérative d’achats UniHA. Quand les marchés seront publiés, les nouvelles négociations seront limitées aux groupements sélectionnés. Acheteurs et vendeurs disposeront de toutes les données pour optimiser une nouvelle offre.
En termes de délai, que proposez-vous ?
Christophe Cougnaud : Après 6 semaines de construction en usine, sur chantier, il faut deux semaines pour monter les modules, un mois pour effectuer tout le travail d’installation des fluides, et encore un mois pour une désinfection normative complète – mise à gris, mise à blanc – avant ouverture. C’est donc une solution que les maîtres d’ouvrage doivent anticiper au moins quatre mois à l’avance.
Source : batirama.com / Bernard Reinteau