Une fois de plus, le salon Passibat’ a accueilli ses visiteurs professionnels et privés les 18 et 19 mars 2025 au Pavillon Baltard à Nogent-sur-Marne en banlieue est de Paris. La nouvelle équipe applique toutes les bonnes recettes :
– stabilité,
– appels à projets,
– trophées,
– conférences avec un thème global,
– magazine, communication,
– désignation d’un parrain de la manifestation, qui est le porte-parole des Verts du Sénat, Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère.
Le lieu cadre bien avec la volonté de raccrocher l’approche passive au mouvement de la frugalité, puisque c’est, avec le pavillon Baltard, du réemploi à l’état pur.
Problème : c’est un club, et malgré la bonne idée de venir à Nogent-sur-Marne, au cœur d’une agglomération de 10 millions d’habitants, malgré le travail sans faille, malgré une claire volonté de réorientation vers les solutions biosourcées, le marché ne décolle pas comme il devrait.
Le seul lotissement passif biosourcé de la région, à Villeneuve-Saint-Georges, remonte à plusieurs années. Les écoles passives, une évidence économique et une protection essentielle de la santé des enfants dans des zones si souvent exposées, ne sont pas systématiques. Pour le logement social, il faut aller chercher le modèle à Grenoble, avec les tours du Haut-Bois qui font cette année l’objet d’une exposition particulière avec Procédés Chénel, mais qui elles aussi ne sont pas de la dernière actualité. Il reste pourtant énormément à faire en France et au moins, tout le monde sait où retrouver chaque année les spécialistes, c’est au début du printemps au Pavillon Baltard. Mais qui le relaie ? La RATP aime et vous y emmène ?
Affluence sur le stand de Valosence, un exposant habitué de Passibat'. © Jonas Tophoven
L’orientation frugale des organisateurs du salon est intéressante, car depuis l’origine, la démarche passive ne concerne pas le bilan carbone des matériaux, ni le caractère biogénique des matériaux. Ces dernières années, les allées du salon faisaient découvrir certes de la paille, mais aussi un certain nombre de solutions de surisolation fossiles et cimentières, à présent moins présentes. Est-ce que La Maison Passive se coupe désormais d’une part de son marché, des maçons malins ? Il ne faut pas assimiler la frugalité au biosourcé. Ni à la ventilation naturelle, vieille pomme de discorde entre le mouvement passif et le mouvement frugal qui s’est constitué autour d’Alain Bornarel, Philippe Madec et Dominique Gauzain-Müller.
Mischa Witzmann (Karawitz) et Edouard Molard (Archipente), incontournables architectes du passif en France. © Jonas Tophoven
La proximité entre passif et frugalité, développée par le magazine Passimag’, est aussi la trame large des conférences de ce salon. La température frugale se mesure commodément en rencontrant quelques-uns des architectes passifs français. Atelier d’architecture Rivat, pilier du salon et dont l’équipe est identifiable par ses foulards rouges foncés ; Atelier Desmichelle également exposant ; Archipente dont le collège Samuel Paty a fait l’objet d’une exposition au cours d’une précédente édition. Et l’agence Karawitz dont le magazine Passimag’ dévoilait que la maison Trilogis, dans la forêt de Fontainebleau, se verrait décerner l’un des six Trophées du Bâtiment Passif 2025, précisément dans la catégorie performance énergétique et frugalité.
Les isolants biosourcés doivent se réveiller, Mico les troquent contre du PET pour gagner des points en FDES. © Jonas Tophoven
Présentée le 12 février dernier dans les colonnes de Batirama, la maison Trilogis n’en est qu’aux prémices de sa notoriété internationale. Mais qu’est-ce qui y est frugal ?
Il s’agit bien d’une maison d’architecte(s), à faire rêver, avec pas mal de matière en débord de toiture et terrasse. Mais tout de même, comme le précise Mischa Witzmann de Karawitz lors de la remise des prix, la surface habitable n’est "que" de 150 m2. Les débords sur pieux assument une fonction essentielle de protection de la structure biosourcée, l’ouvrage se fond dans la nature, et, bien sûr, on y trouve un recours maîtrisé à la paille en isolation horizontale, sous toiture végétalisée avec vide d’air, et en isolation de dalle, deux solutions atypiques qui demandent un savoir-faire pointu, mais très utiles pour éviter le boulet émissif des fondations et des toitures plates avec isolants fossiles.
Édouard Molard d’Archipente a pour ainsi dire trouvé sa voie depuis le groupe scolaire en conception-réalisation Samuel Paty de Valenton. Le conseil général du Val de Marne a pris le pli de demander du passif pour ses écoles, en conception-réalisation, mais Archipente n’est pas abonné, l’agence construit cependant ailleurs et à un très bon rythme, tout en maugréant sur les impasses architecturales des marchés globaux de performance. Sauf qu’en réussissant à préserver tout de même l’essentiel, Édouard Molard et son équipe se voient actuellement confier des projets en loi MOP, où l’agence va avoir les coudées franches.
Et la frugalité, dans tout ça ? Édouard Molard remarque que ses compétiteurs ne cessent de s’adapter aux nouvelles normes, alors que ses propres solutions, déjà moins chères, sont restées performantes et qu’il peut encore avec son expérience les affiner et simplifier. Par exemple dans des détails, comme le souhait de supprimer les radiateurs qui à Valenton ne servent qu’à lancer le chauffage du bâtiment le lundi matin et qui ensuite restent froids. Or, un radiateur froid est mal perçu, et c’est aussi une débauche de matière.
Atelier Desmichelle a poussé le bouchon de la frugalité plus loin que tout le monde. En Bretagne, l’Atelier Paysan a été construit avec une charpente de bois non sciée, et de la paille. En tant qu’architecte de la construction paille depuis les origines, Corentin Desmichelle a exploré il y a des années déjà une architecture simple et limpide, alors qu’on ne parlait même pas encore de frugalité. À présent, l’Atelier fait partie des rares agences à recourir à une vaste gamme d’isolants biosourcés. Pour l’heure, l’Atelier bâtit pour Emmaüs, donc coche la case du maître d’ouvrage frugal.
Quand à Rivat, son positionnement comme étendard du passif en France porte ses fruits, l’agence de Saint-Etienne dispose d’une antenne à Paris et voit ses chantiers se répandre largement au-delà de la région Rhône-Alpes où L’Atelier d’Architecture Rivat avait livré, à Saint-Etienne, en promoteur, les treize maisons labellisées des Jardins Clémenceau, en comparant les performances de solutions en maçonnerie et isolants fossiles, avec des solutions biosourcées en paille. La paille, justement, qui revient actuellement pour le collège Albert Einstein de Magny-les Hameaux (Yvelines), associé à une démarche hors-site.
Bref, le passif frugal, c’est quand même beaucoup la paille. Pour le reste, le développement du label va plutôt vers l’intégration de l’autonomie énergétique que vers la simplification, l’économie de matière. Signes en sont les exposants de menuiseries extérieures, au salon. Labelliser une solution, c’est un peu donner un témoignage d’excellence, même si le gros des ventes ne se fait pas sur ce segment.
Quant au frugal passif, c’est encore une autre histoire. Des parois paille avec enduit terre respectant le niveau d’étanchéité à l’air, des fenêtres de réemploi non labellisées, du pisé avec ventilation double flux… Rien n’est incompatible et tout converge vers le zéro carbone : autonomie énergétique, stockage biogénique, longévité. L'avenir !
Gros oeuvre : les nouveaux modes constructifs
Passibat’, rebaptisé salon du Bâtiment bioclimatique et de la sobriété énergétique, tablait cette année sur la notion de frugalité. Effet de mode, caractéristique de toujours ou changement de cap ?