Légende : L’immeuble, qui s’engage à se situer 40 % en-dessous de la RT 2012 quant à ses besoins énergétiques, vise la certification HQE, le label Effinergie+ ainsi que le label E+/C-©BNP Paribas Real Estate
A Saint-Denis, le quartier du Landy, plus précisément de la Petite Espagne, était parsemé d’autoconstructions améliorées amoureusement bricolées par des réfugiés de la guerre civile ou des travailleurs immigrés de la péninsule ibérique, sur un terrain hautement pollué.
Puis il y a eu la construction du Stade de France, la gare RER La Plaine-Stade de France, premier arrêt de la ligne B en sortant de Paris après la gare du Nord. Toute la zone qui s’étend de la gare au canal de Saint-Denis qui marque la limite entre Saint-Denis et Aubervilliers a été transformée de fond en comble.
Un multi-étage de plus pour Mathis, avec un peu moins de volume de bois que le Pulse (6000 m3) et deux étages de moins que le Palazzo Méridia, mais des qualités architecturales originales pour l’architecture bois. ©BinderHolz
Tout a commencé par la construction du magnifique groupe scolaire intercommunal Casarès-Doisneau (Vincent Parreira) livré en 2011, perle et manifeste de ce quartier naissant de la construction bois.
Quelques maisons en bois ont suivi rue Maria Leonor Rubiano, prolongées en 2017 par un ensemble de logements en bois signés Yannick Champain avec une approche sociale particulière et participative, dont témoignent notamment la grande terrasse de toit commune.
Non loin, cet esprit devait être complété par 48 logements bois-paille par LA Architectes/Atelier Desmichelle, qui devrait enfin démarrer en janvier 2021, alors que le tandem a livré entre temps avec succès l’école maternelle bois-paille de l’avenue Vincent Auriol à Paris.
La ZAC Montjoie, c’est aussi le magnifique travail du bois au Lycée de la Plaine, l’îlot E3D qui fait date avec un mur dérivé de l’approche Mix3B de Bouygues, recourant au Panobloc de Techniwood. Le mur donne directement sur l’immeuble Curve.
La structure associe sur chaque niveau des poutres cintrées en lamellé-collé et un réseau de poutrelles HEA nécessaire pour compenser les efforts en limitant l’emprise. © BinderHolz
BNP Paribas Real Estate est le leader de la promotion immobilière en France. Comme ses dirigeants l’expliquent au Simi (salon de l’immobilier parisien) en 2015, le promoteur n’était pas encore présent dans ce nouveau quartier proche de Paris, dans cette zone tertiaire de la Plaine qui représente une alternative économique et souvent écologique à La Défense.
A l’époque, la ZAC de la Montjoie n’avait pas encore un cachet vert marqué, mais tout de même, autour de l’ilôt E3D, des noues devaient se charger d’améliorer la gestion de l’eau pluviale et l’association ALEC93 veillait au grain.
BNP Paribas a senti que le vent tournait vers le tertiaire responsable et a contacté l’agence Chartier-Dalix. Celle-ci s’est brillamment acquittée d’un projet de bâtiment tertiaire de 24 000 m2 en R+7 en bois, caractérisé par un plan masse inhabituel et sinueux permettant d’occuper la parcelle rectangulaire en évitant les vis-à-vis, et en ménageant deux jardins.
Alors que le Pulse s’apprêtait à sortir enfin de terre un peu plus loin, dans sa rigidité rectangulaire, la désignation du projet par Curve souligne la particularité de ces façades cintrées qui représente alors un vrai défi pour la construction bois.
Les profils métalliques variables marquent la courbure de la façade et créent l’illusion d’un cintrage des vitrages. ©BinderHolz
C’est OBM qui est en principe chargé de réaliser l’ouvrage où, selon les études d’ingénierie bois, les façades allongées et cintrées invitent à utiliser des poutrelles métalliques, comme Bouygues Immobilier le pratique à ce moment-là dans une partie du bâtiment Enjoy, quartier des Batignolles.
OBM est bien armé grâce à sa haute maîtrise conjuguée du bois et de l’acier, et le Curve devrait couronner une stratégie tournée vers la montée en puissance comme constructeur bois et challenger direct de Mathis.
Mais OBM revoit sa stratégie, change de patron et jette l’éponge. Mathis, le maître français des multi-étages en bois, reprend l’opération au pied levé malgré un carnet de commandes débordant. A ce moment, les études sont déjà avancées avec Ingénierie Bois, et une prescription orientée vers les solutions CLT et BLC de BinderHolz.
Mathis connaît bien BinderHolz avec qui il a déjà livré pour Ywood un emblématique R+6 à Marseille. Le chantier bois du Curve va être un vrai morceau de bravoure de ce tandem orchestré par Cédric Taglang, conducteur de travaux chez Mathis.
Le travail de charpente et les jonctions avec les poutrelles acier sont tellement propres et belles qu’elles auraient pu rester apparentes. ©BinderHolz
Le concept constructif est maîtrisé : deux (petits) noyaux en béton pour le contreventement, des poteaux en BLC associés pour le coup à des HEA sur lesquels viennent s’encastrer des panneaux CLT feuillurés.
Il s’agit des fameux panneaux BBS 125 de BinderHolz, le standard à tout faire en largeur 125 cm, préusiné au millimètre afin de s’emboîter exactement dans le calepinage, sachant que la courbure de la façade est dessinée par des éléments cintrés en lamellé-collé GL32 livrés également par BinderHolz.
Les panneaux CLT de l’Autrichien servent aussi à la verticale. Certes, ils existent aussi en version XL, mais sur le Curve, le recours aux panneaux de grande largeur est limité strictement aux avancées de façade où le calepinage impose des découpes en triangle.
Il est saisissant de voir comment un ouvrage à la forme enjouée a pu être décomposé, côté bois, dans un puzzle dont la complexité ne réside pas sur le plan des formats, mais essentiellement dans le respect impératif d’un ordre de montage au panneau près, imposant même un ordre de chargement spécifique pour chaque camion.
Si on ajoute que BinderHolz a livré le chantier avec 144 camions en l’espace de 15 semaines, on commence à comprendre ce que cela signifie en termes de logistique de production, mais aussi de réception et de montage.
Comme d’habitude, il n’y a guère d’espaces de stockage, tout arrive en flux tendu, depuis début avril 2019. Sur place, Cédric Taglang mobilise deux grues servies par deux équipes, tandis que d’autres équipes spécialisées dans la pose des poutrelles métalliques travaillent en temps masqué pour augmenter au maximum le débit de montage.
Contrairement aux travaux de terrassement et leurs mouvements de terre hautement polluée, et aux finitions de façades et d’aménagement intérieur impactées par la pandémie, le chantier de charpente est une vraie claque pour les groupements du Village Olympique : cinq ans avant les Jeux, Mathis et BinderHolz font une démonstration de ce que signifie un chantier multi-étage véritablement bas carbone de montage rapide.
Certes, les 5000 m3 de bois ont été acheminés par camion d’Autriche. Mais depuis cette année, BinderHolz livre la France par voie ferrée, en disposant d’un point de chute à Blanc-Mesnil. Un wagon correspond à 2,5 camions et la toute nouvelle fiche FDES recalculée par FCBA en mesure tout l’impact.
Le Curve a trouvé preneur à 90% avant l’achèvement, opération blanche réussie. Le quartier de la Montjoie poursuit sa transformation et tout près du Curve s’achève le chantier Woodwork également en bois et tout aussi spectaculaire.
BNP Paribas Real Estate prolonge l’aventure du bois avec l’Arboretum de Nanterre, à une autre échelle. Mathis dresse au Champs-de-Mars la charpente du Grand Palais Ephémère, histoire de rappeler son savoir-faire de lamelliste. BinderHolz multiplie, avec Mathis et d’autres, les projets urbains de logements de type R+6, notamment franciliens, acheminés désormais par le rail.
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven