Interdiction des chaudières fioul : le projet de décret est mis en consultation

Interdiction des chaudières fioul : le projet de décret est mis en consultation

Le Gouvernement n’a pas renoncé à interdire les chaudières fioul d’ici le 1er janvier 2022. Des exceptions sont prévues pour les biocombustibles liquides ou les pompes à chaleur hybrides.




Le 14 janvier, le Ministère de la Transition écologique a mis en consultation un projet de décret organisant la sortie du fioul. Trois documents sont consultables en ligne : l’étude d’impact, le projet de décret, plutôt court, avec seulement trois pages et un document pour les propriétaires de chaudières fioul expliquant les différentes aides pour financer un changement de chaudière fioul vers une autre solution technique.

 

Une conséquence de la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone)

 

Le ministère rappelle que cette mesure résulte directement de l’application de la SNBC qui prévoit, par rapport à 2012, de diminuer de 87% les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) du bâtiment d’ici 2050. Le bâtiment est responsable à lui seul de 25% du total des émissions de GES de la France.

 

Le ministère récapitule les étapes qui ont précédé cette décision : en novembre 2018, décision d’arrêter le chauffage au fioul d’ici 10 ans ; depuis Mars 2020, interdiction d’installer de nouvelles chaudières au fioul ou de réaliser des travaux lourds de réparation sur ces chaudières dans les bâtiments de l’Etat, avec retrait de toutes les chaudières fioul dans ces bâtiments d’ici 2029, sauf pour le Ministère de l’Intérieur et le Ministère des Armées qui bénéficient de délais supplémentaires, …

 

Pour les autres bâtiments – maisons individuelles, logements collectifs et tertiaires -, le rythme s’accélère à l’été 2020 et nous mène au projet de décret publié le 14 janvier 2021.

 

Plafond de 250 gCO2eq/kWh PCI

 

Le projet de décret interdit, à compter du 1er juillet 2021 pour les bâtiments neufs et à partir du 1er janvier 2022 pour les bâtiments existants, l’installation d’équipements alimentés par un combustible émettant ≥ 250 gCO2eq/kWh PCI. Il ne cite aucun combustible, seulement cette valeur plafond.

 

On se tourne immédiatement vers la Base Carbone de l’Ademe, qui requiert une inscription avant de pouvoir la consulter, mais constitue le Juge de Paix en matière de contenu eqCO2 des combustibles, ainsi que de nombreux autres gaz et fluides. Et on découvre que les facteurs d’émissions amont + combustion pour le périmètre France du fioul domestique atteignent 314 gCO2eq/kWh PCI, mais que le butane et le propane se situent tous deux à 270 gCO2eq/kWh PCI.

 

Ce qui semblerait les exclure également, au même titre que le fioul. Pourtant, le projet de décret, indique le Ministère, vise principalement le charbon et le fioul domestique. Il y a donc soit une incertitude quant à la source de l’évaluation du contenu GES des combustibles, soit une intention de bannir également les GPL.

 

Si on se concentre sur les facteurs d‘émissions directement liés à la combustion, sans tenir compte des facteurs amont, le fioul domestique se situe à 259,7 gCO2eq/kWh PCI et demeure donc exclu. Tandis que le Butane redescend à 227,5 gCO2eq/kWh PCI et le Propane à 227,91 gCO2eq/kWh PCI. Ce qui les mettrait à l’abri pour l’instant, mais les placerait tout de même à la merci d’une future sévérisation de cette mesure.

 

Le gaz naturel est lui aussi très proche du plafond proposé, avec un bilan total de 243 gCO2eq/kWh PCI, dont 190 pour la combustion et 53 pour l’amont. La biomasse est réputée neutre en carbone, dans la mesure où les émissions de GES lors de la combustion sont compensées par une séquestration du CO2 en amont durant la vie des arbres.

 

Cette hypothèse, qui constitue une simplification méthodologique un peu énorme, n’est valable que dans le cas d’une gestion durable de la ressource : faut-il se préparer à brûler des bûches, des plaquettes forestières, des granulés de bois et autre bûches reconstituées seulement s’ils sont accompagnés d’un certificat de gestion durable ?

 

L’électricité, en revanche, avec un contenu moyen de seulement 57 gCO2eq/kWh en 2018, paraît hors d’atteinte. Il paraît urgent, avant publication du décret, d’indiquer quels sont la source correcte et le périmètre pris en compte pour l’évaluation du contenu en gCO2eq/kWh PCI des combustibles.

 

Trois exemptions

 

Le texte du projet de décret prévoit trois exemptions, dont une n’en est pas vraiment. Premièrement, les biocombustibles liquides demeurent autorisés, dans la mesure où ils respectent le plafond des 250 gCO2eq/kWh PCI.

 

Si l’on applique une méthode simple - la partie bio du biofioul a, comme la biomasse, une charge carbone nulle, mais c’est une simple hypothèse, car il n’existe aucune règle à ce sujet pour l’instant et la combustion de la partie bio d’un biofioul génère tout de même environ 50% de la charge carbone du fioul domestique -, le biofioul F10 (90% de fioul et 10% de bio) affiche une charge carbone de 314,9 gCO2eq/kWh PCI et sera interdit.

 

Tandis que le biofioul F30 (70% de fioul et 30% de bio) passe sous le plafond avec un contenu de seulement 219,8 gCO2eq/kWh PCI. Il est donc urgent d’intégrer les biofiouls à la base Ademe pour que leur charge carbone soit clairement connue.

 

Le biofioul Evolution (seulement 5% de bio), commercialisé par Bolloré Energy depuis début 2019, atteint 298,3 gCO2eq/kWh PCI. Ce qui l’écarte du marché au même titre que le fioul domestique. Pour utiliser du biofioul F30, il faut changer le brûleur des chaudières existantes.

 

Pour l’instant, aucun fabricant européen ne propose de brûleur, ni de couple chaudière + brûleur compatible avec le biofioul F30. Seul Wolf commercialise une chaudière – le modèle COB-2 – compatible avec les biofiouls F7 et F10 qui, de toutes manières, ne passent pas le plafond de 250 gCO2eq/kWh PCI.

 

Enfin, la FF3C (Fédération Française des Combustibles, Carburants et Chauffage), autrement dit les marchands de fioul, se propose de lancer le biofioul F30 sur l’ensemble de la France en 2022.

 

La pompe à chaleur hybride est sauvée

 

Deuxièmement, les équipements utilisant un apport minoritaire en fioul, comme les pompes à chaleur hybrides – pompe à chaleur + chaudière fioul – demeurent autorisés.

 

 

 

Le marché des PAC hybride fioul est pour l’instant quasi-inexistant, mais Atlantic (Alféa Hybrid Duo Fioul A.I. 10 917 € TTC avec TVA réduite, mais seulement 7 212 € TTC par Izi by EDF), De Dietrich (Alezio O Hybrid, 11 676,80 € chez Téréva Direct), Chappée (Sempra Nova Hybride), Viessmann et Perge (OptiPac Hybride) en proposent. ©Atlantic

 

Troisièmement, les dispositions du projet de décret ne sont pas applicables aux bâtiments existants :

 

- s’il apparaît une impossibilité technique manifeste de remplacer l’équipement existant par un système de chauffage ou de production d’eau chaude sanitaire respectant le plafond de 250 gCO2eq/kWh PCI, en particulier pour des raisons d’encombrement, en cas de non-conformité à des servitudes ou aux dispositions législatives ou réglementaires au droit des sols ou au droit de propriété ;

 

- s’il existe une absence de solution de raccordement à des réseaux de chaleur ou de gaz naturel et lorsque l’installation d’un nouvel équipement respectant les dispositions du projet de décret nécessite des travaux de renforcement sur le réseau de distribution publique d’électricité.

 

Enfin, il est toujours possible, sans limite de temps, d’entretenir les chaudières fioul déjà installées. Selon l’enquête 2018 du Ceren, la plus récente disponible, 3,5 millions de logements sont chauffés au fioul en France, dont 2,975 millions de maisons individuelles environ.

 



Source : batirama.com / Pascal Poggi

L'auteur de cet article

photo auteur Pascal Poggi
Pascal Poggi, né en octobre 1956, est un ancien élève de l’ESSEC. Il a commencé sa carrière en vendant du gaz et de l’électricité dans un centre Edf-Gdf dans le sud de l’Île-de-France, a travaillé au marketing de Gaz de France, et a géré quelques années une entreprise de communication technique. Depuis trente ans, il écrit des articles dans la presse technique bâtiment. Il traite de tout le bâtiment, en construction neuve comme en rénovation, depuis les fondations jusqu’à la couverture, avec une prédilection pour les technologies de chauffage, de ventilation, de climatisation, les façades et les ouvrants, les protocoles de communication utilisés dans le bâtiment pour le pilotage des équipements – les nouveaux Matter et Thread, par exemple – et pour la production d’électricité photovoltaïque sur site.
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