Construction et biodiversité : une méthode pour évaluer les incidences sur la faune et la flore

Construction et biodiversité : une méthode pour évaluer les incidences sur la faune et la flore

Une méthode objective pour évaluer les incidences sur la faune et la flore des chantiers de construction sera bientôt disponible pour les aménageurs volontaires.




La parcelle n’est pas le seul niveau à étudier pour évaluer les changements en œuvre dans l’acte de construire ou rénover.

 

Les 26e rencontres du Club U2B* ont clôt l’année 2020 avec une réflexion sur les incidences de la construction et de la rénovation des bâtiments sur les espèces inféodées au bâti, et les solutions pour les limiter. Le constat est accablant : en 10 ans, les populations de chauves-souris ont régressé de 38 % ; en 20 ans, les martinets noirs ont régressé de 40 %, les hirondelles de fenêtre de 33 %, les hirondelles rustiques de 41 %, ...

 

Une réflexion est  engagée pour systématiser l’approche de l’impact d’un chantier sur son environnement, en élargissant le champ des interactions au-delà de la parcelle concernée.

 

L’impact d’un chantier devrait être évalué non seulement sur la biodiversité in-situ (l’impact direct du bâtiment sur sa parcelle, ou impact local), mais aussi sur la biodiversité ex-situ, qualifiée aussi de biodiversité « grise ». C’est-à-dire celle qui est impactée par les étapes d’avant la construction : démolition de l’existant, extraction des matières premières, transport et transformation en matériaux utilisés pour le chantier (impact global qui intervient sur les sols, les émissions de GES et polluants, etc.).

 

Aline Brachet, ingénieure au CSTB, explique : « Il faut s’assurer de l’équilibre entre impacts locaux et globaux. Par exemple, un système classique de toiture plate minérale, avec graviers, couche d’étanchéité, isolation et pare-vapeur, n’a qu’un très faible potentiel d’accueil de la biodiversité locale. Le choisir revient à détruire un espace de vie pour les espèces. Pour limiter cet impact, on peut opter pour une toiture végétalisée. Cependant, les matériaux ajoutés, substrat, couche de rétention d’eau, barrière anti-racinaire, etc., vont avoir un impact au niveau global. Il faut donc vérifier qu’améliorer l’impact sur la biodiversité locale ne se fera pas aux dépends de la biodiversité globale. »

 

Une méthodologie pour évaluer la biodiversité ex-situ

 

Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, le Muséum national d'Histoire naturelle, l’Etablissement Public d’Aménagement Marne et l’EPA France ont mis en place une méthodologie d’évaluation des interactions entre la biodiversité et les systèmes urbains : perte et changement d’habitat, changement climatique, pollutions, surexploitation des ressources, introduction d’espèces invasives ont des effets négatifs.

 

Mais parfois, certaines espèces peuvent s’installer dans des milieux urbains, pour peu que les espaces verts soient suffisamment grands, connectés les uns aux autres et gérés de manière écologique. Quant à elle, la biodiversité apporte des services au système urbain (support, régulation, approvisionnement et services socio-culturels), mais elle peut aussi générer des problèmes sanitaires et sociaux.

 

Pour permettre aux aménageurs de faire des choix objectifs en faveur de la biodiversité, la méthode hybride des interactions entre la biodiversité et les systèmes urbains, dite méthode HIBOU, se base sur une évaluation multi-critères, quantitative et multi-échelle (produit, bâtiment, parcelle, quartier et territoire). Elle combine les Analyses de Cycle de Vie des produits, l’expertise bâtiment, l’expertise écologique et la data science.

 

 

 

schéma interactions biodiversité et systèmes urbains

 

Construire neuf ou rénover ?

 

La méthode apporte des réponses objectives, en prenant en compte les produits de construction (nature, quantité, impact), la consommation en énergie et en eau sur la durée de vie en œuvre du bâtiment, et ces mêmes consommations pendant la phase chantier. Rénover consomme moins de nouveaux matériaux, cependant, la phase chantier inclut la démolition, dont l’impact est à évaluer.

 

Un outil actuellement en cours de développement au CSTB permettra aux aménageurs volontaires d’appliquer la méthodologie, avec le calcul des différents indicateurs.

 

Actuellement, seules les espèces en surface sont considérées, mais la biodiversité des sols est en cours d’étude, pour être intégrée également. « A terme, cette méthodologie pourrait aider à définir des seuils de perte d’espèces à ne pas dépasser dans les futures réglementations », imagine Aline Brachet, « Les données d’ACV n’intègrent pas la biodiversité. De plus, actuellement, tous les matériaux ne sont pas traçables. Il s’agit donc de les compléter avec des éléments sur la biodiversité. »

 

*Animé par la LPO, association qui agit pour la biodiversité, le Club Urbanisme Bâti et Biodiversité mène une réflexion prospective sur le sujet de l’intégration de la biodiversité dans les pratiques d’urbanisme et le bâtiment. Il réunit des acteurs publics et privés de l’urbanisme et du bâtiment, notamment des constructeurs et aménageurs comme Bouygues Construction, Rabot-Dutilleul, ou Eiffage.



Source : batirama.com/ Emmanuelle Jeanson

L'auteur de cet article

photo auteur Emmanuelle JEANSON
Collaboratrice de longue date de Batirama, elle est journaliste indépendante dans la presse pro du bâtiment et de l’énergie depuis ses débuts dans le métier (qui remontent à la dernière décennie du siècle dernier !). Ses sujets de prédilection : tout ce qui contribue à une construction plus soutenable ; les techniques anciennes remises au goût du jour ; les énergies renouvelables ; aller à la rencontre des artisans et de leur quotidien, mais aussi comprendre les enjeux de l’activité industrielle.
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