En 2011 déjà, le dallage en question avait fait jaser quand Philippe Folliot, député centriste du Tarn, département gros producteur de granit français, s'était ému que du granit chinois ait été retenu pour refaire le sol de la rue Alsace-Lorraine dans la capitale régionale.
Aujourd'hui, la rue Alsace-Lorraine est bien partie pour se terminer en granit angolais. Alors que la première tranche des travaux en est encore à deux mois de sa livraison, le fournisseur de granit noir chinois, Granit Anjou international, poursuit en effet devant le tribunal de commerce l'entreprise en charge du chantier, les Compagnons Paveurs. Et bloque ses livraisons de dalles.
"Nous avons 600.000 euros qui se baladent", impayés, a déclare le gérant d'Anjou Granit, Christophe Cheftel. Pour obtenir satisfaction, il a bloqué dans le port de Fos-sur-Mer 18 conteneurs de granit noir en provenance de Chine, nécessaires pour finir la première tranche de la rue.
Les Compagnons Paveurs rejettent la responsabilité sur Anjou Granit, qui a posé des "problèmes de qualité" sur ses dernières livraisons, portant sur des microfissures et surtout sur "la dimension du dallage", selon leur responsable sur le chantier, Adolfo Vilaca. "On a refusé le matériau que l'on ne pouvait pas poser" et le fournisseur a "dû récupérer 93 palettes", a-t-il dit.
Du coup, la seconde partie de la rue, dont les travaux doivent se terminer fin 2012, n'aura pas exactement la même teinte que la première: le granit noir de Chine sera remplacé par du granit un peu plus clair venu d'Angola et fourni par la société espagnole Granitos del Louro. Cette société approvisionne déjà le chantier en granit rouge d'Afrique du Sud et en gris clair du Portugal.
A la mairie socialiste, cette affaire de rue Alsace-Lorraine est prise très au sérieux. L'opposition de droite ne se prive pas d'utiliser tous les désagréments causés par ce chantier au long cours, dans une rue emblématique, comme un argument parlant directement aux Toulousains.
L'adjoint chargé de la commande publique, Etienne Morin, justifiait le choix de la Chine parce que ce pays était le seul à posséder le granit noir prévu par l'architecte. Tout en reconnaissant que les Chinois extraient la pierre "sans que les conditions environnementales ne les étouffent".
Pour le granit de Chine, "on sait qu'une partie est exploitée dans les camps de travaux forcés", et que pour les autres carrières, "il existe aussi une problématique des conditions sociales lorsqu'il ne s'agit pas de travail forcé", s'insurge le député tarnais Philippe Folliot.
Or la mairie devrait "s'assurer dès la conception du projet des conditions sociales et environnementales (salaires, droits humains, santé...) de toute la chaîne de sous-traitance, des carrières à la pose en passant par les transports", dit la directrice de l'ONG internationale Ressources humaines sans frontières (RHSF), Martine Combemale, basée à Toulouse.
Mais "pratiquement aucune municipalité ne se préoccupe" des conditions de travail et de transport dans les pays fournisseurs, déplore Francis Galindo, président de l'Association des carriers du Sidobre, région du Tarn productrice de granit. "Les maires ne regardent que le prix...", lâche-t-il.
Source : batirama.com