Légende : Le Grand Palais Ephémère en image virtuelle sur le second axe républicain © Wilmotte & Associés Architectes
Sous réserve d’endiguement de la pandémie, la dixième édition du Forum International Bois Construction, initialement prévue au Grand Palais, devrait avoir lieu du 15 au 17 juillet 2021 sous la voûte en bois du Grand Palais Ephémère, rebaptisé Arena-Champ-de-Mars.
L’ouvrage, en cours de finition, est une illustration des capacités actuelles de la construction et de l’architecture bois en France. A l’occasion d’une conférence de presse de lancement de la dixième édition, une visite du chantier de montage du Grand Palais Ephémère, GPE, était prévue. Malheureusement, le vif rebond de la pandémie a déprogrammé la conférence de presse, et les visites.
Disposition du Palais de l’industrie et plan masse du Grand Palais ©DR
Si le Grand Palais Ephémère propulse enfin la construction à l’âge du changement climatique, l’approche prend ses racines dans le passé de Paris et, surprise, les ressorts de l’approche éphémère-durable y sont déjà à l’œuvre dès le 19e siècle. De même, on peut constater la convergence événementielle entre expositions et compétitions.
Le Grand Palais a été inauguré à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900 à Paris. Il s’agit de la 5e exposition universelle organisée à Paris depuis 1855, la première depuis celle du centenaire de la Révolution française, en 1889, marquée par la construction de la tour Eiffel. Son thème est alors un peu logiquement « Bilan d’un siècle ».
Paris a occupé le terrain dès 1892, afin de capitaliser sur l’effet du centenaire. L’exposition se déroule de la mi-avril à la mi-novembre et accueille plus de 50 millions de visiteurs, alors qu’elle en attend 75. A titre de comparaison, 50 millions, c’est nettement plus que la population française métropolitaine de l’époque ; c’est tout de même deux fois plus que le nombre des entrées payantes de 1889. La Grande exposition industrielle de Berlin, en 1896, a accueilli 7 millions de visiteurs.
L’exposition universelle de 1897, à Bruxelles, 7,8. Celle de St Louis aux USA, en 1904, attirera 20 millions de visiteurs. Le record d’affluence de cette dernière édition parisienne avant les éditions de 1937 et 1947 ne sera battu qu’en 1970 avec l’exposition d’Osaka au Japon.
Mais le bilan financier est, apparemment, plutôt négatif, pour les nombreux petits porteurs parisiens qui perdent leur investissement. La Grande Guerre aidant, la série des expositions universelles parisiennes fait une longue pause, jusqu’en 1937. La grande exposition universelle de la Belle époque est donc aussi, déjà, celle de la fin d’une époque.
Jeu de courbure faisant rimer Eiffel et Gabriel ©Wilmotte & Associés Architectes
L’exposition de 1900 accueille entres autres la seconde édition des Jeux Olympiques, au Bois de Vincennes. Clin d’œil à la situation de 2024, où certaines épreuves des Jeux Olympiques et Para-olympiques devraient avoir lieu à la fois au Grand Palais et au Grand Palais Ephémère.
Pour se rendre au Bois de Vincennes, on prend le nouveau métro, ligne 1. Les concours s’étendent de mai à octobre. Durant les deux premiers mois, la ligne de métro n’est pas encore inaugurée. Peut-être un second clin d’œil ?
A vrai dire, pour cette seconde édition, les organisateurs de l’exposition ont forcé la main à Pierre de Coubertin et l’événement ne porte pas officiellement le nom de Jeux Olympiques, mais de « concours internationaux d'exercices physiques et de sports ».
Ils seront validés rétroactivement comme seconde édition des Jeux Olympiques. A noter que ce concours inaugure la participation des femmes. La convergence entre Jeux et Exposition Universelle se reproduira à St Louis en 1904. Une nouvelle fois, en 1908 à Londres, les épreuves d'escrime des jeux olympiques de 1908 ont lieu dans le quartier de l’Exposition universelle, dans un quartier de l'ouest de Londres, près de Shepherd's Bush.
La déconnection entre Exposition et Jeux se fera à partir de l’édition de Stockholm en 1912. Les Jeux reviendront à Paris 5 éditions plus tard, avec un village olympique en chalets, à Colombes. Il s’agissait du premier village olympique, et aussi d’un village éphémère. Cet héritage immatériel n’a pas été respecté dans les considérations qui ont accompagné l’élaboration du projet de village olympique, exactement 100 ans plus tard, à St Denis et St Ouen.
Une intégration soignée ©Wilmotte & Associés Architectes
Il ne faut pas voir de mauvais augure dans le fait que l’exposition de Paris 1900 ait été marquée, le 18 août, par l’écroulement d’une passerelle en bois faisant quatre morts et une cinquantaine de blessés. Cette passerelle en bois est située sur la rive gauche du fleuve.
Le 18 août 1900, après la remise des récompenses et la fête nautique voyant défiler des bateaux remarquables sur la Seine, un mouvement de foule est provoqué par un mauvais plaisantin anonyme qui aurait crié : « Ça craque ! ». La passerelle cède effectivement et tombe d'une hauteur d'environ trois mètres, comme le précise Wikipédia.
A vrai dire, quelques jours seulement après l’inauguration de l’exposition, une autre passerelle s’était écroulée, faisant neufs morts et plusieurs blessés grave. Elle était en ciment armé. Conçue par Napoléon de Tédesco suivant le système Matrai, elle est constituée essentiellement d’une structure en fer, où le béton joue le rôle accessoire de préservateur contre la rouille et le feu.
En fin de compte, c’est la Ville de Paris qui sera condamnée pour avoir effectué des fouilles trop près de la passerelle. L’accident amènera le gouvernement à s'intéresser au nouveau matériau qu'était le béton armé et à essayer d'en définir les règles d'usage. La Commission du ciment armé sera créée à cet effet, par l'arrêté ministériel du 19 décembre 1900. Ainsi commence, par deux écroulements de passerelle, le siècle du béton qui est aussi celui de l’éclipse, puis de la renaissance tardive du bois structurel.
Représentation initiale du projet, de jour. La charpente a nettement évolué (triangulations), ainsi que la solution de toiture.©Wilmotte & Associés Architectes
A l’occasion de l’Exposition de 1900, Le Petit et le Grand Palais sont construits sur l’emplacement de l’ancien Palais de l’Industrie et des Beaux-Arts, bâtis pour l’Exposition de 1855. Ce Palais conçu par Viel et Barrault était le clou de cette première exposition universelle française.
Sa vaste nef vitrée couvrait un espace de 192 m par 48 m, soit l'équivalent de la surface du Centre Georges Pompidou. Ce Palais abrite en 1881 la première Exposition internationale d'Électricité. En 1900, l’électricité sera fêtée dans un palais dédié, précisément à l’emplacement du Grand Palais Ephémère de 2020. Les décorations des façades du Grand Palais témoignent elles-mêmes de la fascination exercée à l’époque par l’électricité.
Le remplacement du Palais de l’industrie est décidé à la fin du 19e siècle. S’ensuit l'établissement d'un programme et l'organisation d'un concours d'idées entre architectes, décidé par arrêté du 22 avril 1896. Contrairement à ce qui avait été prévu pour le palais du Trocadéro ou encore l'Opéra Garnier, il n'est pas envisagé que la compétition soit internationale. Le concours ne s'adresse, ici, qu'aux seuls architectes de nationalité française.
Le concours porte sur les deux palais, mais les candidats ont le choix et peuvent n’en traiter qu’un seul, des limites sont imposées aux concurrents : « ils auront soin d’éviter les masses de constructions trop lourdes et trop compactes, en combinant leurs effets avec le cadre (un espace de verdure doit entourer les Palais ») ».
Durant le mois de Juillet 1896, le jury de ce concours d’architecture, se réunit 5 fois, faisant une sélection de plus en plus sévère à chaque session. 9 projets restent en concurrence. Charles Garnier, architecte de l’opéra de Paris, se penche particulièrement sur le sujet. A noter que parallèlement, les architectes Cassien-Bernard et Cousin sont chargés de l’étude du Pont Alexandre III. C’est aussi un projet novateur : en effet c’est le premier arc métallique franchissant le fleuve d’un seul jet (avec Alby et Resal ingénieurs).
Après une suite d'épreuves très disputées, de péripéties et un âpre débat au sein des représentants des autorités, de la presse et du grand public, les architectes Henri Deglane, Albert Louvet, Albert-Félix-Théophile Thomas et Charles Girault ne peuvent être départagés et sont choisis pour réaliser une synthèse de leurs propositions respectives et faire œuvre commune.
Les architectes des deux Palais portent un ouvrage de 77 000 m2, avec 1 km de façade. La façade Est consolide et fonde l’axe républicain qui s’étend des Invalides aux Champs-Elysées.
Cet axe fait écho à l’axe qui relie l’Ecole militaire au Trocadéro. La façade Ouest du Grand Palais, qui donne sur l’avenue d’Antin, plus tard rebaptisée Franklin Delano Roosevelt, n’est pas parallèle, de sorte que le bâtiment qui accueillera le Palais de la Découverte est désaxé. Chacun de leur côté, le Palais d’Antin et la grande nef maintiennent un plan masse basé sur la symétrie.
Trois architectes sont chargés de différentes parties de l’ouvrage, le quatrième, en charge également du Petit-Palais, de la coordination. Parmi eux, la nef est confiée à Deglane. Les dimensions sont imposantes : 200 m de longueur, 50 m de largeur (100 m entre l'entrée principale et le mur de fond du paddock), 35 m de hauteur sous la charpente, 45 m de hauteur sous la coupole, 60 m jusqu'au campanile. La surface au sol atteint une superficie de 13 500 m2.