Le bois et les arbres ont de toute évidence une image très contradictoire : le grand public aime les arbres quand il les voit dans des forêts bien entretenues mais il ne supporte pas de les voir abattus et transformés, même pour rénover une cathédrale…
Il faut dire que la taille et la beauté des chênes utilisées pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris impressionnent. Et de là à se dire que ces magnifiques espèces auraient mieux fait de rester en forêt, il n’y a qu’un pas que le grand public franchit souvent allègrement.
Ces réactions ont suscité la réaction de Laurent Bléron, directeur de l’Enstib (Ecole Nationale des Technologies et Industries du Bois) et Pascal Triboulot, Directeur honoraire de l’Enstib et vice-président de Fibois.
Intitulé : Coup de gueule : « Peut-on se passer de bois ? », leur publication dénonce « l’amalgame permanent, entre les images chocs de la déforestation en zone tropicales et la réalité de la progression du patrimoine forestier sur tout le continent européen »
« … l’impression donnée que les entreprises du bois et les forestiers sont tous « vendus au grand capital » et œuvrent systématiquement à grands coups de monstres mécanisés et d’épandages récurrents de glyphosate et d’autres intrants dévastateurs finissent par lasser » écrivent-ils.
D’où leur question : « Peut-on se passer de bois ? C’est la seule question que doit se poser l’opinion public ». Selon eux, « si la réponse est oui, alors acceptons l’idée de l’utilisation tout azimut des ressources fossiles et de la bétonisation de la planète (…)
« Nos forêts pourront alors être mises sous cloche, revenir à l’état primaire, redevenir impénétrables et largement moins agréables pour la promenade ou la sortie VTT du dimanche, ou simplement disparaître, emportées à leurs tours par le réchauffement climatique, dont les effets sont bien plus rapides que la seule adaptation des forêts à leurs environnements » ajoutent-ils.
En revanche, « si la réponse est non », les deux auteurs préconisent de changer « notre regard sur les spécialistes : gestionnaires forestiers, bûcherons, scieurs, industriels de la deuxième transformation, scientifiques qui prônent un équilibre à travers les multifonctionnalités de la forêt, ou qui mettent en évidence l’intérêt environnemental de l’utilisation du bois, et donc de la récolte des arbres ».
Il faut cesser de considérer ces gestionnaires de la forêt comme des suspects, car la forêt est aussi l’une des meilleures illustrations de ce qu’est le développement durable, selon les auteurs qui donnent pour exemple la reconstruction de Notre-Dame
« L’opinion public s’est là encore « enflammée » : 3 500 m3 de chênes sacrifiés, inacceptable de récolter les 1000 à 1500 chênes nécessaires à la reconstruction ! » écrivent-ils.
« Or, il y a environ 1,3 milliards de chênes rouvres et pédonculés en France. Cette opération représente donc 0.0001% du capital de chênes disponibles… L’accroissement biologique annuel des chênes de France est de l’ordre de 14 millions de m3. »
« Les 3 500 m3 de chêne seront reconstitués dans nos forêts en moins de 2h30…. C’est de l’arithmétique de base niveau CM2 : [(365 jours x 24h) / 14 000 000 m3] x 3 500 m3 = 2,18h", poursuivent les auteurs qui terminent : " 2h30 de production, sans aucun bruit, en prélevant le CO2 atmosphérique et avec le soleil comme seule énergie… »
Et de conclure : « La forêt et l’utilisation du bois ont un rôle indispensable dans la réalisation des engagements environnementaux de la France. L’effort de communication et de pédagogie sur la nécessité d’une gestion dynamique de la forêt porte aussi sur les générations de futurs acteurs que nous formons à l’Enstib. Pour eux, nous nous devions d’intervenir dans ce débat ».
Photo©F. Leroy