Murs en béton de chanvre : le pari de Wall Up en Seine-et-Marne

Murs en béton de chanvre : le pari de Wall Up en Seine-et-Marne

Wall Up préfabrique des murs en béton de chanvre sur caissons de bois pour toutes applications en façade, cloisonnement. Le chanvre du béton provient de deux chanvrières franciliennes.




Le premier mur fait la même épaisseur que le seconde et le troisième. Simplement, le panneau de finition intérieur (Fermacell 15mm) a été remplacé par un panneau CTL de 80 mm permettant de fixer facilement les postes de travail.© Wall Up

 

On attendait pour Paris le développement de sites de préfabrication de la construction bois, comme il en existe chez Méha à Valadon, Vaninetti à Rosny-sur-Seine. Ces sites encore très peu nombreux en Ile-de-France préfabriquent des éléments de construction à ossature bois, qui sont des murs porteurs et incorporent des isolants en panneaux garantissant une haute performance d’isolation pour une épaisseur de mur réduite.

 

Selon le DTU 31.2 qui a été révisé, les isolants associés sont en laine minérale. Mais il existe des alternatives à base d’isolants biosourcés, visés par des avis techniques. Cependant, ni les composants en bois des ossatures, ni les isolants biosourcés ne viennent de la région parisienne. Et pour l’instant, presque tous les éléments préfabriqués en ossature bois sont fabriqués hors de l’Ile-de-France.

 

Une solution hybride

 

Au lieu de cette technique de préfabrication banalisée mais toujours rare, l’Ile-de-France se dote d’un site de préfabrication hybride. Les murs réalisés à partir d’une ossature bois ne sont en principe pas porteurs, l’isolation intégrée a les performances un peu moindres d’un mélange hydraulique et la préfabrication demande des délais de prise.

 

Par contre, il s’agit d’une technique de préfabrication qui permet d’introduire en circuit court et par un process de préfabrication en atelier et de montage le chanvre qui pousse aux portes de Paris.

 

La caractère hybride de Wall Up se poursuit par la possibilité d’appliquer en façade des isolants biosourcés porteurs d’enduit, les ETICs, ou des bardages en bois. A l’inverse, les panneaux peuvent venir se fixer sur une structure poteau-poutre en béton. C’est précisément le cas du bâtiment d’activité qui vient d’être inauguré, et qui s’appuie sur des piliers en béton choisis pour supporter des ponts roulants.

 

 

Ici, le mur Wall Up est décoffré, les appuis de fenêtre sont lestés. ©Wall Up

 

Béton ou construction biosourcée ?

 

La destination possible des murs non porteurs est donc hybride et ainsi très flexible. Hybride est aussi l’association d’un caisson en bois et d’un mélange fluide de chènevotte et d’un produit à base de chaux de Lhoist, qui comporte une part de liants hydrauliques.

 

Il est donc loisible de parler de murs en bétons de chanvre, tout comme on pourrait parler de murs biosourcés en raison de la concentration de matériaux biosourcés, bois pour les caissons et chanvre pour le béton. Et le plus facile est d’appeler cet hybride Wall Up. Un quart de siècle après la loi Toubon, les enseignes françaises adoptent massivement l’anglais.

 

Hybride est aussi l’histoire du produit. A l’origine, le maniement de la chaux, le mélange chanvre-chaux est typiquement une activité de maçonnerie. En Ille-et-Vilaine, l’entreprise LB éco habitat en est une. A partir de 2015, Christophe Lubert y développe l’option de la préfabrication, particulièrement exemplifiée en 2018 pour les bureaux de la société Triballat.

 

Accélérer la prise du mélange intégrant la chènevotte

 

L’innovation ne se situe pas dans les caissons, mais plutôt dans la R&D de Lhoist qui met sur le marché des applications permettant d’accélérer considérablement la prise du mélange intégrant la chènevotte.

 

La prise dure 8h à plat, puis relevage. Il reste toutefois deux semaines nécessaires pour le séchage total, ce qui signifie que le site d’Aulnoy près de Coulommiers est pour moitié un lieu de stockage de panneaux qui font une partie de leur prise à plat. A Bédée, LB Ecohabitat ne dispose pas de locaux couverts adaptés. 

 

Il reste toutefois deux semaines nécessaires pour la prise, ce qui signifie que le site d’Aulnoy près de Coulommiers est en grande partie un lieu de stockage de panneaux qui font une partie de leur prise à plat. A Noyal, LB Ecohabitat ne dispose pas de locaux couverts adaptés.

 

 

3. Sous une charpente en bois, et des poteaux en béton, une solide dalle hydraulique est coulée.©Wall Up

 

L’empreinte de la construction bois

 

Le chantier de Triballat n’a pas échappé à Lhoist et a été repéré par Karibati qui l’a présenté il y a quelques années dans le cadre d’une manifestation sur la construction biosourcée. A ce moment se développe en Ile-de-France une dynamique du chanvre, avec la constitution de deux chanvrières.

 

Parmi les produits de construction biosourcés, le chanvre tient la corde en tout cas face au bois et même vis-à-vis de la paille. Si ce n’est que la région francilienne est tout de même largement alimentée en bois d’œuvre.

 

L’architecte Philippe Lamarque comprend l’intérêt de développer ce type de murs à base de chanvre en préfabrication. La région Ile-de-France aussi. Les charpentiers Méha, Aux Charpentiers de France (groupe Delaunay) et Paris Charpente sont les trois charpentiers franciliens qui s’engagent à produire et fournir les caissons, même si d’autres fournisseurs pourraient se joindre à eux.

 

Les caissons ne sont pas standardisés en termes de format, de contour et de profondeur mais se conforment aux prescriptions du bureau d’études Wall Up. Ils arrivent à Aulnoy, puis sont remplis avec le mélange de Béton de chanvre. Il est possible d’augmenter l’épaisseur au-delà des caissons, et d’appliquer tout type de finition (bardage, enduit, menuiserie…) directement à l’usine.

 

Un mode de fabrication basé sur des caissons

 

L’ossature bois sert pour la manutention de ces murs en atelier, pendant le transport et durant le montage. D’ores et déjà, la fabrication peut intégrer en réservation des commutateurs et donc des réseaux.

 

Le mode de préfabrication basé sur des caissons, impliquant plusieurs charpentiers fournisseurs et conduisant à des montages sur sites à sec, tout cela rapproche fortement Wall Up du monde de la construction bois.

 

De même que la nomination, à la tête de la nouvelle usine, d’Arthur Cordelier, le jeune compagnon charpentier qui a coordonné dès l’été 2019 la fabrication expérimentale et pédagogique du projet « étude et reproductions des charpentes de Notre Dame de Paris » composée d’une exposition de maquette et d’une travée échelle quasi réel.

 

 

Un coin du nouveau site est réservé aux bureaux, sur plancher bois. Les murs Wall Up montrent leur versatilité et son capables d’intégrer toutes sortes de baies.© Wall Up

 

Le prix du biosourcé : encore des incertitudes

 

Pour l’heure, il est bien difficile de chiffrer la performance économique de Wall Up. Le premier panneau fabriqué dans la nouvelle usine a servi comme plaque commémorative. L’ensemble est complexe : des caissons à fabriquer en plus de l’activité débordante sur un marché de fortes tensions de délais et de prix.

 

Le process à Aulnoy qui va demander des aménagements comme cela est naturel sur un nouveau créneau d’activité. Le transport des murs par la route, certes non loin mais tout de même dans une région bouchée, les cadences de montages qui se doivent d’être bien encadrées.

 

Enfin, le mur Wall Up posé n’est pas fini, mais il peut l’être. On ne sait donc pas si la solution est compétitive, mais par contre, le carnet de commande se remplit vite. Il est question de livrer des murs pour des logements d’enseignant à St Ouen, et aussi d’autres pour l’écoquartier Woodi près de Melun.

 

Le bon côté, c’est que l’investissement est resté modique et qu’il a bénéficié de l’aide de l’Etat et de la Région. Plus de 600 000 euros ont été attribuée dans le cadre du plan Bois PIA III, encore un point qui rapproche Wall Up de la filière bois.

 

Les éléments d’appréciation laissent augurer un bon bilan carbone mais la preuve d’une construction neutre en carbone reste à fournir. C’est aujourd’hui le ruban bleu de la construction, et malgré les FDES groupées, il est encore très difficile de réaliser proprement le bilan carbone d’un chantier donné. Peut-être que Wall Up va être un moteur en la matière.

 

 

Comme l’objectif n’est pas de créer des murs porteurs, le caisson ne doit pas couvrir intégralement le béton de chanvre.©Wall Up

 

             

Arthur Cordelier, directeur de Wall-up Préfa : « Nous voulons évoluer vers des murs finis »

 

« Notre ambition de produire tout d’abord 50 000 m2 de murs Wall Up correspond à la consommation de 1000 hectares de chanvre. Il faut bien préciser qu’il s’agit d’une consommation sur un an. La conversion 50 m2/1 maison/1 hectares est à mettre en rapport avec disons 50 ou 60 ans de croissance d’une forêt sur une parcelle analogue : 60 ans, cela représente 60 maisons sur ce même hectare.

 

La superficie dédiée au chanvre en IDF passe de 1200 à 2000 hectares et d’autres région comme autour de Troyes cultivent beaucoup de chanvre. Cela n’a pas de sens de comparer la paille issue de la culture de céréale et le chanvre. La culture de chanvre est une culture de transition, elle régénère le sol en créant des microfissures profondes pour l’eau.

 

La même approche de la préfabrication que la fiière bois

 

En matière de biosourcés, la paille et le chanvre sont complémentaires. En matière agricole, le chanvre améliore la productivité des céréales. On dit béton de chanvre car selon l’étymologie, il y a un mélange de granulats et de liants. La part de liants hydrauliques de Tradical Thermo, que nous utilisons, est plus faible que dans les autres formulations.

 

Et quant à notre perception de notre travail, nous sommes tous des boiseux ! L’aide obtenue dans le cadre de PIA III est pleinement justifiée. Nous avons la même approche de la préfabrication que la filière bois et nous voulons évoluer de plus en plus vers des murs finis.

 

Notre hall de préfabrication a certes besoin de ponts roulants. Pour la ventilation, il y a deux portes sectionnelle qui s’ouvrent du côté des champs et anticipe aussi l’évolution de nos besoins futurs. Nous ne voulons pas accélérer la prise par de l’air chaud et nous plaçons dans la perspective de solutions vertes. Nos murs ne sont pas porteurs mais il arrive que nous intégrions des poteaux porteurs dans nos murs.

 

Objectif : créer un mur manteau continu avec Wall up

 

L’important est la capacité du Wall Up de créer un mur manteau continu, car le béton de chanvre de deux murs empilés se touche sur toute la profondeur. L’étanchéité à l’air de la jonction se travaille avec les adhésifs du marché. Par contre, plus de membranes comme avec la construction à ossature bois sous DTU 31.2. C’est très séduisant pour les charpentiers !

 

Certes, comme il s’agit de béton de chanvre, le R n’est pas très élevé, mais nous obtenons le Graal du R=4 avec 30 cm. Avec ça, un complément d’isolation extérieure est loin d’être systématique. Le béton de chanvre pèse 550 kg/m2 au début. Sec, il descend à 350 kg.

 

On obtient des murs de 120 kg/m2 environ. On se situe à la limite du territoire des charpentiers capable de tout gérer avec un Manuscopic, et des maçons qui ont besoin d’une grue. A Aulnoy, notre mur de 12 x 3 m pèse 3,6 tonnes. On n’y arrive plus très bien avec le plus gros Manuscopic ».



Source : batirama.com/ Jonas Tophoven

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